Des massages du cou à l'origine d'une dissection vertébrale
Une patiente, souffrant d’un torticolis, est adressée par son médecin traitant à un masseur-kinésithérapeute pour une rééducation du rachis cervical.
Dès la première séance, des mouvements de rotation et d’étirement du cou sont réalisés. Immédiatement, la patiente est prise de nausées et de vertiges.
En sortant du cabinet, elle s’installe dans son véhicule en attendant que son malaise se dissipe mais ses troubles augmentent et des passants appellent les secours.
Elle est hospitalisée en urgence et il est diagnostiqué une ischémie du système nerveux central, causée par une dissection vertébrale.
Elle conserve des séquelles majeures avec perte d’autonomie et assigne tant le kinésithérapeute que l’ONIAM, au titre d’un éventuel aléa.
En appel, le kinésithérapeute est considéré comme responsable des conséquences dommageables de la séance de kinésithérapie et l’ONIAM est mis hors de cause ; il forme un pourvoi devant la Cour de cassation.
Des manipulations cervicales "viriles" selon la patiente, et un "mouvement forcé" selon les juges
Selon les experts, la lésion est d’origine traumatique et a été provoquée par un mouvement forcé de rotation ou d’étirement du cou.
Lors de la séance, la patiente s’est plainte de manipulations cervicales "assez viriles", provoquant des craquements.
Les éléments fournis permettent d’établir que le masseur-kinésithérapeute ne s’est pas borné à pratiquer des mobilisations. Il a réalisé une torsion ou un étirement du cou, de surcroît sans précaution, puisqu’il n’a établi aucun bilan préalable et n’avait ni spécialité ni formation particulière en matière de manipulations vertébrales cervicales.
Le kinésithérapeute n’était donc pas habilité à réaliser de telles manœuvres.
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La Cour de cassation confirme donc l’arrêt d’appel et retient une faute du masseur-kinésithérapeute, en lien causal direct et certain avec le dommage subi.
Une solution cohérente avec le Code de la santé publique
L’article R4321-7 du Code de la santé publique (CSP) autorise les masseurs-kinésithérapeutes à pratiquer la mobilisation manuelle de toutes les articulations, à l’exclusion des manœuvres de force, notamment des manipulations vertébrales et des réductions de déplacement osseux.
Les actes de kinésithérapie cervicale sont donc autorisés, dès lors que les mouvements ne dépassent pas les limites anatomiques, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas réalisés "en force" et consistent en une simple mobilisation.
En l’espèce, l’expertise a permis d’établir la perception d’un craquement et une mobilisation des cervicales par des mouvements de torsion ou d’étirement, au-delà des limites physiologiques, constitutifs d’une manœuvre de force.
Pour aller plus loin sur les conditions de réalisation des manipulations par les professionnels de santé, consulter notre article :
Manipulations du rachis cervical : qui peut les faire et à quelles conditions ? >