Hyperglycémie, nausées, vomissement chez un diabétique : évoquer l'acidocétose
Un médecin généraliste est appelé auprès d’un patient diabétique de type 1 âgé de 21 ans, dont la maladie évolue depuis 7 années, traitée par 4 injections d’insuline quotidiennes (une d’action lente et trois d’action rapide) : il se plaint depuis environ 30 heures de nausées, vomissements.
L’insulinothérapie a été interrompue par le patient, la dernière injection d’insuline date de 24 heures.
Notre confrère évoque une gastroentérite ayant la notion d’un contage familial 3 jours plus tôt et prescrit un traitement symptomatique : il ne mesure pas la glycémie capillaire, n’établit pas de prescription écrite de l’insulinothérapie et conseille oralement de ne pas reprendre l’insuline tant que l’alimentation est impossible avec vomissements.
Le médecin rappelé le lendemain, découvre son patient dans un état léthargique, avec une hyperglycémie au-dessus des possibilités de mesure du lecteur et appelle le 15 : le médecin urgentiste constate un Glasgow à 7, une TA à 9 avec une fréquence cardiaque à 100/minute.
A l’hôpital est diagnostiquée une acidocétose diabétique sévère avec coma vigil, glycémie à 4,6 g/l, pH à 6,8.
Malgré une prise en charge réanimatoire immédiate, l’évolution sera marquée par 2 arrêts cardio-circulatoires, 9 jours de coma avec un handicap neurologique lourd : troubles dystoniques (oro-mandibulaires, des deux membres supérieurs et parfois du membre supérieur droit par diffusion), une bradykinésie, une malvoyance, des troubles de communication ainsi qu'une hémiparésie droite.
Ne pas évoquer l'acidocétose : une erreur diagnostique considérée comme fautive
Le sapiteur en endocrinologie a considéré les soins médicaux donnés comme inadaptés, les manquements étant nombreux dans le cas présent :
- défaut d'examen clinique,
- défaut de contrôle de glycémie capillaire,
- défaut de recherche d'acétonurie,
- défaut de prescription et réalisation d'injection d'insuline,
- défaut d'évaluation de la gravité.
Concernant l’imputabilité, il sera considéré qu’une prise en charge conforme par le médecin aurait évité l'évolution de cette acidocétose aboutissant à deux arrêts cardiaques aux séquelles neurologiques gravissimes.
Quels enseignements tirer de cette affaire ?
Le risque d'acidocétose chez le diabétique de type 1 est élevé
Multiples sont les circonstances où elle peut apparaître :
- une infection ou une maladie intercurrente (infection urinaire, pneumonie, gastroentérite) ;
- un événement stressant ou un traumatisme, une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou une intervention chirurgicale ;
- un traitement à l'insuline inadéquat (omission d'une injection d'insuline ou dose insuffisante).
Le défaut d'apport d'insuline par rapport aux besoins du moment fait apparaître cette complication aiguë gravissime du diabète.
Même si la personne diabétique s'alimente sensiblement moins durant les jours de maladie, elle doit continuer à prendre son insuline selon les doses habituelles prescrites en l'ajustant selon les résultats de glycémie capillaire.
L'arrêt de l'insuline qui entraîne une carence majeure en insuline, ou le fait de diminuer les doses d'insuline en cas de maladie sous prétexte que l'on n'a pas faim sont les "erreurs à ne pas commettre" qu'on apprend aux diabétiques.
Les conseils habituels lors d'une maladie chez un diabétique de type 1
- mesurer la glycémie plus souvent : toutes les 2-4 heures ou plus souvent, si nécessaire ;
- prendre l'insuline comme d'habitude, en adaptant la dose à la glycémie ;
- mesurer la température et prévenir la déshydratation par transpiration causée par la fièvre ;
- si la glycémie est supérieure à 14 mmol/L, mesurer les corps cétoniques dans le sang ou l'urine toutes les 2 à 4 heures ou plus souvent, si nécessaire ;
- maintenir les apports de glucides et l'hydratation ;
- contacter un médecin ou se rendre aux urgences en cas de glycémie supérieure à 20 mmol/L avec présence de corps cétoniques ou de vomissements continuels et incapacité de boire
Les signes d'alerte pour le patient et le médecin qui le prend en charge
- une douleur abdominale,
- des nausées et des vomissements,
- une asthénie,
- une confusion, une léthargie, faiblesse, somnolence prononcée,
- une respiration rapide puis profonde et difficile,
- une peau sèche et froide ; une diminution de la transpiration,
- une soif et une évacuation de l'urine excessives,
- un taux de glucose sanguin élevé,
- la présence d'acétone dans le sang ou les urines,
- une perte de poids rapide,
- une odeur particulière de l'haleine, dite cétonique : sucrée et fruitée sont les signes de l'urgence.
Point d'attention : la traçabilité
Le praticien consultant un diabétique de type 1 décompensé devra préciser dans son observation qui sera horodatée :
- les signes cliniques (perte de poids, TA, fréquence cardiaque, vigilance, température, état d’hydratation) ;
- la mesure de la glycémie et le résultat de la recherche d’acétone (dans le sang ou les urines).
En l’absence de traçabilité de ces éléments, sa responsabilité pourra être retenue.