Prise en charge dans le cadre du traitement de la dent 46
En janvier 2015, le chirurgien-dentiste découvre, au vu d’une radiographie panoramique, une lésion apicale au niveau des racines mésiale et distale de la dent 46. Il réalise une radiographie locale qui révèle deux lésions apicales granulomateuses.
En septembre, il réalise une pulpectomie, met un pansement provisoire et demande à son patient de le rappeler pour procéder, par la suite, au traitement endodontique complet sous anesthésie locale. Il ne revoit plus son patient (et affirme ne pas avoir fracturé d’instrument à l’occasion des soins).
Le dentiste consulté ensuite par le patient réalise un cliché radiographique qui objective un fragment d’instrument intracanalaire sur la 46 et procède en novembre 2015 à une obturation des canaux avec l’instrument fracturé en place. Une radiographie de contrôle est réalisée en mars 2016, qui montre toujours la présence d’une lésion apicale.
Un troisième chirurgien-dentiste prend la suite et diagnostique une "parodontite apicale de la 46 compliquée par un instrument fracturé qui ne peut être déposé sans détériorer la racine". Il propose trois options thérapeutiques :
- résection apicale,
- extraction et pose d’implant,
- extraction de la 46 et réimplantation de la 48.
Il oriente le patient vers un spécialiste.
Le chirurgien maxillo-facial procède, le 5 janvier 2018, à l’extraction de la 46 en même temps que les quatre dents de sagesse incluses, sous anesthésie générale, après la signature d’un consentement éclairé.
L’intervention a lieu sans complication particulière. Un retour à domicile est prévu avec une prescription médicamenteuse (Augmentin® 1000, Solupred® 20, Efferalgan® codéine, Listérine zero) mais le patient présente, cinq jours après, des vomissements et une agitation importante qui nécessite l’intervention du SMUR. Il est transféré en service de réanimation où il décèdera douze jours après.
La famille met en cause l’ensemble des praticiens ainsi que le CHU devant la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI). Elle considère que l’anesthésie générale n’était pas nécessaire pour les extractions dentaires et que la fracture d’instrument de la dent 46 est à l’origine des complications. La Commission procède à la désignation d’un collège d’experts (un chirurgien-dentiste et un anesthésiste réanimateur).
Evolution prévisible de la pathologie initiale selon les experts
Les experts précisent qu’à l’origine, la dent 46 était nécrosée et présentait deux granulomes avant la prise en charge endodontique. Ainsi, l’évolution spontanée de la lésion sans soins aurait consisté en une augmentation des lésions qui, non traitées, auraient conduit inexorablement à l’extraction de cette dent.
Ils indiquent que l’état antérieur du patient le prédisposait à une aggravation. En effet, il était porteur d’un déficit en OCT, pathologie rare et non connue au moment des soins et a présenté un coma hyperammoniémique à l’origine d’une hypertension intracrânienne, responsable de son décès.
Absence de lien de causalité direct et certain entre les soins dentaires et le décès du patient
La Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux se fonde sur le rapport d’expertise pour mettre hors de cause les différents intervenants et rejeter la demande de la famille.
Elle considère que le coma, survenu en post opératoire "tardif" de l’intervention du 5 janvier 2018, est sans lien avec celle-ci.
Les experts n’ont pas retrouvé de facteur déclenchant et exclu l’hypothèse d’un choc réactionnel à l’anesthésie générale, invoqué par la famille.
S’agissant des soins dentaires, ceux-ci ont été prodigués conformément aux règles de l’art. L’évolution de la nécrose de la dent 46 aurait conduit, en tout état de cause, à son extraction, inévitable à terme et la présence d’un instrument fracturé n’aurait rien changé.
La Commission valide l’indication opératoire ainsi que les prises en charge des différents intervenants.
Ainsi, aucun manquement au niveau des soins, de l’organisation ou du fonctionnement du service ne peut être retenu à l’encontre des praticiens : le décès du patient est lié à l’évolution de la pathologie dont il était porteur et qui ne peut être directement imputé à un acte des soins.
Que retenir ?
Dans ce cas dramatique, la CCI a fait une juste appréciation des faits et rendu un avis conforme à la jurisprudence en vigueur. Elle rejette la demande indemnitaire de la famille, considérant qu’aucun manquement fautif ne peut être mis à la charge des praticiens sur le fondement de l’article L.1142-1 1er alinéa du code de la santé publique et qu’il s’agit de l’évolution d’une pathologie rare, dont l’évolution a été foudroyante.