Un décès dans les suites d’une rachianesthésie
Dans les suites immédiates de l’injection pour une rachianesthésie lors d'un accouchement par césarienne, une patiente de 31 ans présente de très graves troubles du rythme cardiaque qui entraînent son décès.
En consultation préanesthésique, elle avait été informée des risques liés à la péridurale, puisqu’un accouchement par voie basse était alors envisagé, mais pas des risques d'une rachianesthésie.
Le mari dépose une plainte devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil de l'Ordre des médecins.
En première instance : le défaut d’information est retenu
La chambre disciplinaire de première instance sanctionne l'anesthésiste d'une interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois, dont deux mois assortis du sursis. Elle estime que deux manquements déontologiques ont été commis :
- l’un aux articles R4127-35 et R4127-36 du Code de la santé publique (CSP), qui visent l'obligation d'information et le recueil du consentement éclairé du patient ;
- l’autre à l'article R4127-64 qui vise l'obligation d'information mutuelle entre médecins soignant un même malade.
En appel : pas de défaut d’information
Sur appel de l'anesthésiste, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre ramène la sanction à une interdiction d'exercer la médecine pendant un mois, dont quinze jours avec sursis, sur un fondement différent.
Elle écarte les griefs retenus en première instance pour ne retenir que le non-respect de l'article R4127-33 du Code de la santé publique, selon lequel le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire et en s'aidant des méthodes scientifiques les mieux adaptées.
Elle considère donc que le défaut d’information et de consentement n’est pas constitué.
Pour ce faire, la chambre disciplinaire nationale relève que la patiente a bien reçu une information, lors de la consultation préanesthésique, sur les risques de la péridurale puisqu’à ce moment-là, un accouchement par voie basse était envisagé. Mais les risques de la rachianesthésie, qui ne lui ont pas été exposés, sont exactement identiques à ceux de la péridurale.
Il est donc considéré que le praticien a bien satisfait à son devoir d'information.
L'anesthésiste comme le mari de la patiente forment un pourvoi devant le Conseil d'État.
Pour le Conseil d’État : l’information sur une seule des deux techniques ne suffit pas
Le Conseil d'État annule la décision de la chambre disciplinaire nationale.
Il considère qu'il incombait à l'anesthésiste d'informer la patiente et de recueillir son consentement sur la rachianesthésie pratiquée le jour de l'accouchement.
L'information reçue le jour de la consultation préanesthésique sur les risques de la péridurale n'était pas suffisante, et ce, même si les risques des deux techniques sont identiques.
Selon le Conseil d'État, la chambre disciplinaire nationale aurait dû rechercher si, pour exprimer son consentement à la césarienne et à la rachianesthésie, la patiente avait été informée :
- soit des risques qui s'attachaient spécifiquement à la rachianesthésie ;
- soit du fait que la rachianesthésie comportait les mêmes risques que ceux qui lui avaient été exposés sur l'anesthésie péridurale.
Que retenir de cette affaire ?
Même si, dans les faits, les risques de deux techniques sont rigoureusement identiques, le praticien ne peut considérer avoir satisfait à son obligation d'information s'il s'est cantonné à exposer les risques d'une seule d’entre elles.
En effet, pour consentir aux soins en toute connaissance de cause, les patients doivent être informés clairement, de manière appropriée et loyale, sur les risques de chaque technique qui leur est proposée.
Or, dans cette affaire, force est de constater que la patiente n’avait pas été informée des risques de la rachianesthésie : elle ne pouvait pas deviner qu’ils étaient identiques à ceux de la péridurale. Si le médecin pouvait se passer de les lui exposer dans le détail, ce n’était qu’à la condition de lui expliquer qu’il s’agissait des mêmes risques que ceux qu’il venait d’évoquer pour une autre technique.
Une telle solution est parfaitement conforme à l’esprit des textes régissant le devoir d’information.
On notera d'ailleurs que la chambre disciplinaire nationale, amenée à se prononcer à nouveau sur cette affaire après la cassation intervenue, a confirmé les sanctions infligées à l'anesthésiste par une décision du 4 décembre 2020.
Crédit photo : AMELIE-BENOIST / IMAGE POINT FR / BSIP