Clause de non-concurrence : dans quelles situations ?
La jurisprudence admet la validité des clauses de non-concurrence insérées dans les contrats, même si ces clauses sont interprétées de manière restrictive, dans toutes les situations :
- un remplacement,
- un contrat de collaboration,
- une cession de droit de présentation à patientèle,
- en cas de départ d’une association.
Comme toute clause restreignant la liberté d’installation des membres des professions libérales, elles ne sauraient porter atteinte, de manière excessive, à la liberté d’exercice ou d’installation.
Les clauses de non-concurrence doivent ainsi être :
- équilibrées,
- délimitées,
- et justifiées par un intérêt légitime.
Comme l’ont rappelé plusieurs arrêts de la Cour de Cassation, pour être admise, une clause de non-concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu de la durée du contrat et du lieu d’exercice de la profession.
Espace, temps et proportionnalité des clauses de non-concurrence
La clause de non-concurrence est destinée à protéger l’activité d’un ou de plusieurs praticiens, et donc sa patientèle. Elle a pour objet d’éviter qu’un ancien cocontractant puisse être tenté de continuer à voir sa patientèle en s’installant ou en se réinstallant à proximité.
Les clauses de non-concurrence doivent ainsi être rédigées avec précision, et, pour ne pas prêter à confusion, le secteur interdit doit être suffisamment large sans l’être trop, et la durée d’interdiction assez longue.
Une clause de non-concurrence ne peut ainsi être générale et absolue : elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace.
Les usages des professions médicales, paramédicales et réglementées prévoient généralement une durée de :
- 2 ans pour les clauses de non-concurrence insérées dans des contrats d’exercice.
- 5 ans dans des contrats de cession de cabinet ou de droit de présentation à patientèle.
L’obligation de non-concurrence ne se présume pas : elle doit être prévue expressément dans un contrat. Cette clause doit délimiter l’espace interdit, qui pourra varier selon le lieu (zone urbaine ou rurale …) ou la spécialité.
Toutefois, certaines clauses d’interdiction de faire de la concurrence déloyale pendant une durée de deux ans sont prévues dans les codes de déontologie des professions à ordre pour les contrats de remplacement.
Cette restriction devra donc être respectée, même en l’absence de contrat ou de clause de non concurrence prévue par les parties au contrat.
La notion de circonscription administrative (département, arrondissement, commune) sera plus volontiers adoptée pour éviter toute ambiguïté pouvant résulter d’une notion de rayon ou de distance (par route, à vol d’oiseau ?), souvent sujette à caution et donc à contestation.
Il est à noter également que la notion de périmètre diffère de celle de rayon. La zone concernée sera bien plus réduite (Exemple : un périmètre de 10 km correspond environ à un rayon de 1,6 km autour du cabinet).
Il faut donc être particulièrement vigilant quant à l’emploi des termes choisis pour définir la clause de non-concurrence.
Par ailleurs, pour les professionnels libéraux, la clause de non-concurrence, contrairement au salariat, ne requiert aucune contrepartie financière pour être valable.
Si la clause est limitée dans le temps, la durée de l’interdiction ne doit pas placer le professionnel de santé concerné par cette obligation dans l’impossibilité d’exercer.
Comment faire respecter ses droits ?
En cas de non-respect d’une obligation de non-concurrence, et donc de violation d’une disposition insérée dans un contrat de remplacement, de collaboration, de présentation à clientèle ou bien encore en cas de départ d’une association, le contrat peut prévoir le versement d’indemnités (appelées clause pénale), qu’un juge peut toujours modérer ou augmenter.
Une procédure devant le juge des référés
En l’absence de clause pénale, il est possible de demander au juge des référés de condamner, dans des délais très rapides, le contrevenant à cesser d’exercer dans le secteur interdit, sous peine d’une condamnation sous astreinte, par jour de retard ou par infraction constatée.
Cette procédure, lorsqu’elle aboutit, est la plus efficace et surtout la plus rapide.
Une procédure devant le tribunal judiciaire
Le juge des référés peut toutefois se déclarer incompétent s’il estime qu’il existe une contestation sérieuse quant à la validité de la clause de non-concurrence.
Une procédure dite "au fond" devant le tribunal judiciaire pourra alors être engagée, pour tenter d’obtenir des dommages et intérêts. Ils seront fonction du préjudice subi (baisse de clientèle à la suite d’un départ d’associé, baisse de chiffre d’affaires à la suite de l’installation d’un remplaçant, chiffre d’affaires insuffisant par rapport à l’indemnité versée lors d’une reprise de clientèle).
Pour les professions relevant d’un Ordre, une conciliation devra être demandée préalablement à toute autre procédure afin de tenter de régler ce différend.
Une action devant le Conseil Régional
Si l’Ordre n’est pas compétent pour prononcer une éventuelle sanction pécuniaire en cas de non-respect d’une obligation de non-concurrence, une action devant le Conseil Régional peut aboutir au prononcé d’une sanction disciplinaire (avertissement, blâme, voire suspension d’exercice) pour détournement de clientèle et manquement aux règles de bonne confraternité.
La décision ordinale est malheureusement rendue plusieurs mois (voire années) après le dépôt de la plainte, et peut être frappée d’un appel devant la Chambre Disciplinaire du Conseil National.
Cela allongera d’autant la procédure, alors que la sanction devrait être immédiate, le dommage étant imminent.
Que se passe-t-il en l'absence de préjudice ?
Préalablement à la réforme du code civil, la jurisprudence antérieure prévoyait que le seul non-respect d’une clause de non-concurrence permettait d’obtenir des dommages et intérêts, sans qu’un préjudice ait à être démontré.
Désormais, l’article 1231 du code civil requiert une mise en demeure préalable d’exécuter ses obligations dans un délai raisonnable pour que des dommages et intérêts soient dus.
L’article 1231-2 du même code ajoute que ces mêmes dommages et intérêts sont "en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, …".
Il est donc indispensable de pouvoir justifier des préjudices subis pour envisager d’agir en justice.
La jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, qui admettait l’indemnisation du préjudice résultant de la seule violation de la clause de non-concurrence, sans avoir à démontrer l’existence d’un préjudice réel (perte de chiffre d’affaires notamment), n’aura donc pas nécessairement vocation à être maintenue.
La rédaction de l’article 1231-3 du Code civil ajoute que "le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive".
Cette disposition permet d’apporter une solution en prévoyant une clause pénale dès la conclusion du contrat.
Il conviendra donc de prévoir dans la rédaction même du contrat que le non-respect d’une clause de non-concurrence sera indemnisé par une sanction financière chiffrée.
Le juge pourra réévaluer le montant de cette pénalité, uniquement si elle est manifestement excessive ou dérisoire (article 1231-5 du même code).
Les conseils de la MACSF
- La vigilance est de mise lors de la signature d’un contrat sur la rédaction de la clause de non-concurrence et de l’éventuelle clause pénale la sanctionnant.
- Les cocontractants doivent envisager les conséquences futures de la résiliation du contrat qu’ils s’apprêtent à signer afin de s’assurer que la clause de non-concurrence n’est pas manifestement excessive mais qu’elle protège raisonnablement et de manière proportionnée les intérêts de l’une et l’autre des parties.
- En cas de doute, il est toujours utile de faire relire le contrat en question par un tiers (avocat, notaire, professionnel du droit attaché à un cabinet d’expertise-comptable ou juriste d’un service de protection juridique) afin de s’assurer que les intérêts en présence sont protégés et que le contrat est correctement rédigé.