Quelles répercussions après une plainte pour agression sexuelle ?
Les impacts d’une plainte pénale pour agression sexuelle sont nombreux :
- Atteinte à l’image et à la réputation, notamment lorsque la presse s’en fait l’écho.
- Cessation d’activité, temporaire ou définitive, qui peut être ordonnée dès le début de l’enquête et jusqu’au prononcé du jugement.
- Possible incarcération, compte tenu des sanctions lourdes prévues pour réprimer ces faits qui, pour certains, peuvent être qualifiés de crime.
- Répercussions psychologiques importantes d’une procédure judiciaire, souvent longue.
Comment distinguer gestes conformes et gestes tendancieux ?
La relation entre le professionnel de santé et le patient nécessite de réaliser des actes conformes aux pratiques habituelles et encadrées :
- auscultation,
- palpation,
- massage,
- toucher,
- questionnement sur la vie intime,
- examen visuel,
- déshabillage,
- installation dans des positions particulières, etc.
Mais parfois, il peut s’agir d’un acte intentionnel à caractère sexuel, déconnecté de la démarche de diagnostic ou de soin, ou encore d’un geste inadapté, déplacé, contraire aux bonnes pratiques médicales :
- attouchements de nature sexuelle,
- caresses,
- massages dénués de tout caractère thérapeutique,
- fait d’ôter des vêtements sans prévenir le patient,
- propos déplacés à connotation sexuelle, etc.
Agressions sexuelles : quelles réponses pénales ?
Ces agissements contraires aux pratiques habituelles sont réprimés sévèrement par le Code pénal, qui définit l’agression sexuelle comme "toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise" (article 222-22 du Code pénal).
Deux infractions permettent de qualifier ces atteintes sexuelles.
Un crime, le viol
L’article 222-23 du Code pénal dispose que "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle".
Quant aux autres agressions sexuelles
l’article 222-27 du Code pénal prévoit que "les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende".
Le professionnel de santé est, par ailleurs, susceptible de voir sa peine alourdie du fait de deux circonstances aggravantes :
- Lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
- Lorsque les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité - due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse -, est apparente ou connue de l’auteur.
Mise en cause pour agression sexuelle, quels sont les points importants pour se défendre ?
Il appartient à la justice d’établir l’exactitude des faits reprochés au professionnel de santé.
Une enquête menée par les services de police ou de gendarmerie, sous la direction du procureur de la République, déterminera la suite judiciaire de l’affaire (abandon des poursuites, saisine d’un juge d’instruction ou renvoi auprès d’un tribunal).
Aussi, il semble indispensable, dès la première audition devant les enquêteurs, d’être assisté par un avocat, ce d’autant plus que, depuis la loi du 27 mai 2014, ce droit, initialement prévu pour la personne gardée à vue, est désormais étendu au cas d’audition libre.
L’audition
L’article 61-1 du Code de procédure pénale, issu de cette même loi, prévoit que "la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire".
Il appartiendra à l’avocat de conseiller utilement le professionnel de santé sur la meilleure stratégie à adopter pour, d’une part, réfuter tout caractère sexuel de l’acte et, d’autre part, établir l’absence d’intention d’abuser du patient contre sa volonté.
L’expertise
Généralement, une expertise psychologique de la plaignante ou du plaignant aura été ordonnée pour vérifier la crédibilité de ses déclarations et abandonner ainsi toute poursuite si la personne est reconnue mythomane, souffrant de délires érotomaniaques, dépressive, affabulatrice ou motivée uniquement par l’intention de nuire.
Une expertise médicale de la personne poursuivie est par ailleurs obligatoire (article 706-47-1 du Code de procédure pénale).
Au besoin, une expertise technique en situation ou sur planche anatomique permettra d’établir si le professionnel de santé a appliqué la procédure et la technique spécifique à son intervention et ainsi, le cas échéant, expliquer un geste mal compris par la victime.
L’absence d’autres mises en cause
L’absence de signalement à l’Ordre ou de plainte similaire antérieure ainsi qu’une pratique sanctionnée par un diplôme et fondée sur les données acquises de la science sont autant d’arguments à faire valoir.
La constance dans les déclarations
Le maintien de déclarations précises et circonstanciées lors des auditions et confrontations, dès lors qu’elles ne varient pas au long de la procédure, concourra à la défense du professionnel de santé.
Le doute doit lui profiter face aux seules accusations du plaignant, conformément à l’article préliminaire du Code de procédure pénale qui édicte que "toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie".
Viols et autres agressions sexuelles, qu'en est-il des procédures ordinales ?
Comportement déplacé ou examen justifié mais mal expliqué donnant lieu à une interprétation erronée : comment la juridiction ordinale peut-elle trancher et quelles sanctions peut-elle prononcer ?
Une conciliation obligatoire avant transmission à la chambre disciplinaire
Veillant au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables et au respect des principes du Code de déontologie, le conseil départemental de l’Ordre a l’obligation de donner suite à toute plainte ou doléance en organisant une conciliation en présence du patient et du professionnel.
Si la conciliation échoue, le dossier est alors transmis à la chambre disciplinaire de première instance, compétente pour connaître des infractions aux dispositions du Code de déontologie et pour sanctionner le professionnel.
L’examen de l’affaire par le juge ordinal
Le juge disciplinaire doit analyser les pièces du dossier et dire si les gestes dénoncés relèvent de soins conformes aux données acquises de la science et à la déontologie et adaptés aux pathologies des patient(e)s.
Les sanctions applicables quand les faits reprochés sont avérés
Dans l’ordre croissant de gravité, les sanctions disciplinaires encourues sont :
- l’avertissement ;
- le blâme ;
- l’interdiction temporaire d’exercer (au maximum 3 ans – avec ou sans sursis) ;
- la radiation définitive du tableau de l’Ordre.
Déposer une plainte ordinale ne permet pas à la victime d’obtenir une indemnisation.
Quelle est l'articulation entre procédure pénale et procédure ordinale ?
La plainte ordinale intervient souvent en parallèle d’une plainte pénale.
La juridiction ordinale peut attendre le résultat de la procédure pénale en cours avant de se prononcer mais il s’agit là d’une faculté de surseoir à statuer et non d’une obligation.
Justice ordinale et justice pénale sont indépendantes
Ainsi, le juge pénal peut prononcer la relaxe alors que le juge disciplinaire peut prononcer une sanction, ou inversement, et ce, pour les mêmes faits.
En tout état de cause, le juge disciplinaire prône la tolérance zéro dès lors que les faits sont avérés, et ce, indépendamment de la décision du juge pénal.
Quels conseils pour éviter une plainte pour agression sexuelle ?
Établir une communication précise et de qualité avec le patient peut lever les incompréhensions à l’origine de certaines plaintes.
Le viol ou l’agression sexuelle ne sont constitués que dans la mesure où l’auteur a été conscient d’imposer à la victime des attouchements non désirés par elle.
Cette absence de consentement résulte notamment de tout moyen de contrainte ou de surprise.
À retenir pour éviter toute ambiguïté
- Il est indispensable d’expliquer, d’informer, de prévenir et de demander l’accord du patient lorsqu’une partie intime de son corps fait l’objet d’un examen ou de soins.
L’acte médical ne doit pas être équivoque. Expliquer un geste, demander l’autorisation d’ôter un vêtement, utiliser des gants lors d’examens gynécologiques, ne pas se montrer excessivement familier ne peuvent que contribuer à améliorer la relation avec le patient.
- Lorsque l’acte de soin est quelque peu éloigné de la pratique habituelle, telle que la réalisation d’un massage par un médecin plutôt que par un masseur-kinésithérapeute, pouvoir justifier sa compétence par des diplômes ou des qualifications professionnelles est préférable.
- Une attention particulière à la compréhension de l’information délivrée est nécessaire pour les patients plus vulnérables tels que les jeunes, les personnes fragiles psychologiquement ou dans un état dépressif.