Une amputation évitable ?
Placée par ses deux nièces en résidence médicalisée pour personnes âgées, une femme de 82 ans voit son état de santé se dégrader progressivement avec l’apparition d’escarres sur les jambes.
Elle est finalement hospitalisée, cinq mois après l’apparition des escarres. Des ulcérations importantes au niveau de la cheville et une fracture du pilon tibial d’allure ancienne sont diagnostiquées.
La nièce de la résidente saisit l’ARS qui diligente une enquête sur les conditions de prise en charge de cette patiente au sein de l’établissement.
Le rapport met en évidence des dysfonctionnements majeurs dans l’organisation et la mise en œuvre de la chaîne médicale et sanitaire, que ce soit au niveau du médecin traitant, du médecin coordonnateur, des infirmiers et des aides-soignants.
La patiente est finalement amputée d’un tiers de la jambe gauche en raison d’un syndrome septique lié à ses escarres et décède quelques temps après d’une désaturation et d’un arrêt respiratoire.
La famille assigne l’établissement et le médecin traitant, estimant que la prise en charge collective de la patiente a été défaillante.
Mauvaise prise en charge d'escarres : une chaîne médicale défaillante
Concernant la prise en charge de cette résidente, l'expert de l'ARS indique dans son rapport :
La responsabilité du médecin traitant
"Devant l’évolution traînante de l’escarre dans un cadre polyartériel, un meilleur suivi était nécessaire et un avis spécialisé demandé plus tôt aurait permis une meilleure prise en charge. Des avis complémentaires simples et non invasifs auraient dû être prescrits".
- Le médecin traitant est donc resté passif face à la dégradation brutale de l’état de la patiente et la persistance de la douleur, pourtant constatée par une infirmière de l’EHPAD.
- Même en l’absence de verbalisation de la part de la patiente, la persistance des douleurs aurait dû alerter.
- L’absence de diagnostic de fracture, et donc de contention, ont favorisé la survenue des complications.
Les juges retiennent une responsabilité du médecin traitant.
La responsabilité de l'établissement
Le Tribunal retient également une faute de l'établissement pour :
- mauvaise tenue du dossier médical (absence de notion de chute ou de traumatisme) ;
- absence de trace du passage du médecin coordonnateur ;
- absence de trace d’information des familles sur le suivi médical.
Les juges rappellent, comme le précise le rapport de l’ARS, que :
"L’escarre de Mme X, son infection et sa gravité résultent bien d’un dysfonctionnement important dans l’organisation et la mise en œuvre des soins au sein de l’établissement".
La prise en charge collective de l’équipe soignante s’est avérée défaillante.
Le Tribunal partage la responsabilité à 50 % entre le médecin traitant et l’EHPAD.