Un préalable : clarifier le périmètre et la définition des soins et de la chirurgie ambulatoires
Traditionnellement, les soins ambulatoires renvoient vers la médecine de ville, et la chirurgie ambulatoire est pratiquée en établissement de santé.
Mais la frontière entre la chirurgie ouverte et les pratiques dites interventionnelles est de plus en plus difficile à tracer : chirurgie ouverte ne signifie pas nécessairement complexité de la procédure et, à l’inverse, une activité interventionnelle peut nécessiter des compétences et un environnement du bloc opératoire complexes.
Le terme de virage ambulatoire est, quant à lui, souvent cantonné à l’idée d’un transfert de l’activité hospitalière vers la médecine de ville.
Cette vision est réductrice puisqu’il peut également viser le maintien à domicile pour éviter une hospitalisation, ou le transfert des activités hospitalières conventionnelles vers un régime d’hospitalisation de jour.
- Le HCSP préconise donc de mieux définir cette terminologie pour qu'elle reflète pleinement la réalité.
- Le cadre réglementaire du niveau d’environnement chirurgical adéquat doit être plus précisément défini, quel que soit le lieu, pour la prise en charge d’actes chirurgicaux sous anesthésie topique ou locale et ne nécessitant pas de moyens anesthésiques.
Des préconisations pour la chirurgie ambulatoire
Actuellement, le bloc opératoire est commun et partagé avec la chirurgie conventionnelle. On l’a vu avec la crise sanitaire, ce peut être un frein à certaines interventions qui, en l’occurrence, ont été déprogrammées alors qu’elles auraient pu être maintenues.
- Le HCSP préconise donc de mieux différencier les circuits entre chirurgie conventionnelle et ambulatoire pour limiter les pertes de chance dues aux déprogrammations d’activité chirurgicale en hospitalisation complète en cas de crise sanitaire. Le bloc opératoire doit être adaptable et évolutif en fonction de l’activité.
- Il préconise également le développement de "Free standing centers", centres indépendants de pratique exclusive de chirurgie ambulatoire pouvant aller jusqu’à la chirurgie "lourde" ambulatoire, comme par exemple la pose de prothèses totales de hanche ou de genou ou les colectomies totales.
Pour l’heure, la chirurgie pratiquée au cabinet reste très marginale et dans des conditions restrictives.
- Le HCSP préconise une réglementation de la chirurgie au cabinet en proposant un niveau d’environnement technique adéquat (asepsie, personnel dédié, etc.) permettant la maîtrise des risques et garantissant la qualité des soins.
Enfin, les conditions psycho-socio-environnementales du patient jouent un rôle très important en ambulatoire.
Aujourd’hui, nombre de patients ne peuvent en bénéficier car certaines vulnérabilités (isolement, précarité, difficultés linguistiques, etc.) peuvent constituer des freins.
- Le HCSP préconise une meilleure prise en compte des conditions psycho-socio-environnementales du patient, en l’accompagnant systématiquement dès l’amont de l’hospitalisation, en mobilisant son entourage, des associations et/ou des services sociaux.
Des préconisations pour la médecine ambulatoire
Si la chirurgie ambulatoire est définie par les textes, la médecine ambulatoire manque en revanche de référentiels fiables. Il est difficile de déterminer avec exactitude ce qui en relève.
- Le HCSP préconise la mise en œuvre d’une base de codage des diagnostics et des actes en ville pour avoir une visibilité de l’ensemble du périmètre de la médecine ambulatoire.
L’offre de médecine de ville de second recours est insuffisante et concentrée sur les grands pôles urbains.
- Le HCSP préconise la mise en place d’une offre de second recours de proximité et accessible financièrement, en agissant sur la formation des spécialistes de second recours et sur leurs modes d’exercice. Le développement d’outils de data-visualisation à visée nationale, régionale, territoriale et au niveau de chaque établissement permettra de bénéficier d’une cartographie opérationnelle et à jour des ressources de la médecine ambulatoire hospitalière et de l’offre de second recours en ville.
Le virage ambulatoire de la médecine de ville nécessite un développement des coopérations entre professionnels.
- Le HCSP préconise la définition d’un statut pérenne des infirmiers de coordination, notamment en cancérologie, les prises en charge des patients atteints de cancer étant un modèle de "virage ambulatoire" (chimiothérapie orale à domicile, chirurgie ambulatoire, radiologie interventionnelle, radiothérapie hypo-fractionnée, etc.).
- Il prône la mise en place d’un forfait "ambulatoire ville-hôpital" pour les dispositifs ambulatoires mixtes pour inciter à la coopération, à l’amélioration de la qualité et de l’accessibilité des soins.
Des préconisations communes à la médecine et à la chirurgie ambulatoires
Pour la chirurgie comme pour la médecine ambulatoire, l’offre est très inégalement répartie, à la fois sur le plan géographique et sur le plan social puisque tous les patients ne bénéficient pas d’un environnement qui y est favorable.
- Le HCSP préconise de faciliter l’accès à l’offre hospitalière ambulatoire pour les personnes les plus éloignées des grands pôles urbains, notamment grâce à la télésanté ou en facilitant les transports vers les ressources hospitalières très spécialisées et les solutions d’hébergement à proximité.
- Il préconise également de prévoir systématiquement, dès la conception et la mise en œuvre d’un dispositif du virage ambulatoire, des solutions alternatives au numérique et des démarches "d’aller vers" les personnes les plus isolées socialement, afin que ne soient pas exclues les personnes en situation "d’illectronisme".
- Le repérage de la vulnérabilité médico-psycho-sociale doit être systématique, en ville comme à l’hôpital, et l’impact du virage ambulatoire sur les inégalités sociales et territoriales de santé doit être évalué.
- Enfin, le HCSP préconise le développement de l’écoute de la personne lors de toute proposition de prise en charge ambulatoire et la prise en compte de son savoir expérientiel.
Enfin, le virage ambulatoire nécessite une acculturation et une formation des professionnels concernés.
- Le HCSP préconise la mise en place d’actions pédagogiques pluriprofessionnelles en formation continue et initiale des professionnels de santé, par exemple au sein des CPTS.
Quelle expérience tirer de la crise sanitaire ?
La crise sanitaire a provoqué en 2020, et dans une moindre mesure en 2021, de longues périodes de déprogrammations chirurgicales qui ont entraîné des retards, voire des défauts de prise en charge préjudiciables.
La chirurgie ambulatoire aurait pu atténuer ces effets négatifs grâce à son organisation par flux et par des rotations plus rapides de patients, qui présentent pour eux un moindre risque d’exposition aux infections nosocomiales.
Certaines interventions sans mobilisation de moyens anesthésiques autres que les topiques et les anesthésies locales auraient aussi pu être maintenues.
- Le HCSP préconise, en cas de crise sanitaire amenant une déprogrammation des interventions chirurgicales, de privilégier et sanctuariser impérativement la chirurgie ambulatoire, compte-tenu de ses bénéfices et de la possibilité d’interventions chirurgicales sans mobilisation de moyens anesthésiques autres que les topiques et anesthésies locales.
Les premières mesures de gestion de la crise du Covid-19, en mars 2020, ont entraîné de nombreux renoncements aux soins de ville.
- Le HCSP préconise une formalisation du rôle des CPTS pour assurer une continuité des soins de premier recours en ville en cas de crise sanitaire.