Biopsie prostatique : attention aux complications infectieuses
Le principe de la biopsie prostatique en est simple : après introduction par l’anus d’une sonde d’échographie équipée d’un système de visée, l’urologue traverse la paroi intestinale à l’aide d’une aiguille 18G pour réaliser les biopsies nécessaires.
C’est lors de cette "effraction" de la paroi que des germes de la flore fécale peuvent pénétrer dans la prostate et entraîner une infection du parenchyme, dont la gravité sera fonction de la virulence du germe et fonction de l’état des défenses locales et générales du patient.
La survenue d’une infection après biopsie de prostate est, avec la rétention urinaire, la complication la plus redoutée du geste.
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Le risque d’hospitalisation pour infection est évalué, suivant les séries, entre 0,6 et 4 % des cas, hospitalisation dont le coût moyen a été évalué aux États-Unis à 6.000 dollars…
Sujet d’autant plus préoccupant que l’incidence des complications infectieuses graves a pratiquement triplé ces dix dernières années, ce qui serait à mettre en parallèle avec l’augmentation croissante dans le même temps de la résistance aux fluoroquinolones d’E-Coli, germe retrouvé dans pratiquement 2/3 de ces infections.
Quelles sont les bonnes pratiques à suivre afin d'éviter les risques ?
Au vu de ces éléments, l’AFU (Association Française d’Urologie) a publié en 2011 des "Recommandations pour la bonne pratique des biopsies prostatiques" où il était souligné en premier lieu l’importance de rechercher préalablement à la biopsie des facteurs de risques infectieux comme suit :
"Il est recommandé d’éliminer, par un interrogatoire ciblé, une possible infection urinaire. Une bandelette urinaire peut être utilisée. En cas de symptôme clinique d’infection urinaire ou en cas d’impossibilité d’un interrogatoire ciblé, en cas de BU positive ou douteuse, en cas d’antécédent de prostatite dans les trois mois, un ECBU est recommandé (niveau de preuve 2)."
Pour autant, malgré ces recommandations, un certain nombre d’urologues continuaient de demander systématiquement un ECBU quelques jours avant le geste, soucieux de ne pas "passer à côté" d’une infection urinaire avant biopsie et inquiets de leur possible mise en cause en cas d’infection après biopsie.
Aujourd’hui, après plusieurs années de polémique, le problème est enfin résolu, l’AFU* recommandant :
"En dehors d’une situation clinique pouvant faire évoquer une infection urinaire masculine, devant par ailleurs faire préférer le report des biopsies, il n’est pas recommandé de réaliser un ECBU avant biopsies de la prostate par voie endo-rectale (avis d’experts)."
Quelles précautions l'urologue doit-il prendre pour éviter toute responsabilité ?
Au stade de l'information
Rappelons que si la loi ABOUT de mars 2002 a instauré un régime de responsabilité de plein droit des établissements de santé pour toute infection survenue au décours d’un acte postérieur au 5 septembre 2001, la responsabilité de tout praticien peut être également engagée dès lors que celui a failli à son devoir d’information ou manqué à son obligation de moyens lui imposant de donner "des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données actuelles de la science".
C’est pourquoi, en cas d’infection après biopsie de prostate, une fois le caractère nosocomial de l’infection reconnu, l’expert devra systématiquement rechercher si une information sur le risque infectieux a bien été délivrée au malade et si l’urologue peut en apporter la preuve (courriers, fiche d’information, consentement..).
Au stade de l'asepsie et de l'antibioprophylaxie
L’urologue devra ensuite prouver qu’il a pris toutes les précautions nécessaires, conformément aux recommandations actualisées de sa société savante pour diminuer ce risque infectieux en termes d’asepsie et d’antibioprophylaxie, étant à rappeler que l’AFU recommande une antibioprophylaxie systématique par Ofloxacine ou Ciprofloxacine donnée en une prise orale 1 à 2 heures avant la biopsie.
Au stade de la prise en charge de l'infection
Enfin, dans un troisième temps, l’expert déterminera si l’infection a été correctement prise en charge en termes de traitement comme de délais et, dans le cas contraire, quelles responsabilités peuvent être engagées :
- Celle de l’urologue qui n’aurait pas clairement expliqué la gravité potentielle d’une infection au décours de la biopsie et qu’une fièvre ou des frissons ne peuvent être rattachées à une "petite grippe" comme le racontent parfois les plaignants en expertise.
- Celle de l’urologue qui n’aurait pas expliqué à son patient la nécessité de le recontacter en urgence, n’aurait pas donné une fiche d’information telle que celle proposée par l’AFU ou qui n’aurait pas mis tout en œuvre au niveau de son secrétariat, de son service ou de celui des urgences pour que tout rappel du malade aboutisse à son hospitalisation sans délais.
- Celle du médecin traitant ou du médecin urgentiste qui n’aurait pas fait le lien entre la fièvre ou les frissons dont se plaignait le malade et la récente biopsie, ou qui en en aurait minimisé la gravité et décidé du maintien à domicile et d’une antibiothérapie non adaptée.
C’est alors que la conduite à tenir en pareil cas est parfaitement codifiée et sans ambiguïté : faire hospitaliser le patient en urgence pour surveillance et mise en route d’un traitement intraveineux.
Sur le plan médico-légal, la meilleure prévention repose certainement sur le respect des recommandations et sur l’information donnée au malade, avant comme après la biopsie, sur la conduite à tenir en cas de signes infectieux notamment...