Rappels sur les effets biologiques des radiations
Ces radiations sont dites ionisantes car elles possèdent suffisamment d’énergie pour arracher un électron à un atome et le transformer en ion.
Les effets biologiques à l'échelle cellulaire
- Destruction de l’ADN par ionisation des atomes dans leur structure moléculaire, aboutissant à la mort cellulaire.
- Création de radicaux libres, en particulier d’ions possédant des électrons non appariés qui, prenant part à des réactions chimiques, endommagent l’ADN.
Il en résulte deux types d'effet à l’échelle tissulaire
- Les effets déterministes, survenant de façon certaine, pour des niveaux d’exposition élevés durant une période limitée, qui ne concernent pas l’imagerie diagnostique (altération de la formule sanguine, alopécie, cataracte, brûlures cutanées) ;
- Les effets stochastiques, aléatoires, pour des niveaux d’irradiation plus faibles, par accumulation de doses et résultant d’un échec du processus d’autoréparation cellulaire. Certaines modifications non létales de l’ADN se transmettant lors des divisions cellulaires ultérieures, des pathologies de type cancers ou leucémies peuvent apparaître des années après l’irradiation. C’est pourquoi il convient d’être vigilant quant à l’irradiation répétée des patients à des fins médicales.
Le terme "dose" recouvre plusieurs notions
- La dose absorbée "D", qui représente la quantité d’énergie divisée par la masse du tissu exposé. Elle s’exprime en joules/kg ou en Gray (Gy).
- La dose équivalente "H", exprimée en Sievert (Sv), qui prend en compte le type de rayonnement ionisant, tous les rayonnements n’ayant pas la même "nocivité" potentielle quant à la survenue d’effets stochastiques. Entre alors en ligne de compte un facteur de pondération radiologique Wr. Celui-ci est égal à 1 pour les rayons X, gamma et bêta et les positons, et à 20 pour les rayons alpha, les neutrons et les protons.
- La dose efficace "E", également exprimée en Sievert, tient compte de la radiosensibilité de chaque tissu à la cancérisation. Elle est la somme des doses équivalentes reçues par organe, multipliée par le facteur de pondération tissulaire de cet organe. Ces facteurs sont publiés par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR).
Les dispositions légales
La transposition de la directive 97/43 Euratom du Conseil de l’Union européenne du 30 juin 1997 a rendu obligatoires :
- la maintenance et le contrôle de qualité des installations ;
- l’obtention d’une "qualification en radioprotection des patients" pour tous les radiologues, effective depuis 2009 (article L.1333-11 du code de santé publique (CSP)) et devant être renouvelée tous les dix ans (arrêté du 18 mai 2004) ;
- la comparaison des doses délivrées pour chaque type d’examen aux niveaux de référence diagnostiques (NRD) prévus à l’article R.1333-68 du CSP (arrêté du 24/10/2011 paru au JO du 14/01/2012) ;
- la mention des doses délivrées pour chaque examen sur le compte-rendu, obligatoire depuis l’arrêté de septembre 2006 et dont l’absence peut engager la responsabilité du praticien.
Pour les actes de radiologie conventionnelle, on emploie soit la dose d’entrée (en mGy) calculée, soit le produit dose x surface (PDS) exprimé en Gy.cm2 mesuré à la sortie du tube à rayons X. Pour le scanner sont indiqués l’index de dose scannographique (IDS) – en anglais CTDI (computed tomography dose index) – et le produit dose x longueur (PDL).
Le CTDI est l’index d’exposition quantifiant la dose délivrée pour une coupe. Il dépend de la tension (kilovoltage) et de la charge (milliampère seconde) du tube. Pour les acquisitions en mode hélicoïdal, on doit, en outre, prendre en compte le pas d’hélice ou "pitch". Les appareils indiquent alors le CTDI volumique exprimé en mGy qui correspond au CTDI divisé par le pas d’hélice. Le PDL, exprimé en mGy.cm, correspond au CTDI multiplié par la longueur explorée et indique la dose totale reçue pour une acquisition. Ces grandeurs sont affichées automatiquement à la console en fonction des constantes d’acquisition choisies.
Reste ensuite à déterminer la dose efficace, grandeur permettant de comparer l’exposition aux niveaux de référence diagnostiques, en appliquant un facteur de conversion variable en fonction de la région anatomique explorée. En utilisant les coefficients établis par la CIPR, on peut estimer cette dose efficace en divisant le PDL par 500 pour la tête, 65 pour la cavité abdomino-pelvienne, 60 pour le thorax chez l’homme, 50 pour le thorax chez la femme.
Des guides pour aider les professionnels
Selon le rapport conjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Institut de veille sanitaire (IVS) sur l’exposition de la population française aux rayonnements ionisants, publié en 2002, l’irradiation diagnostique se situe, en France, aux alentours de 1mSv par an et par habitant, quand l’exposition annuelle moyenne d’origine naturelle, liée à l’inhalation de radon, aux rayons cosmiques et aux expositions d’origine tellurique est de 2,5 mSv, et parfois plus dans certaines régions (1) et qu’un vol Paris-Tokyo expose à une dose de 0,13 mSv (2).
Le scanner représente à lui seul près de 50 % de l’irradiation due à l’imagerie médicale (médecine nucléaire incluse). Un scanner cérébral équivaut à 40 radiographies du thorax et à 300 jours d’irradiation naturelle. Ces chiffres doivent être multipliés par 3 pour un scanner du thorax et par 5 pour un scanner abdomino-pelvien (source : site IRSN).
La prescription et la réalisation des explorations utilisant les rayonnements ionisants doivent obligatoirement répondre aux principes fondamentaux de justification et d’optimisation du code de santé publique :
- "Toute exposition d’une personne à des rayonnements ionisants dans un but diagnostique […] doit faire l’objet d’une analyse préalable permettant de s’assurer que cette exposition présente un avantage médical direct suffisant au regard du risque qu’elle peut présenter et qu’aucune autre technique d’efficacité comparable comportant de moindres risques ou dépourvue de tels risques n’est disponible" (article R.1333-56 du CSP) .
- L’utilisation préférentielle des techniques non irradiantes de type échographie, Doppler ou IRM.
Afin d’aider les prescripteurs généralistes ou spécialistes, les sociétés françaises de radiologie (SFR) et de médecine nucléaire (SFBMN) ont édité un "Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale", disponible sur le site de la SFR, qui propose des recommandations en fonction de la situation clinique ou du diagnostic suspecté.
Toutefois, les praticiens restent entièrement responsables de la justification des actes prescrits ou réalisés, la responsabilité du choix final de la technique incombant au médecin réalisateur de l’acte, même en cas de désaccord avec le praticien demandeur (article R.1333-57 du CSP).
D’autres guides, également disponibles sur ce site ("Guide pratique d’imagerie diagnostique", "Les procédures radiologiques : critères de qualité et d’optimisation des doses"), sont une aide à la réalisation des actes d’imagerie et au choix des paramètres influençant la dose délivrée au patient.
Professionnels de santé et industriels, tous acteurs de l’optimisation des doses
L’optimisation des paramètres d’acquisition permet de diminuer l’irradiation du patient sans compromettre la fiabilité diagnostique de l’examen.
Le rôle des manipulateurs radio à cet égard est fondamental :
- interrogatoire systématique du patient avant l’examen afin de rechercher une éventuelle contre-indication ;
- positionnement correct du patient, qui influe sur la dose reçue (exemple : lors d’une exploration crânio-cérébrale, la dose délivrée au cristallin varie de 1à 10 en fonction de la flexion de la tête du patient ;
- choix des paramètres d’acquisition (KV et mAs) et recours éventuel à des protocoles "low dose" en fonction de l’indication de l’examen, en accord avec le radiologue ;
- mise en place éventuelle d’une protection plombée abdominale.
En supprimant presque totalement la contrainte liée au temps d’acquisition, la technologie hélicoïdale a rendu possible l’obtention de séries d’images multiples.
Le radiologue doit donc limiter les séries au strict nécessaire, dès lors que l’information utile au diagnostic est obtenue. Les industriels ont cherché à développer des systèmes permettant la réduction de doses en scanner : modulation automatique du courant du tube suivant le profil du patient, filtres de réduction de bruit, protocoles faibles doses, adjonction de bouclier pour le mode hélicoïdal, interruption de l’émission de rayons X pour épargner certains organes…
Les progrès considérables de l’informatique autorisent de nouvelles modalités de traitement des données que génère le scanner :
- Les acquisitions volumiques et le développement des consoles de traitement d’images fournissent des reconstructions multiplanaires.
- Les algorithmes de reconstruction itérative permettent désormais de diminuer le "bruit" sans altérer la résolution spatiale d’où la possibilité d’étendre l’utilisation des protocoles "low dose".
- L’archivage des examens et la télétransmission évitent, dans certains cas, la répétition inutile des examens.
- Actuellement, la tendance est marquée, pour les scanners, par le recours à des protocoles moins irradiants (Low dose) avec un post traitement des images par intelligence artificielle. Cette technique permet de débruiter l’image afin d’en améliorer la qualité, tout en diminuant l’irradiation du patient.
Quels risques ?
Diverses publications ont fait état d’un accroissement du nombre de cancers, qui serait imputable au scanner. En appliquant la relation linéaire sans seuil, à partir de doses moyennes sur un large échantillon de la population, elles créent en fait une confusion dans l’évaluation statistique du véritable risque. Il s’avère en effet que l’essentiel de la dose est distribué sous forme d’explorations répétées, à une population ciblée, assez âgée et souffrant de pathologies lourdes (3).
En 1990, la CIPR a estimé à 5 % par Sievert (Sv) le risque additionnel de mortalité par cancer. Un scanner délivrant 10 mSv, la surmortalité par cancer serait de 0,05 %. Dans les pays occidentaux, le risque de mortalité par cancer passerait, avec la réalisation d’un scanner, de 25 % à 25,05 %, équivalent de 450 jours d’exposition à la pollution pour une personne vivant dans le centre de Londres ou 540 jours d’exposition au tabagisme passif (4).
La rigueur s’impose cependant pour limiter au maximum l’exposition des patients, en particulier les enfants et les jeunes adultes, plus sensibles aux radiations ionisantes (5).
Au patient inquiet quant aux prétendus méfaits du scanner, il faut rappeler que cet examen n’est jamais prescrit à la légère mais que son apport est tel, dans nombre de pathologies, qu’il est souvent indispensable. Les techniques non irradiantes, à rendement diagnostique comparable, seront toujours préférées.
Si le scanner s’avère néanmoins justifié, il sera réalisé de façon à réduire au maximum l’irradiation tout en conservant le bénéfice diagnostique, les acteurs de l’imagerie médicale étant parfaitement conscients des risques et responsables de la radioprotection de leurs patients.
Références
(1) Billion S and al. : French population exposure to radon, terrestrial gamma and comics rays. Radiat.Protect. Dosimetry 2005 ; 113: 314-20
(2) Bottolier-Depois JF and al : Exposure of aircraft crew to cosmique radiation: onboard intercomparison of varions dosemeters. Radiat.Protect. Dosimetry 2004 ; 110: 411-5
(3) Cordoliani YS. : les enjeux de la radioprotection en imagerie médicale. J.Radiol 2010 ; 91: 1184-5
(4) Smith JT : Are passive smoking, air pollution and obesity a greater motality risk than major radiation incidents. BMC Public Health 2007 apr 3; 7-49
(5) Brenner DJ and al : Computer tomography an increasing source of radiation exposure. N Engl J Med. 2007 nov 29; 357 (22) 2277-84).