Une fonctionnaire en arrêt maladie…mais candidate d’une émission de téléréalité
Dans l’affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Lyon le 12/01/2022, l’agent public mis en cause, fonctionnaire territoriale, était en congé de longue maladie.
Exerçant les fonctions de maître-nageuse, elle avait en effet développé une allergie à un produit dérivé du chlore, la mettant dans l’impossibilité de poursuivre l’exercice de ses fonctions.
N’étant pas inapte à la pratique du sport, la fonctionnaire a alors entrepris, au cours de son arrêt de longue maladie :
- de participer à des compétitions sportives de haut niveau et à une célèbre émission de télé-réalité d’aventure ;
- de dispenser des enseignements de gymnastique au sein d’une association.
Informé de l’existence de ce cumul d’activités non déclaré, son employeur l’a mise en demeure de régulariser sa situation en sollicitant une autorisation de cumul d’activités et, face à son refus, a entrepris de saisir le conseil de discipline avant de prononcer la sanction disciplinaire de révocation.
Cette révocation repose sur des faits multiples :
- Avoir participé, tout en étant en arrêt de travail et sans en avoir informé son employeur, à des épreuves sportives de haut niveau.
- Dans les mêmes circonstances, avoir participé au tournage d’une célèbre émission de téléréalité en ayant, à cette occasion, été rémunérée en qualité d'intermittente du spectacle.
- Avoir durant plusieurs années, et sans interruption, dispensé des cours de gymnastique sans autorisation préalable de son employeur, refusant par ailleurs de donner la moindre explication sur cette activité rémunérée.
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi à l’origine de ce contentieux, a ainsi relevé que :
L’agent public "avait continué à dispenser des cours de gymnastique dans une commune voisine, malgré les mises en garde de son employeur, que sa participation largement médiatisée à des compétitions sportives et à une émission de téléréalité, relayée par affichage sur son lieu de travail, alors que ses collègues étaient sollicités au titre de son remplacement, a entravé le bon fonctionnement du service, instaurant parmi les collègues de cet agent un sentiment d'injustice et des difficultés managériales".
L’employeur a également fait valoir, sans être contredit sur ce point, que :
L’agent public "avait déjà délibérément menti à son employeur pour participer à un raid en Guyane et produit à cet effet un faux certificat médical pour justifier de son absence".
Un absence d’autorisation de cumul d’activités
En tout premier lieu, il importe de rappeler qu’au terme des dispositions de l’article 28 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux :
"Le bénéficiaire d’un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation".
Cette première faute s’est accompagnée d’une seconde : en poursuivant une activité accessoire en dépit des mises en garde de son employeur, l’agent public a, en outre, manqué à l’obligation d’obéissance hiérarchique, consacrée à l’article 28 du statut général de la fonction publique.
Une faute disciplinaire pour avoir participé à une émission de téléréalité
On note que le tribunal n’évoque l’absence d’autorisation de cumul d’activités que pour les cours de gymnastique et non pour la participation à une téléréalité.
Ce type d’activité n’apparaît en effet pas dans la liste des activités accessoires susceptibles d’être autorisées par l’employeur, qui figurait dans le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des agents publics, alors applicable au litige.
La participation d’un agent public à une émission de téléréalité peut être constitutive d’une faute disciplinaire, à condition toutefois que l’employeur public démontre qu’un tel comportement a pu détériorer l’image de la fonction publique ou de la collectivité, ou bien entraver le bon fonctionnement du service.
Cependant, la juridiction relève que la participation de cet agent à "une émission de téléréalité et des compétitions sportives ont entravé le bon fonctionnement du service, instaurant parmi les collègues de cet agent un sentiment d’injustice et des difficultés managériales, les interventions télévisuelles…. ayant notamment été relayées par affichage sur son lieu de travail alors que ses collègues étaient sollicités au titre de son remplacement, l’intéressée étant en congé de maladie".
C’est ce qui explique que le tribunal administratif, en charge du contrôle de proportionnalité de la sanction, ait validé la lourde sanction prononcée à l’encontre de l’agent, alors même que le conseil de discipline de recours, saisi par l’agent, avait rendu un avis favorable à une exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans, dont un an de sursis.
Rappel : quelles sont les activités accessoires que peut exercer un agent en position d’activité ?
L’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016, réaffirme le principe selon lequel "le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ".
Ce principe, issu du décret-loi du 29 octobre 1936 a été, depuis, aménagé.
Ainsi, aux termes de l’article 25 septies IV de la loi du 13 juillet 1983 précité "les fonctionnaires et agents contractuels de droit public peuvent être autorisés par l’autorité hiérarchique dont ils relèvent à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice".
Le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique est venu remplacer les dispositions du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 et celles du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des agents publics, alors applicable au litige, mais les dispositions en matière de cumul d'activité n'ont pas été modifiées.

Les dispositions de ce texte autorisent donc les agents à exercer une activité accessoire - en dehors de leurs heures de service - sous réserve que cette dernière ne porte pas "atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service ou ne mette pas l'intéressé en situation de méconnaître l’article 432-12 du code pénal (prise illégale d’intérêt)".
Cette activité peut donc être exercée auprès d’une personne publique ou privée.
Le décret énumère limitativement les activités exercées à titre accessoire et susceptibles d’être autorisées par l’employeur public, à savoir :
- Expertise, consultation, enseignement et formation ;
- Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l'éducation populaire ;
- Activité agricole, activité de conjoint collaborateur au sein d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale ;
- Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou à son concubin ;
- Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;
- Activité d'intérêt général exercée auprès d'une personne publique ou auprès d'une personne privée à but non lucratif ;
- Mission d'intérêt public de coopération internationale ou auprès d'organismes d'intérêt général à caractère international ou d'un Etat étranger ;
- Services à la personne ;
- Vente de biens fabriqués personnellement par l'agent.
Quelles sont les conditions d’un cumul d’activités lucratives par un agent en position d’activité ?
L’exercice effectif d’une activité accessoire nécessite une demande écrite préalable à l’autorité qui emploie l’agent public.
L’autorisation donnée peut comporter des réserves ou des recommandations afin d’assurer le respect des obligations déontologiques de l’agent ou le bon fonctionnement du service.
L'autorité dont relève l'agent peut en outre s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité accessoire dont l'exercice a été autorisé, dès lors que :
- l'intérêt du service le justifie,
- que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées,
- ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire.
L’agent titulaire comme l’agent contractuel qui ne respecterait pas ces dispositions s’expose au prononcé de sanctions pécuniaires et disciplinaires qui peuvent d’ailleurs être cumulatives.
Ainsi, l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 dispose que : "Sans préjudice de l’engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement".
Ajoutons que les agents publics peuvent produire librement des œuvres de l’esprit ou, s’agissant de certaines catégories d’agents, exercer des professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.
Ils peuvent, également, sur simple déclaration faite à l’autorité hiérarchique dont ils dépendent, continuer à exercer une activité privée, durant une certaine durée, pour les dirigeants d’une société ou d’une association à but lucratif lauréats d’un concours de la fonction publique ou recrutés en qualité d’agents contractuels de droit public.
Enfin, il importe de préciser que l'agent public occupant un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail peut exercer, outre les activités accessoires mentionnées par ce décret, une ou plusieurs activités privées lucratives en dehors de ses obligations de services et dans des conditions compatibles avec celles-ci et les fonctions qu'il exerce ou l'emploi qu'il occupe.
La encore, l'intéressé doit présenter une déclaration écrite à l'autorité hiérarchique dont il relève pour l'exercice de ses fonctions.
Cette déclaration mentionne la nature de la ou des activités privées ainsi que, le cas échéant, la forme et l'objet social de l'entreprise, son secteur et sa branche d'activités.
Référence
Arrêt du 12 janvier 2022 - CAA de Lyon, 3ème chambre, 12/01/2022, 19LY03573, Inédit au recueil Lebon