Cas d'une ponction biopsie réalisée chez une patiente greffée
Une patiente, porteuse d’un rein unique gauche malformatif, subit une première greffe rénale au CHU de Nantes en 1999. Le rejet chronique du greffon nécessite une hémodialyse périodique à partir de 2003, et une seconde greffe est réalisée au CHU de Bordeaux en 2006.
Une maladie migraineuse très sévère conduit la patiente à consulter à six reprises au service des urgences du CHU de Bordeaux, en rappelant qu'elle avait fait l'objet d'une greffe rénale et qu'il convenait d'informer le service des transplantations. Les examens sanguins faisant fortement suspecter un rejet du greffon, une ponction biopsie est réalisée.
Cet acte se complique d'un volumineux hématome sous-capsulaire rénal consécutif à une blessure provoquée par l'aiguille de biopsie, à l'origine d'une insuffisance rénale de type obstructif. La fonction rénale se dégrade progressivement, jusqu'à une insuffisance rénale terminale nécessitant une hémodialyse quotidienne
Une action est initiée à l’encontre du CHU de Bordeaux, donnant ainsi à la Cour administrative d’appel l’occasion d’examiner les conditions de réalisation de la ponction biopsie.
L’appréciation de la Cour : un acte technique à risque chez une patiente fragile.
L’expertise ordonnée par le tribunal administratif indique que la ponction a été réalisée par une interne en première année d'un DES de radiologie interventionnelle qui en comporte cinq.
Or, cette première année ne permet pas d'acquérir des connaissances, même théoriques, concernant une biopsie de rein greffé, l'expert précisant que le niveau de compétence de l'opérateur figure parmi les facteurs de risque de complications hémorragiques de la ponction biopsie. De surcroît, dans le cas particulier de cette victime, l'acte était particulièrement à risque du fait du caractère précieux du second greffon, nécessitant ainsi une compétence spécialisée réservant ce geste à un praticien hospitalier.
Si le document versé à la procédure par le CHU au soutien de sa défense affirmait que la biopsie avait été supervisée par un praticien hospitalier dans le service, il n'indiquait pas que le tuteur aurait été présent pendant le geste, et le nom du praticien hospitalier ne figurait pas sur le compte-rendu.
Or, il est d'usage, comme l'a relevé l'expert, que les comptes rendus d'actes délicats soient signés à la fois par la personne qui a réalisé le geste technique et par le senior qui a assuré la supervision et relu le compte-rendu.
La Cour sanctionne dans ce contexte le fait d'avoir confié la réalisation de cet acte à risque à une interne en début de formation de spécialisation.
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Au regard des règles relatives aux modalités d'exercice des internes et aux principes fondamentaux du service public hospitalier, les juges retiennent la responsabilité du CHU, lequel a été condamné à réparer les dommages corporels de la patiente.
À retenir
Si l’’interne occupe une place essentielle dans les établissements publics d’hospitalisation, c’est à la condition qu’il reçoive valablement délégation des actes dont il a acquis l’autonomie suffisante pour garantir la sécurité du patient.