Une table d’examen qui bascule…
Une patiente de 70 ans consulte le remplaçant de son médecin traitant. À peine est-elle assise sur la table d’examen que celle-ci bascule. La patiente chute lourdement à terre et se fracture le radius distal gauche.
Elle restera hospitalisée quatre jours et conservera de légères séquelles fonctionnelles ainsi qu’un préjudice esthétique consistant en une cicatrice sur le poignet.
La patiente assigne le praticien, estimant que sa responsabilité est engagée en qualité de gardien de la table d’examen. Elle considère que le fait que la table ait basculé, en l’absence de tout geste particulier de sa part, implique de facto son caractère anormal.
Une chose inerte doit avoir un caractère anormal
Le tribunal de grande instance déboute la patiente de l’ensemble de ses demandes, par un jugement du 5 mai 2017.
Il rappelle que le texte applicable en pareille situation est l’article 1383 alinéa 1er du Code civil (devenu depuis le 1er octobre 2016, du fait d’une réforme du droit des contrats et du régime général des obligations, l’article 1242 du même code).
Ce texte énonce que l'on est responsable, non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.
Autrement dit, le gardien d’un objet peut être considéré comme responsable du dommage causé par ledit objet.
Mais, quand il s’agit d’une "chose inerte", c’est-à-dire un objet qui ne fait que subir l’action étrangère de la victime et n’a pas la capacité de se mouvoir lui-même, la jurisprudence impose une condition :
La chose inerte ne peut être considérée comme l’instrument du dommage que si la preuve de son anormalité est rapportée par la victime.
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Dans cette affaire, le tribunal considère que la table était en position normale, et que l’anormalité ne peut se déduire du seul fait qu’elle ait basculé. En particulier, il ne peut être conclu qu’elle était instable ou défectueuse.
Les demandes de la patiente sont donc rejetées.
Pas de responsabilité automatique… mais une vigilance obligatoire !
C’est donc une solution jurisprudentielle classique :
- La responsabilité du gardien d’une chose inerte n’est engagée que si la chose a joué un rôle actif.
- Ce rôle actif ne peut être présumé et la victime doit en rapporter la preuve.
- La chose inerte doit, soit ne pas être dans l’état auquel on pouvait légitimement s’attendre, soit se trouver dans une position anormale.
Mais si le seul fait qu’un patient chute ou se blesse dans le cabinet en raison d’un matériel quelconque (table d’examen, chaise, pèse-personne, marchepied, sol, etc.) n’entraîne pas automatiquement la responsabilité du praticien, celui-ci ne doit pas se dispenser de faire preuve de la plus grande vigilance.
En effet, le patient peut apporter la preuve de l’anormalité de la chose inerte par tous moyens.
Ce peut être le cas quand une chose est mal entretenue (chaise cassée en salle d’attente, par exemple) ou si elle présente un danger inhabituel (par exemple, un coin de tapis qui se soulève et dans lequel les patients se prennent les pieds).