Des symptômes sévères après une cueillette de champignons
L’arrivée de l’automne donne le coup d’envoi de la cueillette des champignons. Mais tous ne sont pas sont comestibles, comme l’amanite phalloïde, et peuvent conduire dans certains cas à des risques graves pour la santé : troubles digestifs sévères, complications rénales, atteintes du foie pouvant nécessiter une greffe, voire le décès.
Une femme fait une cueillette aux champignons dans la journée du 30 octobre. Son père, qui connaît les champignons, lui indique qu’il s’agit de rosés des prés comestibles. Ces champignons sont consommés vers 18 h 30 par sa fille, son conjoint et elle-même.
Vers minuit, elle présente une symptomatologie à type de vomissements, de diarrhées hydriques avec douleurs abdominales importantes. Sa fille commence à présenter la même symptomatologie vers 3 h du matin. Son conjoint ne présente aucun symptôme.
Devant la persistance des signes digestifs, ils contactent le 15, à 4 h 29, qui après interrogatoire ne juge pas nécessaire de procéder à un transfert médicalisé en milieu hospitalier, et organise une visite avec un médecin de garde.
Ce médecin arrive au domicile des patients à 5 h 01. Son compte rendu de consultation mentionne le diagnostic de gastro entérite, tout en indiquant que les vomissements et les diarrhées sont continus depuis 4 heures de temps, et que la patiente a mangé des champignons qu’elle a elle-même ramassés. Les constantes sont normales.
Le médecin prescrit un traitement symptomatique comprenant un anti émétique, un anti diarrhéique et un anti spasmodique après avoir fait une injection de Primperan®. Il quitte le domicile des patients à 5 h 39. Le conjoint de la patiente commence à présenter la même symptomatologie après son départ.
En début de matinée, la mère de la patiente se rend à la pharmacie pour récupérer le traitement prescrit. Le pharmacien lui conseille d’appeler le centre antipoison qui lui demande de se rendre aux urgences. Ne pouvant se déplacer du fait de la symptomatologie importante, ils appellent le 18 qui ne peut organiser de transfert médicalisé car il ne dispose pas d’ambulance. Il leur est conseillé de se rendre aux urgences par leurs propres moyens.
La fille de la patiente est admise aux urgences enfants et la patiente elle-même aux urgences adultes.
A l’entrée, elle est stable sur le plan hémodynamique. L’examen neurologique est sans particularité. Le bilan biologique montre une légère perturbation du bilan hépatique. Un avis est pris auprès du CAP. Devant un délai supérieur à 6 heures entre l’ingestion de champignons et les manifestations digestives, le risque d’un syndrome phalloïdien est évoqué, et une surveillance clinico-biologique en soins intensifs est préconisée, associée à l’initiation d’un traitement par N-acétylcystéine.
A J1, le bilan hépatique se dégrade. Le service de réanimation chirurgicale est contacté, autorisant le transfert. La patiente présente un tableau d’hépatite fulminante sur syndrome phalloïdien.
Malgré le peu de signes neurologiques et compte tenu de l’étiologie par intoxication aux champignons, l’indication d’une transplantation hépatique est posée.
Une expertise amiable contradictoire favorable au médecin
Les griefs vont être essentiellement dirigés à l’encontre du médecin et de la régulation du SAMU.
La patiente reproche au SAMU de ne pas avoir organisé immédiatement un transfert en milieu hospitalier. Elle reproche au médecin de garde d’avoir fait un mauvais diagnostic de gastro entérite et de ne pas avoir assez pris en compte la notion d’ingestion de champignons, alors pourtant qu’il avait pris le temps de regarder les champignons qu’il restait dans la poêle et d’e consulter Internet pour s’informer sur les "rosés des prés".
Elle invoque donc un retard de prise en charge et une perte de chance d’éviter la greffe.
La chronologie des faits sera détaillée au cours de l’expertise
L'expertise permettra de préciser que la symptomatologie est apparue environ 6 heures après l’ingestion des champignons. Le médecin de garde a vu la patiente à son domicile, après régulation du SAMU, environ 10 heures après l’ingestion. Son examen ne décrit aucun signe de gravité. Il n’y avait aucun critère d’hospitalisation.
De plus, la fille de la patiente, qui n’aurait pas mangé ces champignons mais aurait seulement "saucé", avait les mêmes symptômes, alors que le conjoint, qui lui en avait ingéré, ne présentait aucun signe au moment de la consultation.
A cette phase, le diagnostic était donc très difficile.
— L'expert
Par ailleurs, à l’entrée au centre hospitalier, le bilan hépatique était quasiment normal. La patiente a eu un suivi clinico-biologique et la mise en place de traitement par N-acetylcysteine et Légalon®, qui n’ont jamais prouvé leur efficacité dans un syndrome phalloïdien. Lorsque les perturbations du bilan hépatique se sont aggravées, la patiente a été immédiatement transférée sur un centre de transplantation.
L’expert a rappelé que les ingestions d’amanite phalloïde conduisaient dans 30 % des cas à la greffe ou au décès. Il a précisé que l’apparition de la diarrhée, moins de 8 heures après l’ingestion, ainsi que le sexe féminin étaient deux facteurs de risque de faire une hépatite fulminante...
Il ne retiendra aucun retard de prise en charge, car la surveillance initiale était indiquée et il n’y a aucun traitement à ce jour permettant de retarder l’évolution. Il n’y a donc aucune perte de chance.
Conseils de sécurité pour la consommation de champignons ramassés lors d’une cueillette, édictés par l’Anses
Face à cette situation qui se renouvelle chaque année, l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) recommande de :
- Séparer les champignons récoltés par espèce, car un champignon vénéneux peut contaminer les autres.
- Photographier la cueillette avant cuisson en séparant les espèces. Les photos seront utiles au toxicologue du Centre antipoison en cas d’intoxication pour décider du traitement adéquat.
- Ne JAMAIS consommer un champignon dont l'identification n'est pas CERTAINE. Il faut considérer que tout champignon inconnu est potentiellement toxique.
- Au moindre doute, s’adresser au pharmacien, qui étudie les champignons au cours de ses études et possède des ouvrages spécialisés.
- Tout champignon sauvage doit être bien, voire très cuit car certains d’entre eux, même comestibles, sont très indigestes.
- Ne jamais donner à manger les champignons cueillis à de jeunes enfants.
- Cueillir uniquement les spécimens en bon état et prélever la totalité du champignon.
- Ne pas cueillir près de sites pollués car les champignons concentrent les polluants.
- Ne pas consommer de champignon identifié au moyen d’une application de reconnaissance de champignons sur smartphone, en raison du risque élevé d’erreur.
- Ne pas consommer de champignons commercialisés par des non-professionnels, "à la sauvette".
- Se laver les mains après la récolte.
- Conserver les champignons à part et dans de bonnes conditions au réfrigérateur (maxi 4°C).
- Les consommer dans les deux jours au maximum après la cueillette.
- En cas d’intoxication ou de détresse vitale, appeler le 15 ou le 112.
A retenir
En somme, il faut toujours suspecter un syndrome phalloïdien devant un tableau d’intoxication alimentaire dans un contexte de consommation de champignons que l’on a soi-même cueillis.
En respectant les quelques conseils de l’Anses, les champignons peuvent être consommés en toute sécurité.