Infection et trismus à la suite de soins dentaires
En août, un patient présente des douleurs à l’épaule droite puis, un an après, aux deux épaules, qui ne s’estompent pas malgré les ondes de choc. Pensant que ses douleurs sont liées à son occlusion dentaire et son bruxisme, il consulte un chirurgien-dentiste. Celui-ci, après un examen clinique, prévoit un traitement par plan de libération occlusale et établit le devis correspondant.
En novembre, un plan de libération occlusale est mis en place avec une consigne de port jour et nuit. Le patient se plaint rapidement de cette gouttière qui lui provoque une gêne importante avec inconfort, salivation, problèmes d’élocution et blessures musculaires. Plusieurs séances d’équilibration sont réalisées. Après l’une des séances, le patient présente des acouphènes importants à droite. Plusieurs autres séances d’équilibration sont réalisées sans que le patient ne note d’amélioration notable.
Les 14 et 18 février suivants, le chirurgien-dentiste procède à une anesthésie tronculaire pour réaliser un assainissement parodontal et un soin de lésions carieuses.
Les suites sont marquées par l’apparition :
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Malgré la prise d’antibiotiques et de myorelaxants, la limitation de l’ouverture buccale ne s’amende pas. Des séances d’étirements musculaires sont réalisées par un kinésithérapeute. Bien qu’arrêtées au seuil de la douleur, la limitation de l’ouverture s’aggrave.
En mars, le généraliste prescrit une IRM des articulations temporo-mandibulaires qui met en évidence un aspect d’hématome du ptérygoïdien interne gauche. Les douleurs et la réduction de l’amplitude d’ouverture diminuent progressivement au cours des mois de mars et mai.
Le 14 mai, le patient bénéficie d’une nouvelle IRM qui objective la disparition de l’hématome.
Le patient assigne son chirurgien-dentiste devant le Tribunal judiciaire.
Il lui reproche d’avoir prescrit des mouvements forcés à l’origine :
- d’une aggravation du trismus,
- d’un arrêt de travail de deux mois,
- d’une impossibilité de présenter convenablement son projet professionnel.
Imprudence du praticien dans la gestion du trismus, selon l’expert
L’expert désigné considère que le traitement mis en place et la prise en charge occlusale étaient adaptés, compte tenu de l’existence d’un bruxisme. Selon lui, les équilibrations ont été réalisées conformément aux bonnes pratiques, de même que le suivi du port de la gouttière. Les acouphènes ne sont pas imputables au praticien.
Il estime que l’apparition de l’hématome est un aléa thérapeutique mais considère toutefois que la prise en charge du trismus n’a pas été conforme aux règles de l’art.
Le praticien a commis une imprudence dans l’élaboration de son diagnostic en se privant d’examens complémentaires. Il aurait dû demander une I.R.M. permettant d’établir un diagnostic. La simple palpation endobuccale de la région du ptérygoïdien médial et des assertions basses du temporal aurait induit une réponse douloureuse inhabituelle, permettant de mettre en doute une évolution du dysfonctionnement temporo mandibulaire.
Ainsi, trompé par ce contexte dysfonctionnel, le praticien a commis une imprudence en se privant d’examens complémentaires comme l’IRM.
Par ailleurs, il lui est reproché la demande de séances de kinésithérapie.
Une responsabilité contestée par l’assureur
Contestant cette analyse et par voie de conséquence la responsabilité du praticien, la MACSF a rédigé un dire portant sur plusieurs points :
- La contestation de l’indication d’IRM dès l’apparition des premiers symptômes : du fait du contexte de dysfonction de l’appareil manducateur, cette erreur de diagnostic n’est pas "un manquement". L’expert en a pris note et a observé que le patient ne s’était pas présenté aux rendez-vous prévus pour le suivi, privant le chirurgien-dentiste de la possibilité de prescrire cet examen et de modifier le traitement.
- Les séances de kinésithérapie n’ont pas été prescrites par le chirurgien-dentiste, contrairement à ce qui était affirmé par le demandeur. Suivant la mission qui lui avait été confiée, l’expert a pu faire confirmer que la prescription provenait d’un autre praticien et non du chirurgien-dentiste mis en cause.
Ces observations, rédigées sous forme de dires, ont été adressées à l’expert dans le respect du principe du contradictoire.
Celui-ci a tenu compte de ces observations et a modifié son rapport d’expertise en concluant à un aléa thérapeutique, mettant ainsi hors de cause le chirurgien-dentiste sociétaire.
Pour conclure
Alors que l’expert retenait initialement la non-conformité de la prise en charge du chirurgien-dentiste sociétaire et, par voie de conséquence, sa responsabilité, la MACSF est parvenue, par des arguments pertinents, à remettre en cause son analyse et à obtenir des conclusions favorables, en l’absence de tout manquement fautif.