Attention : la mesure de tutelle ne se devine pas toujours !
Un chirurgien-dentiste reçoit un nouveau patient qui consulte pour la réhabilitation de son secteur mandibulaire 3.
Au cours de la première entrevue, les antécédents médicaux du patient sont rapidement passés en revue. Aucune question d’ordre administratif n’est posée, autre que les coordonnées du patient.
Il est constaté l’absence de la dent 36 et deux dents adjacentes dévitalisées. Le praticien décide de réaliser un bridge 35-37 avec 36 en inter de bridge.
Une information complète est donnée et un schéma est réalisé pour que le patient comprenne les tenants et aboutissants du soin envisagé. Les alternatives à ce soin sont présentées.
Un devis est soumis au patient, conformément aux recommandations professionnelles. Le patient le signe le jour-même et les travaux préparatoires débutent.
Un acompte est payé au début des soins, avec un solde à régler des 75 % du devis à la fin du traitement.
Le jour où le règlement est prévu, le patient vient accompagné d’une personne se présentant comme son tuteur. Celui-ci refuse le règlement des honoraires pour le travail effectivement accompli, arguant d’un défaut de consentement.
En effet, le patient avait omis de préciser au praticien qu’il faisait l’objet d’une mesure de tutelle.
S’agissant d’un patient majeur ne présentant aucun handicap visible, le chirurgien-dentiste ne s’est pas interrogé sur sa capacité juridique. Or cette mesure de tutelle fait effectivement totalement obstacle à la signature du devis par le patient lui-même.
Le praticien aurait-il pu éviter cette situation ? Le consentement aux soins a-t-il été effectivement vicié ?
Les précautions à prendre
Si le patient ne vous informe pas spontanément de la mesure de protection
Il peut être difficile lors d’une première consultation de savoir que votre patient est soumis à une mesure de tutelle.
Cependant, cette consultation, et plus particulièrement le premier interrogatoire médical et administratif, peut vous permettre de mieux connaître votre patient et d’obtenir des informations importantes : âge, antécédents médicaux, emploi occupé, situation familiale…
En cas de doute sur la situation d’un patient, vous pouvez joindre son médecin traitant ou éventuellement sa famille, tout en prenant soin de respecter votre obligation de secret médical.
Il peut également être envisagé de repousser le début des soins ou de ne pas les réaliser si vous ne parvenez pas à avoir d’information de la part du patient ou de ses proches.
Si le patient vous informe de la mesure de protection
Si le patient vous informe de l’existence d’une mesure de protection, il est important de noter que chacune d’elles est différente.
Elle peut consister en :
- une simple sauvegarde de justice (qui n’empêche pas le patient de consentir aux soins) ;
- une curatelle, mesure intermédiaire ;
- ou enfin une tutelle, mesure la plus contraignante.
La mesure, révisable à tout moment, peut ne porter que sur certains actes administratifs ou sur l’ensemble de ceux-ci.
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Vous pouvez interroger le curateur ou le tuteur pour connaître l’étendue de sa mission. Le patient peut également vous remettre une copie du jugement rendu.
Qu'en est-il de l'information et du consentement ?
Comme tout citoyen, le majeur protégé bénéficie d’un droit complet à l'information sur son état de santé ainsi que sur les traitements envisagés (article L1111-2 du Code de la santé publique).
Vous devez toujours prêter attention au niveau de compréhension de votre patient, d’autant plus quand il s’agit d’un majeur protégé, et vous assurer que les informations ont été comprises.
Si le majeur protégé est en totale incapacité de comprendre l’information donnée, il convient de s’assurer que le tuteur l’a comprise.
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Vous ne pouvez vous dispenser de votre obligation d’information auprès de votre patient sous prétexte que l’information a déjà été délivrée au tuteur ou au curateur (article 457-1 du Code civil).
En pratique
Vous n’aurez pas besoin de demander un consentement écrit du curateur ou du tuteur pour la pose d’un implant, mais seulement du patient s’il est apte à comprendre les enjeux du soin.
En revanche, en cas de pose d’implants multiples, de chirurgie de comblement lourde ou d’intervention sous anesthésie générale, vous aurez besoin de cette signature.
Cependant, votre obligation de faire signer un devis avant la plupart de vos travaux et le fait que seul le tuteur puisse signer les devis et régler vos honoraires l’inclut de facto dans la prise de décision, même pour les actes les moins invasifs.
Crédit photo : AJ PHOTO / BSIP