Pourquoi une "taxe lapin" ?
Dans un communiqué commun publié en janvier 2023, l’Académie de médecine et le Conseil national de l’Ordre des médecins ont estimé à 27 millions le nombre de rendez-vous de consultation non honorés chaque année.
Dans un contexte de difficultés croissantes d’accès aux soins, cette perte de temps médical n’est pas anodine.
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C’est ce qui a poussé les pouvoirs publics à envisager une pénalité financière, destinée à responsabiliser les patients. L’objectif est de les inciter à davantage de rigueur dans leurs prises de rendez-vous, notamment sur les plateformes en ligne.
L’instauration d’une telle pénalité a fait l’objet de vifs débats. En effet – et la loi de financement de la Sécurité sociale le rappelle dans son article 52 – cette taxe constitue une dérogation à l’article L.1111-3-4 du Code de la santé publique, selon lequel les établissements de santé ne peuvent facturer au patient que les frais correspondant aux prestations de soins dont il a effectivement bénéficié.
Qui sont les soignants qui peuvent réclamer la pénalité ?
Les professionnels de santé concernés sont :
- les établissements de santé,
- les services de santé,
- les centres de santé,
- les professionnels de santé exerçant à titre libéral.
Consultation non honorée et consultation annulée : y a-t-il une différence ?
Le texte place les deux situations sous le même régime, puisqu’il précise :
"Par dérogation à l’article L.1111‑3‑4, l’établissement de santé, le service de santé, le centre de santé ou le professionnel de santé exerçant à titre libéral peut exiger du patient le paiement d’une pénalité lorsque le patient ne se présente pas à une consultation ou lorsqu’il annule celle‑ci sans respecter un délai raisonnable avant la date prévue."
La pénalité sera donc due, que le patient n’ait pas averti de son absence ou qu’il ait annulé le rendez-vous dans un délai considéré comme non raisonnable.
Quelles conditions pour réclamer la "taxe lapin" ?
La pénalité n’est pas due du seul fait que le patient ne s’est pas présenté à son rendez-vous ou l’a annulé tardivement. Encore faut-il que le professionnel de santé ait préalablement :
- informé le patient lors de la prise de rendez‑vous que, en cas d’absence ou d’annulation tardive, une pénalité peut lui être appliquée, sauf motifs dérogatoires ;
- rappelé au patient la date et l'horaire de la consultation au moins une fois avant la date de celle-ci.
Sur certaines plateformes en ligne, ce rappel est automatique. Dans les autres cas, le professionnel de santé devra donc veiller au respect de cette obligation pour pouvoir appliquer la pénalité.
Quels sont les motifs qui exonèrent le patient du paiement de la pénalité ?
La pénalité ne peut être réclamée lorsque le patient :
- annule son rendez-vous dans le "délai raisonnable" qui sera précisé par décret ;
- justifie d’un motif impérieux d’ordre personnel, familial ou professionnel ou d’un motif de santé l’empêchant de se présenter à la consultation. Là encore, ces motifs d’exonération seront précisés par décret.
Quel est le montant de la pénalité ?
En l’état des textes, le montant de la pénalité n’est pas fixé. Dans les discussions qui ont précédé le projet de loi, il était question d’un montant de 5 euros.
Le décret à venir précisera ce point essentiel.
Comment la pénalité est-elle concrètement payée ?
Le texte ne comporte que peu de précisions à ce sujet. Il indique tout au plus que :
"L’établissement de santé, le service de santé, le centre de santé ou le professionnel de santé peut subordonner la prise de rendez‑vous à une préautorisation bancaire permettant le paiement de la pénalité."
Certaines difficultés pourraient surgir sur ce point : refus du patient de donner son numéro de carte bancaire, patients ne disposant pas de carte, etc. Sans doute ces points seront-ils également précisés dans le décret à venir.
Quel recours en cas de litige ?
On peut supposer que cette mesure donnera lieu à des contestations de la part de patients, voire à de véritables litiges.
En l’état des textes, aucune voie de recours spécifique n’est détaillée. Mais la loi de financement précise que le décret à venir explicitera les voies de règlement amiable des litiges.