Des implants dentaires projetés dans le sinus
Un patient diabétique, porteur d’une ancienne prothèse totale maxillaire, souhaite la remplacer par une prothèse sur implants. Il consulte un praticien qui procède à la pose de deux implants en secteur 1.
Dès le début de l’intervention, le patient ressent des douleurs au niveau de la narine. Lors de l’incision pour poser les deux autres implants en secteur 2 survient une hémorragie, qui oblige à différer la suite de la pose. Aucune radiographie de contrôle n’est réalisée le jour de l’intervention.
Quinze jours après, le praticien dépose les sutures et le patient se plaint, à cette occasion, de saignements au niveau du nez. Un cliché rétro alvéolaire et un scanner confirment la faible implantation osseuse et la position défavorable des implants dans les fosses nasales. Mais le praticien n’informe pas son patient de cette situation.
Devant la persistance des douleurs, un dentascan est prescrit. Il objective l’effraction des deux implants dans la fosse nasale droite. Une ordonnance avec une préparation homéopathique est alors remise au patient en vue de limiter les saignements jusqu’à la prochaine intervention consistant à achever la pose des deux implants restants.
Celle-ci a lieu une dizaine de jours après. Lors de la dépose des sutures, il est constaté un œdème palatin avec un début de péri implantite nécessitant un traitement antibiotique.
Après une temporisation de 7 mois et lors de la prise d’empreinte, le praticien constate que l’un des implants en secteur 1 a disparu de la crête alvéolaire et a été projeté dans la fosse nasale sus jacente (lors d’une tentative de récupération).
L’implant sera par la suite spontanément expulsé par les voies naturelles.
Le patient reproche à son chirurgien-dentiste d’être à l’origine de douleurs importantes et de lui avoir dissimulé les difficultés rencontrées lors de la pose des implants.
Mécontent de cette prise en charge, il l’assigne en référé expertise devant la juridiction civile.
Une pose d’implants non conforme
L’expert, mandaté dans cette affaire, considère que les travaux réalisés n’ont pas été conformes aux règles de l’art et reproche au praticien :
- d’avoir basé son plan de traitement sur une seule radiographie panoramique ;
- de n’avoir procédé à aucune étude prothétique pré-implantaire afin d’évaluer la zone d’émergence ;
- d’avoir programmé la pose d’implants maxillaires gauches alors que l’os était insuffisant dans cette zone ;
- de ne pas avoir su interpréter les clichés rétro alvéolaires qui objectivaient l’effraction des implants dans la fosse nasale, et ce d’autant que le patient se plaignait de douleurs à la palpation et de saignements au niveau de la narine droite ;
- de ne pas avoir informé son patient de l’effraction des fosses nasales lors de la consultation du dentascan.
Il conclut que ces manquements sont en lien de causalité direct et certain avec les préjudices du demandeur.
Maître de ses décisions thérapeutiques, le praticien doit faire preuve de prudence et informer son patient
L’affaire est portée devant le Tribunal judiciaire de Lyon, qui, par une décision du 3 septembre 2018, retient la responsabilité du praticien sur la base des conclusions du rapport d’expertise.
Les juges considèrent que le chirurgien-dentiste avait le choix de refuser de pratiquer cette intervention s’il estimait qu’elle était inadaptée ou dangereuse et précise que "Le propre d’un professionnel de santé est de rester maître de ses décisions thérapeutiques sans succomber à la pression de ses patients surtout si celles-ci leur ferait courir un risque".
Ils estiment par ailleurs qu’il a fait preuve de négligence dans la prise en charge de son patient en omettant d’effectuer certains actes qui auraient permis une meilleure appréhension de la situation et des douleurs.
Ils retiennent également un défaut d’information à son encontre dans la mesure où il aurait dû informer son patient de l’effraction des fosses nasales et envisager une prise en charge adaptée pour mettre fin aux conséquences et aux douleurs subies.
En conclusion
Le praticien voit donc sa responsabilité engagée pour avoir manqué à ses obligations de prudence et de diligence exigées par la pratique de son art et aux données acquises de la science.
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