Les caractéristiques de la réception
La notion de réception est définie par l’article 1792-6 du code civil : "La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement".
La réception doit être prononcée "contradictoirement"
En votre qualité de maître d’ouvrage, vous devez être présent personnellement. Si vous décidez de confier cette mission à une autre personne, comme un architecte par exemple, il sera nécessaire de lui remettre un mandat spécial à ce titre.
Cependant, l’entrepreneur quant à lui doit être présent ou a minima informé.
Cette différence est notable. La jurisprudence considère que le caractère contradictoire ne suppose pas un consentement de l’entrepreneur. Il est seulement nécessaire de prouver que l’entreprise était présente aux opérations de réception ou qu’elle a été convoquée par lettre recommandée (cas. 3e civ, 03/06/2015 n° 14-17744).
Trois sortes de réception sont possibles
La réception écrite
Elle est formalisée par la signature d’un PV de réception dans lequel vous exprimez votre volonté de recevoir l’ouvrage. En votre qualité de maître d’ouvrage, vous pourrez :
- accepter les travaux en ne mentionnant pas de réserves,
- accepter les travaux en émettant des réserves, qu’il conviendra de détailler dans le PV de réception. Attention : de simples observations orales ne seront pas suffisantes,
- ne pas accepter les travaux réalisés en refusant de signer le PV de réception (travaux inachevés).
La réception tacite
Dans ce cas, aucun document n’est signé entre les parties, et à l’occasion d’un contentieux, l’une des parties va demander au juge de constater que la réception est bien intervenue afin de pouvoir notamment prétendre à l’application des garanties légales. Cette réception est caractérisée par la volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter les travaux en l’état.
Cette volonté est établie sur la base du double constat :
- de la prise de possession de l’ouvrage,
- et du paiement de la totalité ou de la quasi-totalité (cass. 3e civ, 18/04/2019 n° 18-13734).
La réception judiciaire
À partir du moment où aucune réception amiable, expresse ou tacite n’est intervenue, il est possible de demander au juge de prononcer la réception judiciaire. Cette réception peut être sollicitée par l’entrepreneur comme par le maître d’ouvrage.
Les conséquences juridiques de la réception
Elles sont de plusieurs ordres.
La fin du contrat de louage d’ouvrage et le transfert de la garde du chantier au maitre d’ouvrage
Lorsque vous signez le PV de réception sans réserve, vous acceptez les travaux et donc, le contrat entre l’entrepreneur et vous se termine. La mission de l’entreprise s’achève alors, sauf à ce que des réserves restent à lever.
Alors que durant toute la réalisation des travaux, le constructeur était responsable du chantier, la garde du chantier vous est transférée à la réception des travaux. Il vous appartiendra en conséquence de souscrire une assurance personnelle multirisque afin que vous soyez couvert en cas de risques qui ne seraient pas en lien avec les responsabilités légales des constructeurs.
Le point de départ des garanties légales de construction
L’une des conséquences les plus importantes de la réception est qu’elle marque le point de départ des garanties légales de construction, à savoir : la garantie de parfait achèvement, la garantie de bon fonctionnement ou encore la garantie décennale.
La garantie de parfait achèvement
Elle couvre les désordres notifiés à l’entrepreneur dans un délai d’un an suivant la réception (article 1792-6 du code civil). Vous pourrez en conséquence exiger de l’entrepreneur de réparer tous les désordres signalés au procès-verbal de réception ou lors d’une notification ultérieure pendant le délai d’un an.
La loi impose à l’entrepreneur de réparer tous les désordres, notamment ceux qui n’auraient qu’un caractère inesthétique.
Si pendant l’année qui suit la réception de chantier, l’artisan n’a pas levé les réserves ou réparé les désordres que vous avez pu lui notifier, il faudra lui adresser une assignation en justice par le biais d’un avocat avant expiration du délai d’un an.
! Attention !
Il sera nécessaire que vous adressiez au préalable un courrier portant sur les désordres révélés postérieurement à la réception. Une assignation, même délivrée avant l’expiration du délai d’un an, ne peut suppléer cette notification (Cass, 3e civil, 13/07/2023 n° 22-17010).
La garantie de bon fonctionnement ou garantie biennale
Elle impose aux entrepreneurs, dans un délai de 2 ans à compter de la réception des travaux, de remédier aux désordres relevés sur des éléments d’équipement, ayant un fonctionnement propre. Ils doivent être dissociables du gros œuvre (article 1792-3 du code civil).
La garantie décennale
Elle permet d’engager, dans un délai de 10 ans, la responsabilité des constructeurs dès lors que survient un désordre portant atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
! Attention !
La responsabilité décennale des constructeurs ne s’applique qu’aux désordres cachés à la réception (Cass, 3e, 2 mars 2022, n° 20-22636). Les désordres réservés, apparents à la réception, en germe et prévisibles dans leur ampleur ne bénéficient pas de la responsabilité décennale (Cass, civ 3e, 25/05/2023, n° 22-10734).
À retenir
En conséquence, à partir du moment où vous ne réceptionnez pas les travaux et que des désordres se présentent, les garanties légales de construction ne courent pas et l’assureur de l’entrepreneur sera en droit de refuser de vous indemniser. Dans cette hypothèse, il ne vous restera qu’à tenter d’engager la responsabilité du constructeur sur le fondement contractuel.