Les faits : des résultats d'examen non communiqués au médecin
Au cours du troisième mois de sa grossesse, une femme se voit prescrire par son gynécologue un test destiné à déceler un risque de trisomie 21.
Les prélèvements sont réalisés au sein d’un laboratoire qui, n’étant pas équipé du logiciel nécessaire, les envoie à un autre laboratoire.
Les résultats du test mettent en évidence un risque accru de 1/100 de donner naissance à un enfant atteint de la trisomie 21 mais ne sont transmis ni au premier laboratoire, ni au médecin prescripteur, ni à la patiente en raison d’un dysfonctionnement dans l’organisation des laboratoires.
En raison de l’existence d’un protocole entre le laboratoire et le gynécologue selon lequel le laboratoire ne transmettait les résultats au médecin qu’en cas de risque de trisomie 21, le gynécologue a considéré, en l’absence de transmission des tests, que ceux-ci étaient normaux.
La grossesse s’est donc poursuivie sans que le médecin ne s’informe et n’informe les parents du risque.
A compter de la trente-troisième semaine d’aménorrhée, le second gynécologue (obstétricien) chargé de l’accouchement ne s’est pas plus renseigné sur les résultats manquants au dossier médical de sa patiente.
Malheureusement, l’enfant né est atteint de trisomie 21.
Les parents - agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur enfant - ont alors engagé la responsabilité civile des différents acteurs de santé intervenus dans la prise en charge de la grossesse de la mère, considérant que l'absence de diagnostic (et d’information) de la trisomie 21 les avaient privés de la possibilité de demander une interruption médicale de grossesse.
La décision de justice : la responsabilité du gynécologue et de l'obstétricien engagée
Par un arrêt du 3 mai 2018, la Cour de cassation a considéré que les deux praticiens chargés du suivi de la grossesse de la patiente avaient commis une faute :
- Le gynécologue qui avait prescrit les tests aurait dû solliciter les résultats lui-même, sans dépendre des aléas de communication par les laboratoires. Il ne pouvait valablement opposer à sa patiente l’absence de réponse des laboratoires ni leur erreur ou négligence.
- Quant au gynécologue obstétricien, le dossier médical ne comprenant pas les résultats, il aurait dû, lui aussi, les solliciter car il ne pouvait fonder son diagnostic sur l’absence de réponse des laboratoires.
Que faut-il retenir de cette affaire ?
- Lorsqu’un praticien prescrit un examen à son patient, il a l’obligation de s’enquérir des résultats afin d’informer correctement son patient et de prendre les dispositions thérapeutiques nécessaires.
- L’existence d’un protocole entre le laboratoire d’analyses et le médecin prescripteur ne permet pas à ce dernier de s’exonérer de sa responsabilité en cas de défaillance au niveau du laboratoire dans la transmission des tests.
- Lorsqu’un praticien n’a pas reçu les résultats des tests prescrits, il doit les solliciter (entreprendre une démarche active auprès de son patient ou/et du laboratoire) avant de poser un diagnostic.
- Lorsqu’un praticien reprend le suivi d’un patient et constate qu’un test a été prescrit mais que les résultats ne figurent pas au dossier médical, il doit également les solliciter afin de poser un diagnostic et d’adapter la prise en charge.