Pour un patient "standard" : pas d’obligation renforcée de surveillance
S’il n’existe objectivement aucune raison de penser qu’un patient est particulièrement exposé au risque de chute, les juges vont souvent considérer que la responsabilité de l’établissement et/ou des professionnels de santé n’est pas retenue.
1er exemple
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, par un arrêt du 27 avril 2017, a débouté un patient de 79 ans de son action à l’encontre de la clinique où il avait été hospitalisé pour une résection d’une hypertrophie de la prostate et l’extraction d’un calcul vésical.
Après son retour en chambre, il était tombé en se levant de son lit, se fracturant le col du fémur.
La Cour a considéré que la surveillance avait été correcte, à des horaires réguliers, que le patient était capable d’utiliser la sonnette, et que rien ne laissait présager un risque accru de chute et n’imposait une surveillance renforcée.
2e exemple
Dans un arrêt du 10 septembre 2014, la Cour d’appel de Rennes a débouté une patiente qui, dans les suites d’une opération pour pose d’une prothèse de hanche, avait fait une chute de son lit à la suite d’un épisode de désorientation, s’occasionnant une fracture du scaphoïde carpien.
La Cour a considéré que l’état de confusion a été soudain, sans possibilité pour le personnel soignant de le prévoir. Comme le dit la Cour : "On ne peut entraver une personne qui va bien".
Patient hospitalisé : prudence en cas de fragilité particulière !
En fonction de circonstances particulières (pathologie, âge, antécédents, etc.), les magistrats peuvent considérer que la chute était évitable, en prenant certaines dispositions préventives.
3e exemple
Dans un arrêt du 2 juillet 2014, la Cour de cassation a confirmé la condamnation solidaire de la clinique et du médecin pour ne pas avoir mis en place des barrières de sécurité sur le lit d’un homme de 80 ans. Cet homme était tombé une première fois de son lit, peu de temps après son retour du bloc opératoire, puis une seconde fois le lendemain, chute qui lui sera cette fois fatale.
La Cour a considéré qu’ayant constaté une première chute la veille et la persistance de l’agitation du patient, des barrières de protection auraient dû être mises en place, soit spontanément, soit sur alerte du personnel infirmier. L’âge avancé du patient est également invoqué à l’appui de la décision.
4e exemple
La Cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 4 mai 2017, a retenu la responsabilité de la clinique au titre d’une perte d’une chance de ne pas faire de chute, évaluée à 50 %.
La patiente de 83 ans, lourdement handicapée, avait été admise à la clinique à la suite d’une fracture du fémur causée par une première chute à son domicile.
À nouveau victime de deux autres chutes dans sa chambre au cours de la même journée, elle décède des suites d’un hématome sous-dural.
La Cour a considéré que, face à cette patiente âgée, à l’état général altéré et dont la fracture initiale avait été occasionnée par une chute à son domicile, il était nécessaire de mettre en place des moyens adaptés au risque important identifié dès l’arrivée à la clinique.
Il aurait été nécessaire "de réévaluer le traitement au regard du degré de vigilance et de tonus musculaire de la patiente" et de "procéder, en relation avec elle, à une évaluation du degré de surveillance et des mesures de protection à mettre en place eu égard au traitement médicamenteux et aux paramètres de risque qui étaient identifiés, propres à éviter une chute, sans aller nécessairement jusqu’à la contention".
Prévenir les chutes : les barrières de lit, une solution imparfaite
Les barrières de lit
Les barrières de lit sont-elles une solution moins radicale que la contention, qui permettrait, dans tous les cas, de réduire le risque de chute ? Rien n’est moins sûr…
En effet, comme ont pu le relever certains experts médicaux, la mise en place de barrières peut permettre de réduire le risque de chute lors du sommeil, mais pas nécessairement lorsque le patient tente volontairement de sortir de son lit, par exemple en cas de désorientation.
Certains experts ont même pointé la dangerosité du dispositif lorsqu’il incite les patients à l’enjamber, provoquant ainsi une chute d’une plus grande hauteur.
La contention
La mesure la plus efficace reste la contention. Mais c’est une mesure attentatoire à la dignité du patient et à sa liberté, qui ne doit être envisagée que lorsqu’il existe un risque particulier imposant une surveillance renforcée.
Il est donc primordial de bien évaluer l’état de santé du patient et le risque de chute, afin de ne prescrire cette solution que dans les cas qui le justifient pleinement.