Massage par un non-kinésithérapeute : est-ce illégal ?

Deux masseurs-kinésithérapeutes concluent un contrat par lequel ils mettent une partie de leur cabinet à la disposition d’un intervenant, non-kinésithérapeute, afin qu’il y exerce une activité d’endermologie et de coaching sur plateforme Huber et Power Plate.

La chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Midi-Pyrénées, saisie d’une plainte du conseil départemental de Haute-Garonne, considère en 2016 que de telles prestations ne pouvaient être assurées que par un masseur-kinésithérapeute. Elle inflige un blâme aux deux kinésithérapeutes, pour complicité d’exercice illégal de la masso-kinésithérapie.

En appel, la chambre disciplinaire nationale confirme le blâme, mais sur un fondement différent. Elle écarte la complicité d’exercice illégal, mais retient la violation du secret professionnel, la publicité indirecte et la non-communication du contrat aux instances de l’Ordre.

Le Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat, car il considère que l’exercice illégal et, par conséquent, la complicité d’exercice illégal, sont établis.

Les faits ayant donné lieu à cette affaire datent de 2013 et sont donc soumis aux articles L. 4321-1 et R. 4321-3 du code de la santé publique (CSP), dans leur rédaction alors en vigueur.

A cette époque, l’article L. 4321-1 définit la profession de masseur-kinésithérapeute par référence aux actes réalisés : "La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale".

Le massage est quant à lui défini par l’article R. 4321-3 du CSP comme "toute manœuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus."

La combinaison de ces deux articles permet de conclure que le massage, quelle qu’en soit la finalité, relève du monopole du masseur-kinésithérapeute. L’endermologie, consistant à reproduire mécaniquement le mouvement de palper-rouler grâce à un appareil, constitue bien une technique de massage, réservée aux masseurs-kinésithérapeutes. Aussi, toute personne qui l’utilise sans avoir ce titre est considérée comme exerçant illégalement cette profession.

Le Conseil d’Etat fait donc grief à la chambre disciplinaire nationale d’avoir écarté l’exercice illégal et annule donc sa décision.

Cet arrêt s’inscrit dans la tendance jurisprudentielle antérieure qui opérait une distinction entre les massages, relevant du monopole du masseur-kinésithérapeute, et les "modelages", pouvant être réalisés par des non-kinésithérapeutes.

Ces plateformes vibrantes ou oscillantes sont des dispositifs destinés à améliorer la mobilité et le tonus musculaire de l’usager. Il s’agit donc de gymnastique médicale.

Aux termes de l’article R. 4321-4 du CSP, “On entend par gymnastique médicale la réalisation et la surveillance des actes à visée de rééducation neuromusculaire, corrective ou compensatrice, effectués dans un but thérapeutique ou préventif afin d’éviter la survenue ou l’aggravation d’une affection. Le masseur-kinésithérapeute utilise à cette fin des postures et des actes de mobilisation articulaire passive, active, active aidée ou contre résistance, à l’exception des techniques ergothérapiques".

Contrairement au texte concernant le massage qui ne distingue pas selon qu’il existe ou non un but thérapeutique, l’article R. 4321-4 limite le monopole du kinésithérapeute à la gymnastique réalisée dans un but thérapeutique ou préventif, afin d’éviter la survenue ou l’aggravation d’une affection. Une utilisation dans une finalité autre est donc possible par un non-kinésithérapeute.

En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier – et cela n’est même pas allégué par les parties – que ces plateformes étaient utilisées dans un but thérapeutique ou préventif. Le Conseil national a donc pu légitimement considérer que la mise en œuvre de ces procédés de gymnastique médicale par un non-kinésithérapeute n’était pas constitutive d’un exercice illégal.