Une dégradation progressive vers une impotence de l’épaule et de l’avant-bras
En mai, un patient de 82 ans consulte un ORL pour une épistaxis bilatérale accompagnée d’une rhinorrhée claire. Celui-ci constate une nette ectasie de la tâche vasculaire gauche qui est cautérisée au nitrate d’argent. Aucune douleur cervicale n’a été décrite par le patient lors de cette consultation.
En août, la famille signale au médecin traitant, lors d’une consultation pour renouvellement d’ordonnance, une perte de poids de 12 kilos et un torticolis du côté droit.
Par la suite, le patient se plaint d’un blocage du bras droit et de douleurs cervicales auprès d’un médecin acupuncteur qui décide de plusieurs séances.
Devant la persistance des symptômes, il propose une imagerie que le patient refuse, expliquant qu’il verra cela avec son médecin traitant.
Fin novembre, l’état de son mari se dégradant, l’épouse du patient contacte le médecin traitant pour demander la prescription d’un lit médicalisé. Le praticien propose alors une hospitalisation que le patient refuse.
Finalement, sur demande du médecin traitant, le patient, qui présentait à ce moment-là une impotence quasi complète du moignon de l’épaule et de l’avant-bras gauche, est hospitalisé pour bilan de cervicalgies persistantes depuis 4 mois.
L’IRM montre une volumineuse lésion au niveau de C 4 avec :
- envahissement antéro latéral de la moelle,
- refoulement et envahissement des parties molles adjacentes,
- infiltrat des foramens sus et sous-jacents.
Compte tenu du caractère très suspect de la lésion, le bilan est poursuivi et met en évidence une masse rénale au pôle inférieur du rein gauche d’environ 6 centimètres, d’allure néoplasique, correspondant vraisemblablement au primitif.
Au vu de la dégradation de l’état général du patient et en accord avec la famille, une prise en charge palliative est décidée. Quelques jours après, le patient décède.
Deux responsables : le médecin traitant et l’acupuncteur
Reprenant les conclusions expertales, la CCI conclut à la responsabilité conjointe du médecin traitant et de l’acupuncteur pour :
- ne pas avoir envisagé et demandé de bilan. Bilan que l’acupuncteur soulignait avoir demandé, mais qu’il sera dans l’incapacité de démontrer faute de l’avoir noté dans son dossier ;
- ne pas avoir sollicité d’avis spécialisé alors même que la symptomatologie persistait et même s’aggravait.
En revanche, celle du médecin ORL est écartée puisque lors de sa consultation, le patient ne se plaignait d’aucun autre signe que d’une épistaxis ne justifiant pas de bilan plus approfondi.
La CCI impute au retard diagnostique une perte de chance pour le médecin traitant à hauteur de 10 % et de 30 % pour le médecin acupuncteur.
Que retenir de ce cas pratique ?
En somme, comme le rappelle la HAS, les cervicalgies non traumatiques sont le plus souvent "communes", sans signes de gravité. La douleur s’améliore généralement avec un traitement symptomatique en 4 à 6 semaines sans qu’aucun examen d’imagerie ne soit nécessaire.
Plus rarement, elles s’accompagnent de signes d’alerte qui doivent être recherchés devant toute cervicalgie et qui orientent vers une prise en charge spécifique :
- atteinte médullaire,
- maladie inflammatoire rhumatismale,
- infection,
- tumeur,
- complication d’une chirurgie antérieure, atteinte vasculaire (dissection artérielle cervicale).
Au-delà de ce délai de 4 à 6 semaines, en cas de résistance au traitement médical bien respecté, des examens radiologiques sont nécessaires.
Crédit photo : CHASSENET / BSIP