Le principe
Lorsqu’un professionnel libéral s’établit et exerce de manière indépendante, les honoraires qu’il perçoit sont généralement considérés comme des bénéfices non commerciaux (BNC).
Dans ce contexte, l'intégralité de ses honoraires après déduction des charges liées à son activité est entièrement assujettie au BNC, qui est soumis à un barème progressif ainsi qu'aux cotisations sociales. Le fait que le libéral thésaurise cette somme pour un investissement futur ne change rien à son imposition et à ses cotisations.
La question de l’optimisation pour les libéraux est donc cruciale. Entre les statuts juridiques disponibles (micro-entreprise, SELARL, SARL, SAS, SASU) et les multiples options d'optimisation (fiscalité, charges sociales), il est essentiel de comprendre l'impact de chaque levier sur vos revenus nets.
Que vous cherchiez à réduire vos charges sociales ou à alléger votre impôt, la MACSF vous guide à travers les décisions stratégiques à prendre pour maximiser votre rémunération tout en maîtrisant vos coûts. Découvrez nos trois conseils pratiques en trois questions essentielles pour faire les meilleurs choix en tant que dirigeant.
Chaque situation est unique. Pour approfondir les leviers d’optimisation propres à la vôtre, vous pouvez contacter un conseiller patrimonial MACSF.
Faut-il rester à l'impôt sur le revenu des personnes physiques (BNC) ou passer à l'impôt sur les sociétés ?
Depuis 2022, le statut d’entreprise individuelle permet aux praticiens de protéger leur patrimoine personnel. Ils peuvent également opter pour l’impôt sur les sociétés (IS). Cette nouvelle donne facilite grandement la gestion administrative. En effet, sans avoir à préciser quoi que ce soit, le patrimoine professionnel est séparé du patrimoine personnel et l'impôt sur les sociétés se fait par simple déclaration. Ce passage à l’IS ne nécessite pas un formalisme trop lourd.
L'entreprise individuelle peut bénéficier du régime fiscal des sociétés. La rémunération reste une charge qui peut être déduite du bénéfice de l'entreprise et qui est imposable entre les mains du praticien. Point de vigilance : dans le cadre d'un patrimoine professionnel, il n'est pas envisageable de le diviser ou de le segmenter.
Ainsi, le premier levier d'optimisation porte sur le statut juridique de votre activité. De nombreux libéraux exercent en entreprise individuelle (BNC), mais ce statut montre rapidement ses limites lorsque les revenus augmentent.
Voici un comparatif entre entreprise individuelle versus le passage en société :
Imposition du résultat en tant que BNC :
- Avantages : La simplicité administrative reste le principal atout. La gestion comptable est allégée, et les bénéfices sont directement imposés sur le revenu.
Il est aussi possible d'opter pour des régimes très simples avec le micro-BNC.
- Inconvénients : L’imposition sur le revenu devient pénalisante à partir d’un certain seuil de bénéfice (environ 70 000 à 80 000€ - en effet, le revenu au-delà de ce montant est soumis à un taux de 41% pour un célibataire). De plus, les cotisations sociales sur les bénéfices sont élevées.
Option à l'impôt sur les sociétés :
- Avantages : Le passage à l'impôt sur les sociétés permet de moduler son revenu et n'être imposé personnellement (IR et cotisations sociales) que sur la partie réellement perçue. La partie conservée dans la société est soumise à une imposition beaucoup plus faibles tant qu'elle n'est pas distribuée.
- Inconvénients : Les formalités sont plus lourdes et les coûts de gestion comptable plus élevés. Cependant, le gain fiscal sur le long terme compense largement cet investissement, notamment si les revenus dépassent 80 000 € pour un célibataire, ou 160 000€ pour une personne pacsée ou mariée en comptant l'ensemble du revenu du couple. .
En résumé : Si vos revenus commencent à croître significativement, le passage en société devient une option à envisager sérieusement pour optimiser votre fiscalité et protéger votre patrimoine.
Exemple : le cas d'un passage en impôt sur les sociétés
Le Dr Richard doit-il passer par une structure IS ?
La situation du Dr Richard
Le Dr Richard est un médecin spécialisé en médecine vasculaire et esthétique à Amiens.
Il a généré un bénéfice net de charge (BNC) de 250 000€.
Il souhaite développer son activité en acquérant de nouveaux locaux et en investissant dans du matériel d'imagerie et de soins plus avancé mais plus coûteux, tout en préservant un train de vie confortable.
Actuellement, et chaque année, le Dr Richard doit s’acquitter d’une imposition très lourde. Effectivement, il est célibataire et sans enfant et il a un résultat avant cotisations de 315 000€ soit un BNC de 250 000€ assujetti à plusieurs impositions :
- l’impôt sur le revenu qui est divisé en plusieurs tranches dont la dernière atteint les 45%, les cotisations sociales
- et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) pour la part de revenu qui dépasse 250 000€.
Ainsi, ses cotisations sociales s’élèvent à environ 95 000€, son impôt sur le revenu s’élève à 89 644€ et il ne sera pas redevable de la CEHR étant donné que son revenu fiscal de référence est limité à 250 000€.
Ainsi le Dr Richard percevra en net après tous les prélèvements obligatoires 130 356€, soit à peu près 10 863€/ mois de revenus net.
Il convient de souligner que le Dr Richard se crée des nouveaux droits à retraite, mais seulement jusqu'à 231 840€ de revenu. Les cotisations étant plafonnées, le surplus ne permet plus de créer des droits à la retraite (et est principalement constitué de la CSG/CRDS).
Concernant son investissement, et après une étude de marché, il réalise qu’il devra emprunter 600 000€ mais il a besoin de
8 000€/ mois pour financer son train de vie. Ainsi, il risque de devoir faire quelques sacrifices pour réaliser son rêve.
En échangeant avec son conseiller MACSF, Dr Richard découvre qu’en s’organisant différemment, il est parfaitement possible d’allier ses deux objectifs, notamment en passant par une structure à l’IS.
Opportunité de passer par une structure IS
Qu'il s'agisse d’une société nouvellement créée ou de l’entreprise individuelle où Dr Richard exerce déjà, la structure peut opter à l’impôt sur les sociétés (IS) et donc devoir uniquement à un taux unique de 25% (les PME peuvent bénéficier d'un taux réduit à 15% pour les 42 500€ premiers euros). Cette structure n'est pas soumise aux cotisations sociales ou à la CEHR.
Le Dr Richard peut être rémunéré pour son activité professionnelle. Dans ce cas, sa rémunération est déductible de l’impôt sur les sociétés pour n’être imposable qu’aux cotisations sociales, à l’impôt sur le revenu et potentiellement à la CEHR. Le Dr Richard peut se verser en plus des dividendes.
En prenant en compte les informations mentionnées précédemment, à savoir une rémunération nette d'impôt et de cotisation sociales de 8 000€ et un investissement de 600 000€, au sein de la structure, le DR Richard devra prendre les mesures suivantes :
- Il dépensera 198 093€ pour sa rémunération. Cela entraîne des cotisations sociales d'environ 53 472€ et 45 729€ d'impôt sur le revenu, ce qui représente un montant net d'un peu plus de 8 000€ par mois.
- En ce qui concerne la structure, il reste 201 907€, soit 155 680€ après la rémunération et les charges liées à l'activité mais avant de prendre en compte les remboursements des investissements.
- Ces réserves de 155 680€ paieront l’investissement voire serviront de garantie.
Faut-il rester en entreprise individuelle ou passer en société ?
Depuis 2022, les entreprises individuelles permettent aux praticiens de protéger leur patrimoine personnel et peuvent opter pour l’impôt sur les sociétés. Cette nouvelle donne facilite grandement l’administratif des praticiens car la protection est désormais de plein droit et l’option pour l’IS ne nécessite pas un formalisme trop lourd.
Cependant, après en avoir discuté avec son comptable, celui-ci l’encourage à créer une société. Pourquoi ?
L'entreprise individuelle peut bénéficier du régime fiscal des sociétés. La rémunération reste une charge qui peut être déduite du bénéfice de l'entreprise et qui est imposable entre les mains du praticien. Jusqu’ici, rien ne change.
Toutefois, dans le cadre même d'un patrimoine professionnel, il n'est pas envisageable de le diviser et de le segmenter. Pour le Dr Richard, il peut s'avérer judicieux de maintenir l'immobilier professionnel séparé de l'activité médicale. Cela peut être réalisé grâce à une organisation sociale plus complexe où l'activité médicale est englobée dans une SEL (par exemple une SELARL) et l'immobilier dans une SCI. Finalement, ces deux sociétés sont détenues par une société mère ou holding (les deux notions sont synonymes), à savoir une SPFPL (société de participation financière des professions libérales) qui appartient à 100% au Dr Richard.
Dans une telle configuration, les dettes de la SCI ne sont liées qu’à la SCI (à moins que le Dr Richard ait consenti une caution à la SCI) et les dettes de la SELARL ne sont liées qu’à la SELARL.
Il sera également plus facile lorsque le Dr Richard souhaitera revendre son activité, où il pourra vendre la SELARL seule tout en conservant les murs, ou vice versa.
Une fois ces éléments définis, le Dr Richard s'interroge sur l'intérêt de se rémunérer en dividendes plutôt que de recevoir une rémunération de l'exercice au sein de la structure.
L’arbitrage entre rémunération et dividende
Concernant la rémunération de l’activité technique, elle est déductible des revenus de la société mais elle est taxable entre les mains du Dr Richard et soumise aux cotisations sociales. En échange, le praticien acquiert des droits à la retraite.
En ce qui concerne la distribution de dividendes, il s'agit de la répartition du profit de l'entreprise entre ses associés. Dans cette optique, ce dividende ne peut pas être déduit de l'impôt sur les sociétés, ce qui signifie qu'il est soumis au taux normal de l'IS (25%). Lorsque le Dr Richard perçoit ce dividende, il est de nouveaux soumis à un prélèvement forfaitaire unique de 30% (12,8% d'impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux). Le destinataire du dividende a aussi la possibilité de choisir le barème progressif qui remplace le taux de 12,8%.
Il est néanmoins important de souligner que les professionnels libéraux qui sont soumis aux cotisations de la CNAVPL doivent payer des cotisations sociales sur leurs dividendes dès lors que le montant du dividende dépasse 10% du capital social, du compte courant d'associé et des primes d'émission.
Il est évident que le Dr Richard ne pourra pas échapper aux cotisations sociales grâce à la distribution de dividendes. Cependant, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, il devra payer le taux de 12,8% ou le barème progressif, une fois que le dividende aura été soumis à l'IS. Les dividendes auront ainsi supportés une imposition globale de près de 35% + les cotisations sociales dans le cas où ces dividendes sont supérieures à 10% du capital social, primes d’émission et compte courant d’associés.
Il semble donc que la rémunération de l'activité technique du libéral soit une solution plus avantageuse que le dividende seul car elle permet de ne payer qu'une seule imposition : celle du barème progressif + les cotisations sociales.
En outre, cette rémunération peut être combinée avec des versements déductibles du plan d'épargne retraite (RES retraite). Cette combinaison permet d’éviter toute taxation sur la partie de la rémunération versée dans un plan d'épargne retraite (elle n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés et elle est déductible de l'impôt sur le revenu). La taxation ne se fera qu’à l’échéance du plan d’épargne retraite.
Cette partie de la rémunération n'est plus tributaire que des cotisations sociales. Il est possible que le Dr Richard verse directement cette rémunération sur le plan d'épargne retraite ou qu'elle soit versée par sa structure. Le résultat sera donc toujours le même.
Quelle part attribuer à sa rémunération et quelles autres possibilités ?
Une fois le statut juridique défini, il est crucial de bien réfléchir à la répartition de vos revenus entre rémunération et autres formes de gains.
Arbitrage entre salaire et dividendes (en société) :
- Rémunération sous forme de salaire : Cette option permet de cotiser pour la retraite et d’assurer une couverture sociale solide. Cependant, elle est soumise à des cotisations sociales élevées et plafonnées.
- Dividendes : il s'agit de la répartition du profit de l'entreprise entre ses associés. Les dividendes ne peuvent pas être déduits de l'impôt sur les sociétés, ce qui signifie qu'il est soumis au taux normal de l'IS (25%). Les dividendes n'échappent aux cotisations sociales que pour la part inférieure à 10% du capital social/ compte courant d'associé et primes d'émission. La part au-delà est soumise aux cotisations sociales du praticien. Par contre d'un point de vue impôt sur le revenu, le dividende n'est assujetti qu'à un taux de 12,8%.
Autres possibilités :
- Remboursements de frais professionnels : le statut de société permet également de déduire de nombreuses charges liées à l’activité (frais de déplacements, achat de matériel) ce qui permet de diminuer le bénéfice imposable.
- Indemnités kilométriques ou forfaits de frais : Ces mécanismes permettent de récupérer des frais professionnels sans payer de cotisations sociales supplémentaires.
Comment optimiser sa protection sociale ?
Pour les dirigeants, la protection sociale est une priorité. Toutefois, elle varie considérablement selon le statut juridique choisi.
Régime des travailleurs non-salariés (TNS) :
- Ce régime concerne principalement les gérants de SARL. Les cotisations sociales sont moins élevées que pour les salariés, mais la couverture sociale (retraite, maladie, invalidité) est moins généreuse. Il est donc recommandé de compléter sa couverture par des contrats de prévoyance et de retraite complémentaire (comme le contrat Madelin). Le régime TNS concerne l'ensemble des praticiens libéraux peu importe le mode d'exercice choisi.
Régime général des salariés :
- Les présidents de SAS et SASU sont affiliés au régime général de la Sécurité sociale. Ce statut offre une meilleure protection sociale (retraite, assurance maladie), mais les cotisations sociales sont nettement plus élevées.
Ce régime peut s'additionner à un régime TNS si le dirigeant constitue des SELAS et qu'il décident de se rémunérer en tant que président de SELAS (cette rémunération est facultative).
Astuce
Si vous êtes affilié au régime TNS, vous pouvez souscrire à un plan d'épargne retraite (PER) pour améliorer votre protection retraite et prévoyance tout en bénéficiant d’avantages fiscaux importants, puisque les cotisations sont déductibles de votre revenu imposable, jusqu’aux plafonds en vigueur.
Depuis la mise à jour de la doctrine fiscale applicable depuis le 1er janvier 2024, touts les praticiens exerçant en SEL (SELARL, SELAS, SELAFA...) peuvent souscrire un contrat en fiscalité Madelin pour déduire leurs cotisations dès lors que leur rémunération est soumise au régime réel.
Focus : Le contrat PER, la solution retraite des indépendants
Le contrat PER permet aux professionnels de santé libéraux de se constituer une retraite tout en réduisant leur imposition.
- Plafond de versement : Le montant maximum déductible pour 2024 s’élève à 10% du bénéfice imposable (plafonné à 329 088 €), augmenté de 15% de la part du revenu compris entre 1 et 8 PASS (Plafond Annuel de la Sécurité Sociale). Pour l'année 2024, le PASS affiche les valeurs suivantes : 46 368€ en valeur annuelle ; 11 592€ en valeur trimestrielle ; 3 864€ en valeur mensuelle.
- Avantages : Les cotisations versées dans le cadre du contrat Madelin sont déductibles du revenu imposable, ce qui permet une optimisation fiscale importante pour les libéraux. Ce dispositif offre également une protection sociale supplémentaire, notamment en cas d’arrêt de travail.
Faut-il mettre en place une épargne salariale ?
L’épargne salariale est une option particulièrement intéressante pour les dirigeants de sociétés, car elle permet d’optimiser la rémunération tout en épargnant pour l’avenir. En toute logique, la solution n'est applicable que si le praticien emploie au moins un salarié
PEI et PERCOI : Des solutions avantageuses :
- PEI (Plan d’Épargne Interentreprise) : Ce dispositif permet de verser jusqu’à 25% de votre rémunération annuelle brute, avec un abondement de l’entreprise qui peut aller jusqu'à 3 fois le montant versé. Les sommes abondées ne sont pas soumises aux cotisations sociales pour l’entreprise et ne sont pas imposables pour l’épargnant. De plus, ces sommes sont également déductibles du résultat fiscal de la société
- PERCOI (Plan d’Épargne Retraite Collectif Interentreprises) : Ce plan d’épargne permet de constituer un capital pour la retraite avec des avantages fiscaux. Le dirigeant peut ainsi diversifier ses sources de revenus en vue de la retraite.
Aller plus loin avec notre article dédié : Épargne salariale : un atout stratégique pour les entreprises et les salariés >
Intégrer le conjoint dans l’épargne salariale :
Si votre conjoint travaille dans l’entreprise (statut de conjoint collaborateur ou salarié), il est possible de lui faire bénéficier de ces dispositifs d’épargne salariale. Cela permet d’optimiser la fiscalité du foyer tout en augmentant les droits à la retraite de chacun.
Application concrète : Si le conjoint est salarié de la société, il peut profiter des dispositifs de PEI et PERCO au même titre que le dirigeant, multipliant ainsi les avantages fiscaux et sociaux pour le ménage. Le conjoint pourrait être le seul salarié ouvrant droit au dispositif d'épargne salariale.
Mettre en place un accord d’intéressement
L’accord d’intéressement est un dispositif facultatif qui permet d’associer les salariés aux performances de l’entreprise en leur versant une prime liée à ses résultats ou à ses objectifs. Cet outil est particulièrement avantageux fiscalement : les primes d'intéressement sont exonérées de cotisations sociales (à l'exception de la CSG/CRDS) et bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu si elles sont placées sur un plan d'épargne salariale (PEI ou PERCOI). Pour le dirigeant, cela permet non seulement de fidéliser et motiver ses équipes, mais aussi d'optimiser la gestion de la rémunération globale.
Conclusion : choisir les bons leviers permet de maximiser vos revenus
Optimiser la rémunération des dirigeants libéraux passe par un savant dosage entre choix de statut juridique, répartition des revenus, protection sociale et dispositifs d’épargne. Le choix entre l'IRPP (impôt sur le revenu des personnes physiques) et l'IS (impôt sur les sociétés), la combinaison de salaire et de dividendes, et la mise en place d’une épargne salariale sont autant de solutions à envisager pour alléger votre fiscalité et sécuriser votre avenir. Impliquer le conjoint dans ces mécanismes peut également renforcer l’optimisation fiscale du foyer.