Annonce tardive et brutale du décès à la famille
Un homme de 83 ans est admis aux urgences d’un centre hospitalier en fin de soirée, pour des difficultés respiratoires. Son décès est constaté par une infirmière le lendemain matin, à 7 h 45.
Les proches ne sont pas avertis, et c’est en rendant visite à son père, en début d’après-midi, que le fils du patient est informé du décès par une infirmière. A l’arrivée du fils, le corps a déjà été transporté à la morgue.
Les ayants droit du patient reprochent au centre hospitalier des défaillances dans la prise en charge et dans l’annonce du décès à la famille. Ils estiment notamment que le manque d’empathie du personnel et le retard pris pour annoncer le décès leur ont causé un préjudice.
Ils saisissent le tribunal administratif, qui rejette leur demande. Cette décision est confirmée par la cour administrative d’appel. Il est considéré par les juges que s’il est exact que les conditions de l’annonce du décès sont contestables, elles n’ont pas, pour autant, causé un préjudice direct à la famille, distinct de leur préjudice d’affection.
Un pourvoi est formé à l’encontre de l’arrêt confirmatif, devant le Conseil d’État.
Une souffrance morale distincte du préjudice d’affection
Le Conseil d’Etat annule la décision de la cour administrative d’appel, par un arrêt du 12 mars 2019.
Les juges considèrent en effet que l’épouse du patient et ses deux fils ont "nécessairement éprouvé, du fait du manque d’empathie de l’établissement et du caractère tardif de cette annonce, une souffrance morale distincte de leur préjudice d’affection".
Cette souffrance morale est indemnisée par une somme de 3 000 €.
Une extension des postes de préjudice ?
Pour indemniser un préjudice corporel, les juges se fondent principalement sur la nomenclature dite "Dintilhac"1, qui opère une classification entre les postes de préjudice patrimoniaux et extrapatrimoniaux.
Depuis 2006, date à laquelle les juges ont recours à cette nomenclature, on a assisté à une extension progressive des postes de préjudice indemnisables.
Il a ainsi été retenu un préjudice d’impréparation en cas de défaut d’information, ou encore un préjudice d’angoisse de mort imminente dans certaines situations.
Cette affaire illustre ce pouvoir créateur du juge, qui décide ici d’indemniser la souffrance morale des ayants droit, mais en la distinguant clairement du préjudice d’affection mentionné dans la nomenclature Dintilhac.
Modalités d’annonce d’un décès à la famille
Dans cette affaire, il paraît évident que le décès a été annoncé à la famille de manière maladroite. Le fils du patient n’a été averti qu’une fois arrivé à l’hôpital pour rendre visite à son père, pensant le trouver dans sa chambre ; du fait de cette absence d’annonce, le corps avait déjà été emmené à la morgue, ajoutant encore au choc du décès. Enfin, l’annonce a été faite par une infirmière, qui n’était pas en mesure de répondre aux éventuelles questions de la famille.
Que retenir de cette affaire ?
Il n’existe pas de texte encadrant précisément l’annonce d’un décès à la famille à l’hôpital. Mais il est évidemment de bonne pratique de ne pas tarder à prévenir la famille et de faire preuve, dans un moment aussi délicat, de tout le tact et toute l’empathie nécessaires.
Dans le cas contraire, la responsabilité de l’établissement peut se trouver engagée, comme l’illustre bien cette affaire.