Les aligneurs orthodontiques, une technique qui exige une formation adéquate
Les aligneurs orthodontiques répondent à des indications très précises et aux mêmes exigences diagnostiques et thérapeutiques que les traitements orthodontiques conventionnels. Il convient que chaque praticien évalue ses propres compétences par rapport à cette technique particulière qui exige une formation adéquate du praticien, sans laquelle le risque d’échec augmente considérablement.
Le chirurgien-dentiste est limité à la capacité d’exercice résultant du diplôme de Docteur en chirurgie dentaire (notion qui évolue avec le temps et est définie par le Code de la santé publique ; elle se réfère actuellement à un territoire anatomique comprenant la bouche, les dents, les maxillaires et les tissus attenants, incluant certains actes, en excluant d'autres), tout en tenant compte de sa compétence propre.
Il a en conséquence la responsabilité de connaître les limites de sa compétence et savoir orienter son patient si nécessaire : le chirurgien-dentiste doit s'interdire de réaliser des actes ou des prescriptions lorsque ses compétences ou les possibilités matérielles dont il dispose sont dépassées.
Quelles sont les indications et les limites des aligneurs orthodontiques ?
Un traitement orthodontique réalisé avec des aligneurs reste un traitement orthodontique. La série d’aligneurs est le moyen de traitement, l’outil, au même titre que n’importe quel autre appareillage orthodontique.
Contrairement à une idée répandue dans l’esprit des patients, cette technique ne permet pas de réaliser des traitements là où les autres techniques orthodontiques ne donneraient pas de résultats aussi efficaces. A contrario, bien menés avec des indications bien posées, la littérature scientifique semble confirmer que les traitements réalisés via ces techniques donnent des résultats satisfaisants pour des malocclusions faibles à modérées.
Pour les malocclusions sévères, les techniques multi-attaches restent supérieures, en termes de résultats de traitement.
L'indication est posée après un examen clinique minutieux, la réalisation de clichés panoramiques, téléradiographie de profil, la confection de modèles d'étude.
Sur le plan médico-légal, le praticien se doit de respecter son obligation de moyen. En aucun cas le praticien ne peut s'en remettre au laboratoire fabricant pour poser un diagnostic. Si un traitement s'avérait non indiqué, le praticien ne pourrait rejeter le manquement sur le laboratoire fabricant car le patient a passé un contrat de soins avec le praticien et non avec le fabricant.
Le sachant est et doit demeurer le praticien.
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Comment respecter le devoir d'information et obtenir le consentement de son patient ?
Comme pour la réalisation de tout autre acte de notre exercice, une information claire, loyale et appropriée doit être délivrée au patient lors d’un entretien oral individuel, ce dernier devant être consigné sur la fiche clinique.
Un document décrivant l'acte, les alternatives thérapeutiques, les risques... devra être remis mais l’obligation n’est parfaitement remplie que si l’information délivrée est personnalisée au cas de chaque patient, la remise d’un document type n’exonérant en rien la responsabilité d’un praticien en cas de litige.
Une information claire, loyale et appropriée devra porter sur toutes les alternatives thérapeutiques, à savoir sur la possibilité pour le patient de recourir à un traitement orthodontique classique par des techniques multi-attaches vestibulaire ou linguale. Le praticien aura veillé à informer son patient sur le rapport bénéfices et risques.
Le patient devra être informé d’une part de la nécessité de réalisation de stripping et d’autre part de la présence de "taquets" en composite collés sur certaines dents en fonction du traitement à réaliser et dont la forme se retrouve sur les aligneurs. Ils permettent une bonne réalisation des déplacements dentaires.
Enfin, il faut évoquer la nécessaire information d’une période de contention comme dans tout traitement orthodontique. Les moyens de contention sont identiques à toute technique orthodontique (gouttière thermoformée similaire aux aligneurs, associée ou non à des contentions collées).
Un délai de réflexion d'au moins 15 jours devra être respecté avant le début du traitement. Un devis détaillé et un consentement éclairé personnalisé devront également être établis et signés entre les parties.
Qui conçoit le plan de traitement mettant en œuvre des aligneurs orthodontiques ?
Les aligneurs orthodontiques sont fabriqués à l’avance en série d’après un set-up numérique (appelé clincheck) préfigurant la correction de la malocclusion. Ce clincheck est réalisé soit par le praticien lui-même, soit par des techniciens de laboratoire sur prescription du praticien.
La fabrication de la série d’aligneurs sera déclenchée après approbation par le patient du projet de traitement proposé par le praticien. Il conviendra de prévoir le règlement par le patient préalablement à la fabrication des aligneurs.
Quelle est la mise en œuvre du plan de traitement ?
Le traitement actif débute au moment de la pose des premiers aligneurs orthodontiques. En début de traitement, il est de coutume de ne remettre qu’un jeu d’aligneurs (maxillaire et mandibulaire), pour contrôler la bonne réalisation des objectifs ainsi que la bonne coopération du patient (port 22 h sur 24). Pour la suite du traitement, le praticien jugera de l’opportunité de remettre plusieurs jeux en rappelant la cadence du changement des aligneurs. Le rythme des contrôles se situe entre 6 et 8 semaines.
Des auxiliaires sont le plus souvent nécessaires, comme dans tout traitement d’orthodontie : taquets, élastiques, mini vis, etc.
Les contrôles lors des rendez-vous réguliers sont en tous points conformes à tout traitement orthodontique, quelle que soit la technique utilisée.
Par exemple : allergies éventuelles, contrôle de l’état du parodonte, contrôles radiographiques, contrôles des articulations temporo-mandibulaires, contrôle de la bonne coopération du patient concernant le port de son appareil…
Quelle est la complication le plus fréquemment rencontrée ?
On ne peut pas à proprement parler de complications. L’innoclusion est un inconvénient lié à la présence d’interpositions du matériau entre les deux arcades dentaires pendant une longue période : l’occlusion naturelle de fin de traitement ne peut s’installer qu’une fois les gouttières retirées.
C’est une doléance évoquée par certains patients et que l’on retrouve dans d’autres techniques orthodontiques, à certaines étapes de traitement. Si le projet thérapeutique a été mené correctement, l’occlusion thérapeutique va s’installer naturellement.
Si bien sûr ce n’est pas le cas, le praticien doit mettre en place les modalités nécessaires pour assurer à terme une occlusion fonctionnelle et confortable à son patient.
Qui pose la contention ?
L’absence de mise en place d’une contention est décrite dans la jurisprudence comme une perte de chance. Cela est valable quel que soit le traitement orthodontique visant à corriger une malocclusion de manière permanente (à différencier des traitements orthodontiques interceptifs ou précoces).
C’est au praticien qui assume la responsabilité du traitement de l’indiquer, le réaliser et en assurer le suivi.
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Comment prévenir un litige éventuel ?
Se former et connaître ses limites en matière de compétence.
Il est recommandé de respecter les règles de bonnes pratiques en matière d'orthodontie.
La tenue irréprochable d'un dossier médical est la pierre angulaire dans la prévention du litige :
- radios,
- photographies début et fin de traitement,
- empreintes début et fin de traitement,
- consentement éclairé,
- devis signés,
- retranscription du contenu des séances (observations cliniques, incidents, observance du patient, rendez-vous non honorés, etc.)
En cas de litige, seule la responsabilité du patricien avec qui le patient a contracté un contrat de soins pourra être engagée.
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Remerciements au Docteur Emmanuel Frèrejouand, Docteur en chirurgie-dentaire, Spécialiste qualifié en orthopédie-dento-faciale, ancien assistant hospitalo-universitaire de Paris Descartes, diplôme universitaire d’orthodontie linguale, diplôme universitaire d’expertise en médecine dentaire, Président de la Commission de Communication de la Fédération Française d’Orthodontie.