Diagnostic et traitement
Un homme de 65 ans consulte un urologue pour une pollakiurie. Un bilan est réalisé, comportant une échographie et un uroscanner. Il met en évidence un épaississement de la paroi vésicale.
L’urologue programme donc une cytoscopie. À cet effet, un ECBU préopératoire et un ECBU de contrôle à faire réaliser 7 jours après le geste sont prescrits.
Trois jours après la cytoscopie, le patient présente des frissons et de la fièvre.
Il ne recontacte pas l’urologue et n’en parle pas non plus à son médecin traitant lorsqu’il le consulte pour des arthralgies et notamment pour une gonalgie gauche qui a déjà donné lieu à plusieurs consultations et à un avis orthopédique.
Il ne lui en parle pas davantage lorsqu’il le reconsulte quelques jours plus tard, cette fois pour des cervicalgies et des lombalgies. Le médecin généraliste prescrit cependant une radiographie rachis cervical montrant une cervicarthrose et des discopathies étagées.
À J7, l’ECBU prescrit par l’urologue est effectué : un E. coli est identifié. Le patient reconsulte son médecin généraliste qui lui prescrit alors de l’ofloxacine pour une durée de 5 jours.
Les jours suivants, les gonalgies du patient s’aggravent, amenant à la consultation successive de plusieurs praticiens. Il est notamment réalisé une IRM des genoux mettant en évidence, à gauche, un épanchement intra articulaire avec infiltration des tissus graisseux.
Un rhumatologue est alors consulté et ponctionne le genou, ponction qui ne ramène aucun germe.
Puis le patient va consulter un orthopédiste, qui récuse toute chirurgie.
Finalement, du fait de la persistance de la fièvre et de l’apparition d’une candidose, le patient est hospitalisé. Le bilan alors réalisé montre une arthrite septique du genou gauche ainsi qu’une spondylodiscite C5-C6. La biopsie cervicale réalisée retrouve un E. coli.
Au prix d’une antibiothérapie pendant 3 mois et du port d’un corset pendant 6 mois, l’évolution sera favorable, laissant finalement peu de séquelles au patient.
L'expertise : une faute pour antibiothérapie trop brève
Les experts qualifient la complication infectieuse survenue de nosocomiale, car faisant suite à la réalisation de la cytoscopie dont l’indication, comme les modalités, sont exemptes de critiques.
La spondylodiscite et l’arthrite du genou sont rattachées à la diffusion systémique de l’infection. Et la prise en charge de celle-ci en milieu hospitalier est qualifiée de conforme.
Par contre, comme attendu, les experts critiquent l’antibiothérapie prescrite par le médecin traitant du fait d’une durée insuffisante. En effet, si la durée de l’antibiothérapie dans le cas de la prostatite aiguë a toujours été source de discussion et a longtemps été envisagée comme devant être longue, de 4 à 6 semaines1, les dernières recommandations2,3 préconisent toujours une durée minimale de 14 jours en cas de traitement par fluoroquinolones et en cas de prostatite dite simple.
Les experts ajoutent cependant "qu’il leur est impossible d’affirmer qu’une antibiothérapie, même si elle avait été bien conduite, aurait pu limiter les lésions secondaires".
L'avis CCI : une mise en cause du médecin et une responsabilité de l'établissement
Sans surprise, la CCI prend note de la faute commise par le médecin. Mais, s’appuyant sur les conclusions expertales, elle estime que cette durée insuffisante n’explique pas la survenue de la spondylodiscite et de l’arthrite.
Le généraliste est donc mis hors de cause et l’intégralité des préjudices est mise à charge de l’établissement où a eu lieu la cytoscopie, au titre d’une infection nosocomiale (les préjudices résultants n’atteignaient pas les seuils de gravité requis pour être pris en charge à ce titre par la Solidarité Nationale).
Que retenir de cette affaire ?
Il est attendu du médecin généraliste, souvent consulté en première ligne en cas de prostatite :
- d’être à même d’évaluer la gravité de l’affection et les risques de complications ;
- de déterminer l’orientation à donner au malade4 (prise en charge en ambulatoire ou hospitalisation) ;
- de connaître évidemment le traitement comme la surveillance à adopter.
La possibilité de complications graves, infectieuses (septicémie) mais aussi urinaires (rétention aiguë) impose une réévaluation de l’état du malade.
Il convient aussi de l’informer de la nécessité de reconsulter sans tarder en cas de persistance de la fièvre, d’aggravation de l’état général et de tous signes inhabituels, la question d’une hospitalisation pouvant se poser à tout moment.