Un positionnement délicat par rapport au médecin traitant
Le médecin coordonnateur d'EHPAD élabore le projet général de soins, et en coordonne la mise en œuvre au sein de l’EHPAD. Pour ce faire, il bénéficie d’une autorité fonctionnelle sur l’équipe soignante, majoritairement paramédicale, qui lui permet d’exercer son rôle d’encadrement et d’animation de l’équipe.
Le médecin coordonnateur n'intervient pas qu'auprès des professionnels de l'établissement
Il doit également coordonner l'intervention des médecins généralistes intervenant à titre libéral auprès des résidents, au sein de l'EHPAD.
Pour autant, il ne dispose à leur égard d’aucune autorité fonctionnelle. En effet, ces médecins sont des libéraux, dont l’indépendance professionnelle est garantie par l’article R.4127-5 du Code de la santé publique (CSP).
S’ils doivent adhérer au projet de l’établissement, ils conservent toutefois toute leur indépendance. Il est donc difficile pour le médecin coordonnateur de se positionner et de savoir "jusqu’où il peut aller" pour promouvoir, auprès des médecins traitants des résidents, l’adaptation des prescriptions aux impératifs gériatriques…
Ceux-ci doivent se coordonner avec l’équipe de l’établissement, dans le respect de leur indépendance professionnelle. C’est un équilibre difficile à trouver…
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Une coordination des prescriptions qui n’est ni un encadrement, ni un contrôle !
Le médecin coordonnateur est l’interlocuteur privilégié des médecins traitants des résidents au sein de l’EHPAD.
Pour faciliter cet exercice, un décret du 30 décembre 2010 a prévu des contrats-types, conclus entre médecins libéraux et EHPAD, pour préciser les rôles et missions de chacun.
Dans ces contrats est mentionnée l’idée selon laquelle le médecin coordonnateur d'EHPAD est chargé de l’encadrement des prescriptions médicales auprès des résidents, ce qui pourrait laisser penser qu’il dispose, en la matière, du droit de contrôler, voire d’encadrer, les prescriptions de ses confrères libéraux.
La loi n°2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, a modifié l’article L.313-12 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) pour préciser que le médecin coordonnateur "veille à la qualité de la prise en charge médicale des résidents".
Cette notion reste floue
Elle semble surtout s’entendre comme une coordination des pratiques au sein de la structure et une promotion des bonnes pratiques gériatriques.
Cet encadrement passe par deux voies :
- une politique cohérente du médicament,
- une lutte contre les iatrogénies médicamenteuses.
Une liste de médicaments à utiliser préférentiellement
Si les médecins libéraux intervenant dans l’établissement restent libres de leurs prescriptions, il appartient néanmoins au médecin coordonnateur de dresser, en collaboration avec eux, une liste des médicaments à utiliser de façon préférentielle dans les prescriptions destinées aux résidents de l’EHPAD.
Cela n’empêchera pas le médecin traitant qui le souhaite de prescrire des médicaments en dehors de cette liste ; mais au moins existera-t-il une sorte de référentiel commun, susceptible d’orienter la prescription et d’obtenir une certaine forme d’harmonisation pour tous les résidents.
Dans ce système, la liberté de prescription de médicaments est conservée, mais "guidée" pour obtenir une politique cohérente de prescription.
Un encouragement à la traçabilité dans le dossier du résident
Pour garantir la traçabilité des prescriptions, et ainsi prévenir les risques d’iatrogénie médicamenteuse, le médecin coordonnateur d'EHPAD doit veiller à ce que le dossier médical de chaque résident soit complété et renseigné par son médecin traitant, chaque fois qu’il prodigue des soins.
Même s’il s’agit d’une obligation pour le médecin traitant, elle n’est pas, en pratique, toujours respectée...
- par manque de temps
- ou par difficulté pour accéder aux dossiers médicaux des résidents.
Un lieu d’échanges : la commission de coordination gériatrique
La commission de coordination gériatrique, que préside le médecin coordonnateur, est un lieu d’échanges entre l’équipe soignante de l’EHPAD et les médecins intervenant dans l’établissement à titre libéral.
Il est discuté, en son sein, des bonnes pratiques gériatriques à mettre en place.
Malheureusement, il n’est pas toujours aisé de les organiser et de les faire fonctionner, pour des questions pratiques de disponibilité des praticiens. Le décret du 5 juillet 2019 ne prévoit d’ailleurs plus qu’un minimum d’une réunion annuelle, contre deux dans les textes précédents.
Le droit de prescription propre du médecin coordonnateur
Jusqu’à fin 2023, le médecin coordonnateur ne pouvait réaliser des prescriptions pour le résident que dans certaines situations limitativement prévues :
- situation d’urgence ;
- risque vital ;
- survenue d’un risque exceptionnel ou collectif nécessitant une organisation adaptée des soins, incluant la prescription de vaccins et d’antiviraux dans le cadre du suivi des épidémies de grippe saisonnière en établissement ;
- intervention pour tout acte, incluant l'acte de prescription médicamenteuse, lorsque le médecin traitant ou désigné par le patient ou son remplaçant n'est pas en mesure d'assurer une consultation par intervention dans l'établissement, conseil téléphonique ou téléprescription. Les médecins traitants des résidents concernés étaient alors, dans tous les cas, informés des prescriptions réalisées.
Depuis la loi du 27 décembre 2023, le médecin coordonnateur s’est vu reconnaître la possibilité d’assurer le suivi médical des résidents de l’EHPAD qui le souhaitent, et d’être ainsi désigné comme leur médecin traitant. Dans ce cadre, il peut évidemment réaliser les prescriptions nécessaires à la prise en charge.