Une regrettable "erreur d'aiguillage"
Une jeune femme de 24 ans est hospitalisée dans un établissement de soins privé pour une crise anxio-dépressive.
A l’issue de l’hospitalisation, elle demande communication de son dossier médical. Mais à la suite d’une regrettable erreur du secrétariat de l’établissement, l’entier dossier, comprenant le compte rendu d’hospitalisation, est envoyé aux parents de la jeune fille.
Or, ce compte rendu, signé du médecin psychiatre, détaille longuement le comportement "étonnant" des parents lors de l’hospitalisation de leur fille et se livre à une analyse psychiatrique du père, qualifié de "personnalité faible et perverse"…
Les parents déposent une plainte ordinale à l’encontre du médecin.
La chambre disciplinaire de première instance condamne le praticien à un blâme, sur des fondements surprenants : rédaction d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance, alors que le document incriminé est un compte rendu d’hospitalisation, et manque de soin dans l’établissement d’un diagnostic, alors que s’agissant de tiers non pris en charge par le médecin, il ne s’agissait pas d’un diagnostic.
Le psychiatre saisit en appel la chambre disciplinaire nationale.
Celle-ci lui inflige finalement un avertissement, cette fois pour avoir méconnu les règles d’établissement du compte rendu d’hospitalisation : ce document, qui est destiné à être transmis au patient ou à ses ayants droit, ne peut comporter aucune information concernant des tiers, ou recueillies auprès de tels tiers.
Oui aux informations concernant des tiers... mais pas n'importe où dans le dossier médical !
Le fait que le médecin ait porté dans le dossier une appréciation personnelle sur des tiers à la relation de soins n’est pas, en soi, critiqué par la chambre disciplinaire nationale. De façon générale, mais surtout en psychiatrie, les tiers (proches, famille, etc.) peuvent éclairer le praticien dans sa démarche diagnostique et/ou thérapeutique.
En l’espèce, il pouvait être utile pour le psychiatre de mentionner au dossier le comportement particulier des parents pendant l’hospitalisation, dès lors que ce comportement a pu avoir une influence sur la pathologie de la patiente, ou expliquer certaines de ses réactions.
Mais le médecin doit être vigilant quant au support utilisé pour consigner ces informations au dossier médical.
En effet, l’article L. 1111-7 du code de la santé publique (CSP), qui autorise l’accès direct du patient à son dossier médical, exclut certaines informations de cette transmission : celles mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique, ou celles concernant de tels tiers.
Le médecin doit donc veiller à ne pas mentionner des informations non transmissibles sur des documents qui, par leur nature même, font partie de ceux qui doivent être transmis au patient qui demande communication de son dossier.
Or dans cette affaire, la patiente avait été hospitalisée, de sorte que l’article R. 1112-2 CSP, qui définit le contenu du dossier hospitalier, était applicable. Parmi les pièces qui y sont visées, figure le compte rendu d’hospitalisation.
C’est pourquoi la chambre disciplinaire estime que le praticien n’aurait pas dû porter ces informations dans ce compte rendu d’hospitalisation, mais plutôt "dans un document distinct non communicable".
Il est ainsi rappelé que tout le contenu du dossier "physique" d’un patient ne lui est pas intégralement communicable.
A noter
Si cette affaire concerne un dossier constitué à l’hôpital, la même vigilance est de mise pour le médecin libéral, qui doit veiller à mettre "à part" dans le dossier tout élément concernant des tiers ou recueillis auprès de ces tiers.