Retards et erreurs diagnostiques en lien avec des examens
Certains retards ou erreurs diagnostiques paraissent évitables pour de multiples raisons :
- Un examen clinique incomplet et, même s’il a été complet, une absence de trace écrite de celui-ci, utile non seulement au médecin lors d’une deuxième consultation mais aussi à son éventuel remplaçant.
- Des examens complémentaires, soit non demandés, soit dont le résultat n’a pas été transmis, soit non terminés. Par exemple, un dossier mentionnait un électrocardiogramme commencé mais non terminé du fait d’un dysfonctionnement de la machine, chez un patient victime d’un infarctus du myocarde débutant.
- Des examens complémentaires inutiles, retardant l’intervention d’un spécialiste ou l’hospitalisation. Par exemple, la prescription d’un scanner devant une suspicion de syndrome de la queue de cheval ou d’une échographie testiculaire devant une suspicion de torsion du cordon spermatique.
Nos conseils
- Bien replacer les signes cliniques dans leur contexte.
Par exemple : contexte pathologique d’un patient splénectomisé, plus sensible à certaines infections ; contexte de voyage dans un pays tropical chez un patient fébrile ; contexte de risque vasculaire chez une femme jeune, mais hypercholestérolémique, tabagique et prenant une contraception orale devant faire évoquer le caractère coronarien d’une douleur thoracique. - Bien tenir compte du degré d’urgence, particulièrement dans les domaines neurologiques et cardiologiques. Le médecin généraliste doit faire non seulement bien, mais vite.
Etant le premier consulté, il lui revient d’orienter le patient le plus rapidement possible vers les structures adaptées à son état. Les délais se mesurant parfois en heures, la responsabilité du médecin généraliste s’en trouve d’autant plus renforcée.
Retards et erreurs diagnostiques en lien avec le recours au spécialiste
Il n’est pas toujours facile pour le médecin généraliste de savoir quand adresser un patient à un spécialiste pour un conseil, dans quelles conditions et avec quel degré d’urgence.
Il doit aussi, en tant que médecin référent, contrôler l’avis du médecin spécialiste lorsqu’il assure un suivi qui dépasse l’avis ponctuel demandé à celui-ci.
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Mauvaise interprétation radiographique
Dans un des dossiers traités par la MACSF, une radiographie du bassin chez un adolescent de 14 ans a été jugée normale par le radiologue alors qu’il existait des signes cliniques d’une épiphysiolyse débutante de la hanche (repérés comme tels a posteriori). Douleurs et boiterie se sont aggravées, occasionnant plusieurs consultations auprès du médecin généraliste. Finalement, l’adolescent s’est confié à un autre médecin qui a demandé un autre examen radiologique. Celui-ci a montré une bascule de près de 90° de la tête fémorale.
Si les magistrats ont reconnu que le médecin généraliste pouvait ne pas avoir la compétence pour relire la première radiographie, d’interprétation délicate, ils ont cependant conclu qu’il se devait de remettre en cause le diagnostic et de refaire les examens, étant le médecin qui suivait le patient par de nombreuses consultations.
Retards et erreurs diagnostiques en lien avec des défaillances d'organisation
Beaucoup d’erreurs évitables sont liées à des défaillances de communication ou d’organisation, par exemple dans la transmission de résultats d’examens.
Aujourd’hui, de nombreuses décisions de justice portent sur la défaillance de la relation triangulaire entre le patient, son médecin généraliste et les médecins spécialistes (ou laboratoires d’analyses).
La leçon à en tirer est que nul ne peut se retrancher derrière les éventuels manquements des autres intervenants, même du fait d’une erreur de leur part (par exemple, perte d’une lettre ou envoi à une adresse inexacte, le secrétariat n’ayant pas vérifié l’adresse d’un patient qui vient de déménager).
Par ailleurs, tout praticien recevant par erreur des résultats d’analyses qui ne lui sont pas destinés doit les renvoyer à l’expéditeur afin que celui-ci puisse les faire parvenir rapidement au bon destinataire.
Deux exemples, extraits de dossiers déclarés, permettent de réaliser l’importance d’une bonne organisation du cabinet.
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Mauvaise gestion d'un traitement anticoagulant
Un cardiologue hospitalier fait un relais anticoagulant chez une femme porteuse d’une prothèse valvulaire dont il a confié le suivi à un médecin généraliste, avec un courrier détaillé.
Sa prescription porte sur plusieurs jours d’anticoagulants à l’issue desquels la patiente doit avoir un bilan, pour savoir si le traitement est bien équilibré et si le traitement injectable donné en relais peut être arrêté. Or le résultat de l’examen n’a pas été transmis au médecin généraliste par la patiente elle-même, qui aurait dû savoir que cet examen était crucial.
Le généraliste ne s’est pas enquis du résultat, que le laboratoire ne lui a pas transmis. La patiente a arrêté son anticoagulant injectable, alors qu’elle n’était pas bien équilibrée, et a fait un AVC dans les 36 heures qui ont suivi.
Même s’il y a un doute sur la relation de cause à effet entre l’accident et la mauvaise gestion du traitement anticoagulant, il est en revanche certain que celle-ci a constitué un facteur de risque.
Consultation tardive de résultats d'examen
Un examen est demandé en urgence par un médecin généraliste chez une personne âgée déshydratée, avec prélèvement fait au domicile.
Comme il l’avait demandé, le résultat lui a bien été transmis par l’intermédiaire de sa boîte e-mail, mais il n’en a pris connaissance que 24 heures plus tard, retardant d’autant la prise en charge de la déshydratation et de l’insuffisance rénale qui lui était associée.
Nos conseils
- Sensibiliser le patient sur la nécessité de respecter les prescriptions et sur l’éventuelle gravité de sa situation, en traçant cette information au dossier.
- Demander au patient de rappeler quelques jours après le moment où les examens complémentaires importants doivent être réalisés.
- S’enquérir du résultat de tout examen demandé.
- Demander à son secrétariat de ne jamais ranger un examen dans un dossier sans que le médecin ait attesté qu’il l’a vu et alerté son patient s’il est pathologique.
- Informer le patient de la nécessité de prendre contact, qu’il ait ou non reçu le résultat.
- Faire attention aux périodes de vacances et de remplacement ; exemple d’un médecin généraliste ayant pratiqué un frottis mais ne l’ayant pas noté dans le dossier ; le résultat arrive en période de vacances, est classé dans un mauvais dossier ; le médecin oublie l’examen, la patiente ne lui demande rien ; le diagnostic est fait deux ans plus tard.
L’obligation de suivi du prescripteur impose une organisation sans faille. Seule une traçabilité irréprochable des dossiers patients, impliquant l’ensemble des membres du cabinet, permet d’éviter les dysfonctionnements.
Elle permet notamment de transmettre sur demande du patient un dossier complet à un confrère et de fixer les dates des contrôles ultérieurs avec des rappels (informatiques ou manuscrits).
À retenir
La relation de proximité du médecin traitant avec ses patients le place au cœur du développement de la prévention en santé (dépistage, éducation sanitaire, etc.). Il est le plus à même de favoriser la coordination entre les différents intervenants. Cette mission peut engager sa responsabilité.
Comme le rappelle la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes du 25 août 2016 : "Le médecin correspondant ne rend qu’un avis ponctuel de consultant lorsqu'il reçoit le patient à la demande explicite du médecin traitant ; il ne donne pas au patient de soins continus mais laisse au médecin traitant la charge de surveiller l'application de ses prescriptions". C’est une notion essentielle.
Les magistrats font une distinction nette entre :
- le rôle ponctuel, parfois dans l’urgence, du médecin intervenant sur demande du médecin traitant,
- le rôle fondamental, et, à plus haut risque, dans le suivi et la coordination.
Un jugement a d’ailleurs condamné un médecin traitant en faisant valoir qu’il était "celui qui connaissait le mieux son patient".
Le médecin traitant doit :
- informer son patient ;
- vérifier que celui-ci a pris conscience de la gravité de l’affection et de l’importance qu’il y a à la traiter ;
- vérifier qu’une suite est donnée à ses recommandations et à ses prescriptions, si besoin en le convoquant à nouveau ;
- se préoccuper du silence de son patient ;
- ne pas s’incliner trop facilement devant le refus de soins éventuellement exprimé par celui-ci et tenter de le convaincre ;
- coordonner tous les soins (il est devenu un véritable ange gardien professionnel des temps modernes).
Ignorer ces données expose les généralistes à se retrouver parmi les professions à haut risque médico-légal.
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