Quelles sont les différentes mesures de protection judiciaire ?
Outre l’habilitation familiale, trois types de mesures de protection judiciaire permettent de protéger les majeurs :
- La sauvegarde de justice, mesure provisoire dans laquelle la personne conserve la majorité de ses droits bien que des mesures de protection puissent être prises.
- La curatelle, mesure intermédiaire qui permet d'assister ou de représenter une personne dans la gestion de ses affaires, tout en lui laissant une certaine autonomie. Le curateur fait "avec" la personne.
- La tutelle, mesure la plus contraignante, de représentation. Le tuteur "fait à la place de".
Les textes font désormais le distingo entre une mesure de protection juridique "avec représentation relative à la personne" et une mesure de protection juridique "avec assistance à la personne".
Au moment de la mise en place de la mesure de protection, le juge peut prévoir une représentation pour tous les actes, certains actes ou encore une série d’actes spécifiques visés dans sa décision.
La mesure mise en place est révisable à tout moment.
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Conseil
Il peut être particulièrement difficile pour vous de connaitre le contenu de la mesure de protection de votre patient.
En cas de doute et notamment pour un acte invasif non urgent, il convient d’échanger avec le curateur ou le tuteur avant de démarrer les soins.
L’information du majeur protégé
Comme tout citoyen, les majeurs protégés bénéficient d’un droit complet à l'information sur leur état de santé ainsi que sur les traitements envisagés (article L111-2 du Code de la santé publique).
Cependant, compte tenu de leur vulnérabilité et de leurs éventuelles difficultés cognitives, la loi prévoit certains aménagements.
L’accès à ses données de santé
L'accès au dossier médical d'un majeur protégé est un droit fondamental :
- La personne protégée peut demander elle-même l’accès à son dossier que vous ne pouvez lui refuser.
- Il peut être accompagné par la personne en charge de sa protection si nécessaire.
- Son tuteur peut demander cet accès à sa place.
En revanche, l’article L1111-7 du Code de la santé publique prévoit que vous pouvez refuser l'accès à certaines informations du dossier si vous estimez qu’elles pourraient nuire à la santé du patient.
L’information sur les soins à venir
Selon l’article L1111-2 du Code de la santé publique, le majeur protégé doit avoir accès aux informations "sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information est également délivrée à la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. Elle peut être délivrée à la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec assistance à la personne si le majeur protégé y consent expressément".
Conseil
Vous devez toujours être vigilant au niveau de compréhension de votre patient, d’autant plus quand il s’agit d’un majeur protégé, et vous assurer que les informations ont été comprises dans la mesure du possible.
Si le majeur protégé est en totale incapacité de comprendre l’information donnée, il convient de s’assurer que le tuteur l’a comprise.
Vous ne pouvez vous dispenser de votre obligation d’information auprès de votre patient sous prétexte que l’information a déjà été délivrée au tuteur ou au curateur (article 457-1 du Code civil).
Le consentement aux soins du majeur protégé
La personne protégée prend en principe seule les décisions qui la concernent sur un plan médical.
Le consentement du majeur protégé doit toujours être recherché même si la personne est sous une mesure de protection renforcée. S’il n’est pas en mesure de consentir, son avis doit tout de même être demandé.
Sous le régime de la sauvegarde de justice, le droit commun s'applique comme pour tout patient n'ayant pas de protection juridique puisque le majeur est en principe en capacité de consentir à un acte.
Dans l'impossibilité ponctuelle d'obtenir son consentement à une intervention médicale (par exemple, s’il est dans le coma), il vous appartient de prendre les décisions adaptées, si besoin en concertation avec la personne de confiance et/ou la famille.
S’il est apte, le majeur protégé participe à la prise de décision, assisté par la personne en charge de la mesure de protection qui s’assure qu’il comprend les enjeux de ses choix. Cette personne n’agit alors qu’en tant que conseiller et ne peut pas prendre la décision à sa place.
S’il n’est pas en état de consentir, son accompagnant prend une part plus active dans les décisions médicales. L’avis du majeur protégé doit cependant toujours être demandé, sauf incapacité manifeste, et respecté dans la mesure du possible.
Pour les actes médicaux les plus graves : intervention chirurgicale, traitements invasifs
La loi exige le consentement écrit du tuteur. Ce dernier doit prendre sa décision en s’appuyant sur les recommandations du médecin et en tenant compte des souhaits de la personne protégée, si celle-ci peut les exprimer.
Quelle que soit la situation, si la personne protégée a désigné une personne de confiance ou déposé des directives anticipées, il doit en être tenu compte même si la décision finale est prise par le tuteur.
Pour les actes portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle du patient (stérilisation ou IVG par exemple)
Si le pronostic vital n’est pas en jeu, l’avis du tuteur peut ne pas être suffisant.
En effet, la définition de ces actes "portant gravement atteinte" pouvant être floue, la saisine du juge peut être une sécurité à envisager, d’autant plus qu’il n’y a a priori pas d’urgence à ce que vous interveniez médicalement.
Sur le cas plus particulier de la stérilisation, le juge se prononcera obligatoirement sur la mesure qui doit tenir compte de la situation particulière du majeur. Il doit exister une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement.
Le juge recueillera l'avis d'un comité d'experts composé de personnes qualifiées sur le plan médical et de représentants d'associations de personnes handicapées.
Le refus de la personne protégée, apte à exprimer son avis, fait obstacle à la mesure.
Pour le don d‘organes
Aucun prélèvement d'organes, en vue d'un don, ne peut avoir lieu sur une personne vivante majeure faisant l'objet d'une mesure de protection légale (article L1231-2).
Que faire en cas de refus de soins par le majeur protégé ?
Selon le Code de la santé publique, un patient a toujours le droit de refuser un traitement, même si cela peut mettre sa santé en danger. Toutefois, comme pour les majeurs non protégés, ce droit peut être limité et plus particulièrement, pour les majeurs protégés, en fonction de leur degré d'incapacité.
- Si le refus du patient n’engage pas le pronostic vital et que vous estimez qu’il a les facultés cognitives suffisantes pour comprendre la situation : vous ne pouvez aller contre le refus du patient et l’accord du tuteur ne sera pas suffisant pour que vous délivriez les soins.
Votre rôle en tant que praticien sera de veiller à la totale compréhension des conséquences de ce refus sur sa santé.
- Si le pronostic vital de votre patient est engagé et nécessite une prise en charge immédiate, comme pour les majeurs non protégés ou les mineurs, il conviendra que vous interveniez sans délai. L’acte envisagé devra être indispensable et proportionné à la situation clinique du patient.
La qualité de discernement du patient et l’avis du tuteur ne seront pas pris en compte car la notion d’urgence vitale prévaut (article L.1111-4 du CSP).
Que faire en cas de désaccord entre le majeur protégé et son représentant ?
Il peut arriver que le tuteur et le personnel médical aient des avis divergents sur les soins à apporter.
Le tuteur peut demander un second avis médical ou solliciter un conseil de famille pour obtenir une décision collégiale.
En cas de désaccord profond, une saisine du juge du contentieux de la protection est possible pour arbitrer la décision en fonction des meilleurs intérêts du majeur protégé (article 459 du Code civil).
Le juge pourra par exemple ordonner une expertise médicale ou psychologique pour évaluer la capacité de la personne protégée à exprimer ses souhaits et à comprendre les conséquences de ses décisions.
En conclusion
Le rôle des professionnels de la santé, des tuteurs ou curateurs, et du juge est essentiel pour naviguer dans ces situations complexes.
Chaque cas est unique, et les décisions doivent être prises en tenant compte de la situation spécifique de la personne protégée, de son intérêt supérieur et en respectant son autonomie chaque fois que cela est possible.