Pourquoi une "taxe lapin" ?
Dans un communiqué commun publié en janvier 2023, l’Académie de médecine et le Conseil national de l’Ordre des médecins ont estimé à 27 millions le nombre de rendez-vous de consultation non honorés chaque année.
Dans un contexte de difficultés croissantes d’accès aux soins, cette perte de temps médical n’est pas anodine.
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C’est ce qui a poussé les pouvoirs publics à envisager une pénalité financière, destinée à responsabiliser les patients. L’objectif est de les inciter à davantage de rigueur dans leurs prises de rendez-vous, notamment sur les plateformes en ligne.
Quelles étaient les modalités prévues par la loi ?
L’article 52 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a instauré cette pénalité, avec des modalités globalement peu précises, beaucoup d’entre elles étant conditionnées à la publication ultérieure d’un décret.
Selon ce texte, les professionnels de santé concernés (établissements de santé, services de santé, centres de santé et professionnels de santé exerçant à titre libéral) pouvaient exiger le paiement d’une pénalité en cas de non-présentation du patient à une consultation ou en cas d’annulation sans respecter un délai raisonnable avant la date prévue.
Certaines conditions devaient être respectées pour réclamer la pénalité :
- Informer le patient lors de la prise de rendez‑vous que, en cas d’absence ou d’annulation tardive, une pénalité pouvait lui être appliquée, sauf motifs dérogatoires.
- Rappeler au patient la date et l’horaire de la consultation au moins une fois avant la date de celle‑ci.
Aucune précision n’était apportée dans le texte sur :
- la notion de délai raisonnable,
- le montant de la pénalité,
- les modalités de recouvrement : le texte indiquait tout au plus la possibilité de subordonner la prise de rendez‑vous à une préautorisation bancaire permettant le paiement de la pénalité.
Ces points devaient être précisés ultérieurement par un décret.
Une mesure contestée
Le principe d’une telle pénalité a fait l’objet de vifs débats, avant même d’ailleurs son inscription dans la loi.
En effet, une telle sanction financière a été considérée par une partie de l’opinion publique et par certains partis politiques comme discriminatoire et pénalisante, surtout pour les patients les plus vulnérables.
C’est pourquoi le parti La France Insoumise a saisi le Conseil constitutionnel pour contester – entre autres – l’article 52 de la loi de financement de la Sécurité sociale.
Les députés à l’origine de la saisine visaient particulièrement le système de pré-autorisation bancaire, en amont du rendez-vous médical, qui risquait de pénaliser particulièrement les personnes précaires et celles ne disposant pas de carte bancaire.
Une mesure "retoquée", mais peut-être pas définitivement écartée
Dans sa décision du 28 février 2025, le Conseil constitutionnel considère que la pénalité prévue à l’article 52 de la loi de financement de la Sécurité sociale n’est pas conforme aux exigences de garantie de protection de la santé posées par la Constitution. En effet, le législateur n’a pas défini avec assez de précision la nature même de la pénalité, son montant et les conditions de sa mise en œuvre.
Cependant, le Conseil constitutionnel reconnaît que le fait de proposer un moyen de dissuader les comportements de patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux poursuit bien un objectif d’intérêt général. Le principe même de la pénalité n’est donc pas contesté.
Dès lors, il est possible que la "taxe lapin" fasse son retour, dans un autre cadre législatif et avec davantage de précisions.
— C’est donc une affaire à suivre…