Une erreur d'implant
Une patiente de 88 ans, amblyope sur hypermétropie forte, est suivie pour cataracte et hypertonie oculaire bien contrôlée sous bithérapie locale. Elle se plaint de baisse visuelle du bon œil.
L’œil droit ne voit plus que 4/10 tandis que le gauche reste à 1/10.
Il est décidé d’opérer après informations orales, écrites et recueil d’un consentement à l’opération. Une biométrie est réalisée, avec choix d’un implant emmétropisant de loin, soit 22 dioptries à droite et 30 dioptries à gauche.
La chirurgie des deux yeux se déroule sans complication peropératoire, mais la patiente est insatisfaite.
Le chirurgien se rend compte qu’il a posé la même puissance d’implant (30 dioptries) sur les deux yeux, le bon œil se retrouvant myope de -5 dioptries pour un œil amblyope emmétrope.
Aucune correction optique ne satisfait la patiente. Les lunettes sont inconfortables, les lentilles ne sont pas tolérées malgré une acuité visuelle corrigée à 8/10 et la chirurgie réfractive est refusée par la patiente.
Un expert bien embarrassé
Une procédure CCI est initiée par la patiente.
L’Expert est confronté à la difficile évaluation du Déficit Fonctionnel Permanent puisque, corrigée, la patiente voit 8/10 de l’œil porteur de l’implant erroné mais cette correction n’est pas supportée. Le dommage consiste en un défaut de neuro adaptation, la patiente hypermétrope depuis 80 ans devenant subitement myope.
Au final, l’expert conclut que la patiente supporte au maximum une myopie du bon œil de -2.50 et l’évaluation du déficit fonctionnel retenu est la différence entre :
- l’acuité visuelle espérée (œil droit emmétrope de loin à 8/10 sans correction pour 1/10 à gauche soit 30 % de déficit selon le barème droit commun du concours médical) ;
- et l’acuité visuelle tolérée (5/10 à droite avec myopie corrigée de 2.5 dioptries avec toujours 1/10 à gauche soit 20 % de déficit).
Le taux de déficit Fonctionnel Permanent retenu, imputable à l’erreur d’implant, est donc finalement de 10 % alors qu’il aurait été nul si le calcul habituel, tenant compte de l’état antérieur, avait été fait : le bon œil voyait 4/10 en préopératoire et 5/10 en postopératoire avec la correction de myopie supportée.
La CCI a confirmé la juste évaluation du dommage permettant une proposition transactionnelle dans ce dossier fautif.
En conclusion
Une acuité visuelle corrigée normale avec forte correction justifie d’un Déficit Fonctionnel évalué entre la correction optique supportée et la correction optique nécessaire. Ceci rejoint l’adage comme quoi la meilleure correction optique supportée par le patient n’est pas toujours celle permettant d’obtenir un 10/10.