Contrat, vous avez dit contrat ?
Le contrat de soins est un contrat civil. C’est "une convention par laquelle une
ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à
faire ou à ne pas faire quelque chose." (Art. 1101 du code civil).
Le contrat est médical
Il est donc encadré par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. L’article L1111-2 du code de la santé publique précise que "toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé…".
Cette information doit être claire, loyale, complète et intelligible permettant ainsi de recueillir le consentement éclairé du patient aux soins qui vont lui être proposés dans ce cadre contractuel.
Le contrat est consensuel et d’exécution continue
Il impose donc l’échange de consentements. Ce consentement, éclairé et conforme à l’obligation d’information du praticien, ne sera pas nécessaire à chaque séance car considéré comme acquis dès lors que le chirurgien-dentiste aura rempli ses obligations.
Le contrat est synallagmatique
Il comporte donc une obligation réciproque entre les parties, chacune ayant des droits et des devoirs.
Le contrat est conclu intuitu personae
Il assure donc le respect d’un des grands principes de la médecine libérale, le libre choix du praticien par le patient. En contrepartie, le chirurgien-dentiste doit exécuter personnellement ses obligations.
Le contrat est à titre onéreux
Il appelle donc une rémunération. L’article R4127-240 du code de la santé publique précise par ailleurs que le "chirurgien-dentiste est libre de donner gratuitement des soins…".
Pour autant, la gratuité des soins ne fait pas obstacle à l’existence de relation contractuelle entre le chirurgien-dentiste et le patient.
Le contrat est tacite
Contrat le plus souvent verbal, l’acte écrit n’étant qu’un élément de preuve des engagements réciproques des parties.
Le contrat est résiliable unilatéralement
Pour le patient, cette faculté est absolue.
Un patient libre de cesser les soins à son gré, sans avoir à se justifier !
De nombreux litiges trouvent leur origine dans la rupture unilatérale du contrat
de soins par le patient.
C’est l’histoire d’une rencontre qui, comme une histoire d’amour, peut parfois
"finir mal".
Pour rappel, le patient a le libre choix de son praticien et doit consentir à son traitement.
Ce principe est fondamental et donc incontestable en droit.
Le patient dispose ainsi de toute liberté et peut, à tout moment, retirer sa
confiance à son praticien. Cette perte de confiance peut être légitime et le
souhait du patient d’être suivi par un autre praticien ne nécessite pas d’explications.
Mais l’absence de continuité des soins qui seraient alors en cours peut entraîner des suites dommageables et être à l’origine d’une mise en cause de la responsabilité du chirurgien-dentiste.
Exemple
Un dossier récent de recherche en responsabilité d’un sociétaire dans le cadre d’une expertise judiciaire illustre ce cas de figure.
Un patient pris en charge au sein d’une structure hospitalière était porteur d’une restauration implanto-portée à titre provisoire. Il a interrompu son traitement de façon inattendue pour ne plus donner de nouvelles à son praticien traitant pendant 2 ans et demi.
Malgré les multiples avertissements de ce dernier et le fait que le patient était
pleinement conscient du statut transitoire de sa prothèse transvissée, il n’en a eu cure.
Il demande réparation à la suite des complications survenues.
Or ces complications, d’après les premiers rapports d’expertise à notre
disposition, sont a priori liées à son attitude désinvolte et à sa négligence quant au suivi nécessaire qu’il a donc ignoré en connaissance de cause.
Alors, que faire quand un patient rompt un contrat de soins ?
Face à une telle situation, pas toujours conflictuelle initialement rappelons-le, le praticien doit informer son patient des risques encourus à suspendre un
traitement en cours.
Quelques conseils pour le chirurgien-dentiste
Pour ce faire, le chirurgien-dentiste sera bien inspiré :
- d’adresser au patient un courrier postal recommandé ou électronique afin de s’enquérir de sa santé bucco-dentaire dans un premier temps.
- puis de l’informer succinctement que "laisser en suspens des soins non terminés peut occasionner des suites dommageables pour sa santé bucco-dentaire et qu’il lui appartient de reprendre contact rapidement avec le praticien de son choix".
Le praticien montre ainsi qu’il agit "avec correction et aménité envers le
patient" et qu’il se montre "compatissant avec lui". (Article R. 4127-233 du
Code de Santé Publique).
Il importe in fine ici de recentrer la relation thérapeutique autour du patient ("le patient acteur de son traitement") l’impliquant donc explicitement dans les soins qu’il a consenti à recevoir, et leur suivi.
Il aura donc tout intérêt à être diligent dans le suivi de ses soins, comme
l’obligation de respecter les traitements proposés et acceptés, de respecter les
dates de rendez-vous, et de finaliser son traitement.
Le rôle des autorités de tutelle
Étant donné l’augmentation des litiges ayant pour origine cette rupture
unilatérale, il serait utile que nos autorités de tutelle, via de nouvelles campagnes d’informations, rappellent quelques principes fondamentaux :
- Se brosser les dents au moins deux fois par jour avec une brosse à dents souple (électrique ou manuelle).
- Consulter le chirurgien-dentiste de son choix une fois par an.
- Ne jamais laisser en suspens un traitement qui aurait été interrompu pour quelque raison que ce soit, le praticien suivant le patient ne pouvant être tenu pour responsable de façon directe et certaine des suites et conséquences dommageables de cette absence de suivi.
En résumé
Si la rupture unilatérale du contrat de soins par le patient est un droit fondamental et incontestable (dans le cadre d’un déménagement, d’un départ en retraite, ou d’un conflit naissant par exemple), nul ne doit ignorer la nécessité d’observer un suivi dentaire approprié.
Références