Quelle est l’origine de la protection fonctionnelle ?
Elle remonte à une loi de Vichy du 14 septembre 1941 puis a été érigée en principe général du droit par le Conseil d’Etat en 19631.
Depuis, elle ne cesse de s’étendre sous l’impulsion tant législative que jurisprudentielle.
La protection fonctionnelle est codifiée à l’article L. 134-1 du code de la fonction publique qui dispose que :
"L'agent public ou, le cas échéant, l'ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre."
Cette protection est justifiée par la nature spécifique des missions confiées aux agents publics qui peuvent les exposer, dans l'exercice de leurs fonctions, à des relations conflictuelles avec les usagers du service public ou des tiers et qui leur confèrent des prérogatives pouvant déboucher sur la mise en cause de leur responsabilité personnelle, civile ou pénale.
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L’idée première est que l’employeur public se doit de garantir et protéger ses agents publics lors de leur mise en cause.
Elle exprime également la volonté d’une solidarité nationale à l’égard de ceux qui œuvrent pour l'intérêt général.
Contrairement à une idée reçue, la protection n'est pas une possibilité pour l'employeur public mais une quasi-obligation dès lors que l'agent n'a pas commis de faute "personnelle" (il s’agit d’une faute commise dans un cadre ou pour des besoins privés ou qui présente le caractère d’une exceptionnelle gravité).
La décision accordant la protection fonctionnelle à un agent constitue d’ailleurs une décision créatrice de droits, ce qui signifie qu’elle ne peut être retirée après un délai de 4 mois, même en cas de faute personnelle de l’agent.
Le refus de l’administration d’accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle constitue une décision faisant grief qui peut être attaquée devant le juge administratif par un recours en excès de pouvoir, lequel peut, en cas d’urgence et sur justification d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, être complété par un référé suspension dans le but de suspendre l’exécution de la décision de refus et d’accorder, par exemple, à l’agent la prise en charge des frais nécessaires à sa défense dans l’attente que le juge se prononce sur le fond de l’affaire.
Qui est concerné par la protection fonctionnelle ?
La protection fonctionnelle concerne les fonctionnaires des trois fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière) qu’ils soient stagiaires ou titulaires, les agents contractuels, leur conjoint, concubin, partenaire pacsé, enfants et ascendants directs, et même le collaborateur occasionnel du service public depuis une décision du Conseil d’État de 20172.
Elle concerne tant les agents victimes que mis en cause
Cela signifie que désormais, quiconque apporte son concours à l’administration, ne serait-ce qu’une fois, peut bénéficier de la protection fonctionnelle.
Le Conseil d’État a même eu l’occasion d’accorder la protection fonctionnelle à un agent gréviste3.
Toutefois, certains professionnels n’ont pu en bénéficier légalement que récemment.
Par exemple, la protection fonctionnelle n’est reconnue par la loi aux praticiens hospitaliers que depuis la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (loi n° 2016-483) et alors même que n’étant pas fonctionnaires, ils n’en sont pas moins agents publics.
Cette avancée législative est venue confirmer une jurisprudence du Conseil d’Etat qui a pu sembler hésitante en ne reconnaissant la protection fonctionnelle à un praticien hospitalier ni sur le fondement de la loi ni sur celui d’un principe général de droit4.
Quels faits dont seraient victimes les agents publics entrainent le bénéfice de la protection fonctionnelle ?
Les faits contre lesquels l’administration est tenue de protéger l'agent public sont les suivants :
- les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne,
- les violences,
- les agissements constitutifs de harcèlement,
- les menaces,
- les injures,
- les diffamations,
- les outrages.
L’administration est également tenue de réparer le préjudice subi par l’agent public.
La mise en œuvre de la protection fonctionnelle
Elle peut avoir deux finalités
Actions préventives
La protection fonctionnelle suppose avant toute chose de soutenir l'agent afin d'éviter la réalisation d'un dommage pour lui ou après la commission de l'attaque dénoncée, pour éviter toute aggravation du préjudice. Elle doit donc être préventive.
Par exemple, la protection fonctionnelle peut recouvrir des actions telles qu’un changement du numéro de téléphone de l’agent, son changement de service, une lettre de soutien à son égard, sa prise en charge médicale.
Actions en réponse
- En premier lieu, il s’agira d’une assistance juridique qui se matérialisera la plupart du temps, par la prise en charge des frais d’avocats engagés pour l’exercice de poursuites judiciaires.
- En second lieu, l’administration sera tenue de réparer les préjudices subis par l’agent, avant même l’intervention d’une décision de justice ou d’une quelconque action.
- En dernier lieu, l’administration doit prendre en charge les frais de justice de l’adversaire qui viendrait à gagner une action en justice ou les condamnations civiles qui seraient prononcées contre son agent.
La protection fonctionnelle à l’épreuve de l’actualité
La récente affaire concernant des accusations de violences policières perpétrées à l'encontre du producteur Michel Zecler a mis en lumière la protection fonctionnelle.
En effet, les policiers ont pu en bénéficier car ils ont été poursuivis dans le cadre de leurs fonctions.
Certains se sont étonnés du soutien financier qui leur a été accordé lors de leur mise en examen.
Ce droit leur est pourtant ouvert tant qu’une faute personnelle n’a pas été établie.
Il en résulte que la présomption d’innocence doit primer, cela afin qu’une justice de qualité, dénuée de passion, puisse être rendue dans le respect du Droit.
Dans le secteur de la santé, la protection due aux agents est également un sujet important en l’état des atteintes, malheureusement de plus en plus fréquentes, contre les personnes en charge du soin.
A retenir
Ce devoir de protection est d’abord un devoir moral mais il doit également se matérialiser par un soutien financier pour faire face aux frais des procès et des indemnisations éventuelles.
Notes
1CE 26 avr. 1963, Centre hospitalier de Besançon, n° 42783
2CE 13 janv. 2017, n° 386799
3CE 22 mai 2017, n° 396453, Commune de Sète
4CE 26 juillet 2011, 4ème et 5ème sous-sect. Réunies, n° 336114