Qu'est-ce qu'un projet de naissance ?
La HAS a publié deux séries de recommandations en la matière : "Préparation à la naissance et à la parentalité (PNP)" en novembre 2005, destinées à accompagner les mesures du plan périnatalité 2005-2007, puis "Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées" en mai 2007, mises à jour en mai 2016.
Le projet de naissance y est défini comme "l’énoncé des souhaits des parents quant au déroulement de la grossesse et à la naissance de leur enfant. Il inclut l'organisation des soins, le suivi médical, la préparation à la naissance et à la parentalité, les modalités d'accouchement, les possibilités de suivi pendant la période postnatale, y compris les conditions d'un retour précoce au domicile et les recours en cas de difficultés. Il peut être formalisé par un document écrit rédigé par les parents".
Dans son argumentaire accompagnant les recommandations de 2007, mises à jour en 2016, la HAS reconnaît le projet de naissance comme étant "la conjonction entre les aspirations du couple et l’offre locale de soins". Pour cette raison, "il s’adresse à toute l’équipe de professionnels intervenant dans la prise en charge du suivi de la grossesse et de l’accouchement. Il peut être élaboré seul ou avec l’aide d’une sage-femme ou d’un médecin, suivant la grossesse. Les femmes doivent recevoir une information complète et appropriée des possibilités d’offre de soins".
C’est dans cet objectif que le plan périnatalité 2005-2007 a instauré un entretien individuel, dans le courant du premier trimestre de la grossesse, destiné à mettre en place précocement les conditions d’un dialogue permettant l’expression des attentes et des besoins des futurs parents.
Le projet de naissance s’inscrit dans l’objectif national d’une "prise en charge périnatale plus humaine" et doit donc être pris en compte, dans le respect des impératifs de sécurité des soins des patientes.
Le projet de naissance doit-il être respecté en toutes circonstances ?
La HAS le rappelle dans son argumentaire accompagnant les recommandations de 2007, actualisées en 2016 : "Représentatif d’un ensemble de souhaits, il (le projet de naissance) peut être cependant amené à fluctuer en fonctions du déroulement de la grossesse et de l’accouchement".
En effet, "l’apparition de complications peut amener les professionnels à recourir à des interventions ou des soins non souhaités, mais indispensables pour la sécurité de la mère et de l’enfant".
Dans la "directive qualité portant sur le contenu attendu d’un projet de naissance" élaborée en juillet 2023 par différents syndicats et sociétés savantes, il est également précisé, dans le "préambule à destination des usagers" : "Selon le déroulement de votre grossesse et de votre accouchement, certains de vos souhaits pourraient évoluer à votre demande ou ne pas pouvoir être réalisés pour des raisons médicales".
La situation est donc claire : le projet de naissance ne peut prendre le pas sur la sécurité des soins. Son application ne peut s’imposer au professionnel de santé si le déroulement de l’accouchement ne le permet pas ou si cela porte atteinte à la tranquillité des autres parturientes.
Certains souhaits peuvent être satisfaits, dans toute la mesure du possible, par exemple :
- danser dans la salle de travail,
- écouter un certain type de musique,
- rester dans l’obscurité,
- apporter des objets (jeux de société, peluches, etc.).
D’autres, parce qu’ils comportent des risques, ne peuvent en revanche être acceptés sans conditions. De manière générale, il s’agit de toutes les exigences qui portent directement sur les soins et les modalités de leur réalisation, par exemple :
- possibilité de faire un repas copieux, qui peut avoir des conséquences dramatiques au cas où une anesthésie serait nécessaire ;
- refus de perfusion, de recours aux forceps, de monitoring, de toucher vaginal, de césarienne.
De même, le projet de naissance ne peut comporter d’instructions sur la manière de réaliser certains soins (comme par exemple les sutures ou le déroulement d’une césarienne).
Que faire face à un projet de naissance incompatible avec l'impératif de sécurité ?
Dans cette situation délicate, plusieurs solutions peuvent être envisagées :
- Engager une discussion avec les parents et bien les informer sur le fait que le projet ne constitue qu’un ensemble de souhaits, qui seront respectés dans les limites de la réglementation en vigueur et de l’organisation du service, et qu’il ne s’agit donc pas d’un positionnement définitif immuable. Selon les circonstances de l’accouchement, il ne sera pas toujours possible de respecter tous leurs souhaits.
- Si certaines demandes s’analysent en un véritable refus de soins, il faut prendre certaines précautions pour matérialiser ce refus.
- Enfin, en cas de persistance du désaccord, il reste la possibilité d’orienter la mère, soit vers un dispositif plus adapté à sa demande (maison de naissance, salles de naissance "nature"), soit vers un autre établissement dont l’organisation peut permettre une meilleure prise en compte de ses souhaits. Là encore, il faut veiller à dispenser une information la plus complète possible sur les prises en charge proposées.
Quelle responsabilité en cas de non-respect du projet de naissance ?
Un projet de naissance n’a aucune valeur contractuelle. Ce n’est pas un contrat de soins.
Dès lors que le professionnel de santé a dispensé des soins dans les règles de l’art, il ne peut en principe lui être reproché de ne pas avoir respecté les termes du projet de naissance. Ceci d’autant plus qu’un tel document ne peut limiter son indépendance professionnelle.
Néanmoins, les parents peuvent invoquer un préjudice moral, lié au refus de faire droit à des demandes qui pouvaient être satisfaites sans mettre en péril la sécurité des soins.
Il est difficile de préjuger de la position qu’un tribunal pourrait adopter quant au non-respect d’un projet de naissance en cas de litige. En effet, la jurisprudence est très rare, pour ne pas dire inexistante, sur ce sujet.
À retenir
- Le professionnel de santé ne doit pas obéir aveuglément aux exigences du projet de naissance, sans s’interroger sur les répercussions en termes de sécurité des soins. S’il venait à retarder une prise en charge ou renoncer à un soin nécessaire du seul fait de l’existence d’un tel projet, il engagerait à coup sûr sa responsabilité.
- Mais à l’inverse, il ne doit pas s’opposer par principe au projet de naissance et refuser le bénéfice de certaines dispositions qui sont pourtant réalisables, sans remettre en cause la sécurité des soins, l’organisation du service ou la tranquillité des autres parturientes.
Dans tous les cas, la communication et l’information sont les clés pour une relation parturiente/soignant sereine.
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