Une demande de transmission du dossier médical… partiellement satisfaite
Dans l’affaire soumise au Conseil d’État, un patient était décédé à son domicile à la suite de deux prises en charge hospitalières, à quelques jours d’intervalle.
Sa sœur, en tant qu’ayant droit, demande communication du dossier médical afin de connaître les causes du décès. Pour mémoire, il s’agit de l’un des motifs, expressément visés au code de la santé publique, qui permettent l’accès par les ayants droit au dossier médical d’un patient décédé.
La communication du dossier proprement dit ne pose pas de difficulté. Mais la sœur ayant appris qu’une déclaration d’EIG a été rédigée à la suite de l’une des prises en charge de son frère, elle en fait également la demande. Le centre hospitalier refuse d’y faire droit, considérant que cette déclaration ne fait pas partie du dossier médical et n’est donc pas transmissible.
En première instance, le tribunal administratif donne raison à la requérante et enjoint le centre hospitalier de lui communiquer la déclaration d’EIG.
Sur pourvoi de l’hôpital, le Conseil d’État est amené à se prononcer sur la nature de cette déclaration, et sur son caractère transmissible.
Non, la déclaration d’EIG n’est pas un document destiné à être versé au dossier médical
Le Conseil d’État rappelle que la déclaration est réalisée dans des conditions qui garantissent l'anonymat du patient et des professionnels concernés, à l'exception du déclarant : elle ne comporte aucun nom et prénom de patient, ni adresse, ni date de naissance, ni noms et prénoms des professionnels ayant participé à la prise en charge.
Elle a vocation à être transmise par le directeur général de l'agence régionale de santé à la Haute Autorité de santé, selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de la Santé. Sa finalité est de servir de base pour des préconisations pour l’amélioration de la sécurité des patients en général, au-delà du cas particulier du patient concerné.
Le Conseil d’État en déduit que ce document ne constitue pas, par lui-même, une pièce destinée à être versée au dossier médical du patient, mais un document administratif entrant dans le cadre des relations entre l’administration et les administrés.
Par conséquent, en cas de décès du patient, la communication de cette déclaration à ses ayants droit ne relève pas du régime spécial prévu par le code de la santé publique qui ne concerne que les pièces faisant partie du dossier médical.
Pour autant, cela signifie-t-il qu’elle ne peut pas du tout être transmise ? Le Conseil d’État répond par la négative.
Oui, la déclaration d’EIG peut être transmise au patient (ou à ses ayants droit)
Les modalités de transmission des documents administratifs sont régies par le code des relations entre le public et l'administration.
La transmission de la déclaration est possible à l’intéressé comme à ses ayants droit
Quand la demande de communication émane du patient dont la situation est à l'origine de la déclaration d'EIG, celui-ci a alors la qualité de personne intéressée au sens du code des relations entre le public et l'administration. Selon le Conseil d’État, "Il ne peut donc se voir opposer, pour ce qui concerne les informations d'ordre médical contenues dans la déclaration qui se rattachent directement et exclusivement à son état de santé et à sa prise en charge par l'établissement de santé, le secret médical ou la protection de la vie privée".
Quand le patient est décédé et que la demande émane d’un ayant droit, ce dernier peut accéder au document lorsqu’il peut :
- éclairer, par l'analyse des causes de l'événement indésirable figurant dans la déclaration, les causes de la mort du patient ;
- permettre la défense de sa mémoire ;
- permettre à l’ayant droit de faire valoir ses droits.
Mais quel que soit le demandeur, le Conseil d’État rappelle le principe : le patient ou ses ayants droit ont la qualité de tiers vis-à-vis des autres informations contenues dans la déclaration. La communication doit donc intervenir selon des modalités particulières, que les juges détaillent.
Une condition indispensable : l’occultation des éléments d’identification
Le code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’en cas de demande de communication, doivent être occultés :
- les nom et prénom du déclarant ;
- l'adresse du lieu de survenue de l'événement ;
- les noms et prénoms des professionnels ayant participé à la prise en charge ;
- toutes informations dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée et au secret médical du ou des patients dont la situation est à l'origine de la déclaration ;
- toutes informations qui pourraient comporter une appréciation ou un jugement de valeur sur ces derniers ou qui feraient apparaître leur comportement, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait leur porter préjudice.
En l’espèce, l’hôpital devra bien transmettre la déclaration d’EIG
Le Conseil d’État raisonne en deux temps pour confirmer l’injonction à transmettre la déclaration à l’ayant droit :
- La déclaration d'EIG associé à des soins a bien la nature d'un document administratif, communicable par nature, sous réserve d'occultation de tous les éléments, nominatifs ou non, permettant l'identification des médecins et autres personnels de santé.
- Les informations d'ordre médical contenues dans cette déclaration étaient nécessaires à l’ayant droit pour connaître ou éclairer les causes du décès du patient.
L’hôpital avait fait valoir, à l’appui de son refus, que la transmission du document risquait de porter atteinte au bon fonctionnement du service hospitalier. Cet argument est balayé, le Conseil d’État rappelant que seul le caractère abusif de la demande aurait pu justifier un refus.
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