Une période d'expérimentation de 5 ans
Cette phase d’expérimentation a débuté avec la publication de la loi du 6 décembre 2013, puis avec le décret du 30 juillet 2015, fixant les conditions de fonctionnement d’un nombre limité de maisons de naissances (MDN).
9 autorisations ont été données, 8 maisons de naissances ont finalement ouvert en 2016 et 2017 et ont pu proposer aux couples le souhaitant de bénéficier d’un accouchement physiologique dans un cadre sécurisé.
Le cahier des charges1, élaboré par la Haute Autorité de Santé (HAS) en septembre 2014, demandait entre autres :
- que les locaux de ces structures soient contigus à une structure autorisée pour l’activité de gynécologie-obstétrique, avec un accès direct et aménagé permettant un transfert rapide des parturientes ;
- qu’une convention soit établie entre ces 2 entités, précisant les obligations et devoirs de chacun ;
- qu’une sélection rigoureuse des femmes enceintes prises en charge dans ces structures soit organisée : pas de pathologie antérieure (médicale et/ou chirurgicale), pas de pathologie de la grossesse, pas de grossesses multiples…
Les premières évaluations de cette expérimentation
Un premier rapport2, rendu en novembre 2019, émanant du groupe de recherche sur les maisons de naissances (CNRS – AUDIPOG – Université de Paris – INSERM – CRESS) propose une analyse des données rendues par les MDN.
Cette étude épidémiologique descriptive porte sur l’ensemble des données informatisées dans le dossier commun AUDIPOG au titre de l’année 2018.
Les résultats montrent :
- Sur un total de 649 femmes prises en charge en MDN, 506 y ont réellement accouché et 143 ont été confiées aux maternités partenaires, soit 22 %.
- Les critères d’éligibilité des femmes pour accoucher en MDN ont été respectés dans plus de 99 % des cas.
- Très peu d’interventions ont été réalisées au cours du travail : moins de 3 % de ruptures artificielles des membranes, moins de 2 % d’épisiotomies.
On peut relever également 90,5 % d’accouchements par voie basse spontanés, 6,5 % par voie instrumentale et 3 % de césariennes (données qui correspondent au 649 femmes prises en charge en MDN). - Chez les femmes transférées, on dénombre 15 % de césariennes.
Pour les femmes ayant été prises en charge en MDN, quel que soit le lieu d’accouchement final, on dénombre :
- 1,4 % d’hémorragies du post partum sévères.
- 0,5 % de déchirures périnéales des 3e et 4e degrés.
- 0,4 % de réhospitalisations dans le mois qui suit l’accouchement.
Quant aux complications néonatales, elles étaient peu fréquentes avec 0,3 % d’enfants avec une mauvaise adaptation à la vie extra-utérine à 5 minutes de vie et 1,7 % d’enfants ayant nécessité des gestes de réanimation à la naissance.
Un décès néonatal a été identifié.
Le rapport concluait à un niveau de sécurité satisfaisant et une très faible fréquence d’interventions, résultats comparables avec les maisons de naissances à l’international, et plus précisément dans les pays à haut niveau de ressources.
Le second document3 est le rapport rédigé par le Ministère des Solidarités et de la Santé sur l’expérimentation des maisons de naissances et publié en janvier 2020 à destination du Parlement, comme prévu par la loi du 6 décembre 2013.
Outre la reprise des données du rapport de l’INSERM, ce rapport aborde deux autres thématiques importantes à partir des éléments transmis par les différentes Agences Régionales de Santé (ARS) :
- La fréquence de survenue des événements indésirables
Il est noté qu’une politique de gestion des risques est installée dans ces structures. En 2017, il était déclaré 10 événements indésirables qui ont tous bénéficié d’une analyse détaillée et chaque fois que nécessaire des ajustements des organisations et/ou des pratiques pour améliorer le niveau de sécurité des prises en charge.
A noter que le nombre de déclarations en 2018 a baissé à 3. - Une approche médico-économique
Les MDN ont pu fonctionner grâce aux enveloppes financières attribuées au titre du Fonds d’Intervention Régional (FIR). Cet accompagnement financier a permis le lancement de l’expérimentation.
L’évaluation des comptes de résultat montre que le FIR représente une part prédominante des recettes (plus de 75 %), alors que la part des produits relevant de l’activité reste de fait minoritaire.
Ce constat amène les rédacteurs du rapport à proposer de repenser les modalités de financement de ces structures en cas de pérennisation du dispositif.
En conclusion, ce rapport retenait que :
- La France est un des pays les plus en retard pour ce qui ce qui concerne le déploiement de ce type de structure (la première "maison de naissance", comparable à celles constituées en France, a ouvert ses portes à New York en 1975). Il en existe aujourd’hui près de 150 aux États Unis, 169 au Royaume-Uni, une centaine en Allemagne et 25 en Suisse.
- Cette expérimentation a également confirmé qu’un nombre non négligeable de femmes françaises était prêt à recourir à ce mode d’organisation.
- Le coût d’un accouchement en MDN n’était pas supérieur à un accouchement en maternité et représente une alternative crédible à ce type de prise en charge.
Les maisons de naissance dans l'avenir...
Ce même rapport propose un déploiement proportionné et encadré.
Un déploiement proportionné
- La demande française pour ce mode d’accouchement est encore assez limitée, il est donc important d’accompagner la pérennisation et le déploiement de ces structures selon un mode très progressif dans les années à venir.
- S’agissant d’une activité à risques, les enjeux de sécurité doivent être pris en compte avant de transformer définitivement l’essai et d’envisager un plus large déploiement.
- Enfin, le critère financier doit être pris en compte, car le FIR ne pourra pas soutenir à l’infini le déploiement de nouvelles structures. Il conviendra de trouver les solutions pour garantir une soutenabilité économique.
Un déploiement encadré
Deux décrets et un arrêté sont parus au Journal Officiel en 2021 :
- Décret n° 2021-1526 du 26 novembre 20214 relatif aux maisons de naissances.
- Décret n° 2021-1768 du 22 décembre 20215 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des maisons de naissances.
- Arrêté du 22 décembre 20216 fixant le contenu du dossier de demande de création des maisons de naissances, la composition de leur charte de fonctionnement ainsi que le contenu de leur rapport d’activité annuel.
Les points importants de ce nouveau cadre réglementaire...
En préambule, il convient de préciser que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 avait déjà inscrit la pérennisation et le développement des maisons de naissances. L’objectif était d’atteindre progressivement 20 structures à fin 2022, soit 12 MDN supplémentaires.
Le décret n° 2021-1526 du 26 novembre 2021
Ce décret précise les conditions de création d’une MDN et les principes généraux de leur fonctionnement :
- Leurs missions : surveillance de la grossesse, préparation à l’accouchement et la parentalité, l’accouchement et les soins postnataux. Ce texte précise que la sélection des femmes enceintes doit respecter strictement les recommandations de bonnes pratiques édictées par la HAS en 2014. De plus, chaque femme suivie doit recevoir une information sur le fonctionnement de la MDN.
- Les relations avec l’établissement de santé partenaire : doivent être formalisées dans une convention qui engage les deux parties. Cette convention prévoit notamment les modalités concernant la réorientation des femmes présentant un niveau de risques incompatible avec un accouchement en MDN, les conditions de transfert de la femme et/ou du nouveau-né par un accès direct à la maternité, la transmission sécurisée des informations médicales, la réalisation de la consultation pré-anesthésique. Ce document doit être transmis à l’Agence Régionale de Santé (ARS).
- La procédure d’autorisation et le suivi d’activités : les nouvelles candidatures doivent constituer un dossier de demande d’autorisation (le contenu de ces dossiers est précisé dans l’article 1 de l’arrêté du 22 décembre 2021) et les MDN déjà existantes doivent la renouveler. Chaque structure ayant obtenu cette autorisation devra rendre à l’ARS un rapport d’activité annuellement. Comprenant deux volets, les indicateurs attendus, techniques (volet 1) et médicaux (volet 2), sont précisés dans les annexes 1 et 2 de l’arrêté du 22 décembre 2021.
Le décret n° 2021-1768 du 22 décembre 2021
Ce décret précise les conditions techniques pour faire fonctionner les maisons de naissance :
- Les locaux doivent être adaptés et de dimension suffisante pour l’accueil des femmes enceintes, leur prise en charge et les actions de soutien à la parentalité.
- La MDN doit disposer de procédures d’hygiène aux normes en vigueur.
- Le niveau d’équipement doit permettre des prises en charge sécures, avec notamment un matériel permettant les transferts allongés, ainsi qu’un chariot d’urgence adapté aux différentes complications potentielles.
- La MDN doit disposer d’une charte de fonctionnement dont le contenu est précisé dans l’article 2 de l’arrêté du 22 décembre 2021.
- Les sages-femmes exerçant au sein des MDN doivent avoir une expérience minimale d’accouchement de deux années.
- Les effectifs seront en nombre suffisant pour intervenir toute l’année dans un délai compatible avec les conditions de prise en charge des parturientes et des nouveau-nés. Lors des accouchements, la présence d’une seconde sage-femme doit être garantie.
- La MDN doit avoir un plan de formation continue adaptée à leurs pratiques, et notamment en matière de gestion des urgences maternelles, fœtales ou pédiatriques néonatales.
- Les professionnels de santé intervenant en MDN doivent s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques