Rendez-vous non honorés : comment limiter le risque ?
Sans doute avez-vous déjà rencontré cette situation, devenue courante, dans votre exercice : un patient a pris rendez-vous pour une consultation, directement auprès du cabinet ou via une plateforme. Sans prendre la peine de vous prévenir, il ne se présente pas à l’heure convenue. Conséquences : le créneau est perdu pour d’autres patients qui auraient pu en avoir besoin et votre planning pour la journée est désorganisé.
Ce phénomène touche tous les milieux socioprofessionnels et toutes les zones géographiques, même s’il semble un peu plus fréquent en milieu urbain.
Il s’est amplifié avec le développement des plateformes de prise de rendez-vous qui facilitent la démarche au point de la banaliser : le patient peut prendre rendez-vous avec un praticien qu’il ne connaît pas, sans le moindre échange avec lui, retenir plusieurs créneaux chez plusieurs professionnels, sans forcément penser à annuler ceux auxquels il renonce.
Certains patients sont même devenus coutumiers du fait et manquent régulièrement des rendez-vous, sans explications valables, y compris ceux pris hors plateformes.
Le Conseil de l'Ordre des médecins s'en inquiète, comme en témoigne son communiqué de presse sur le sujet, et appelle à prendre des mesures pour endiguer le phénomène.
Il existe quelques astuces pour limiter, en amont de la consultation, le risque de "lapins"
- L’envoi d’un SMS et/ou d’un mail de rappel quelques jours avant la consultation : il permet de "rafraîchir la mémoire" du patient, surtout quand le rendez-vous a été pris depuis très longtemps, par exemple dans une spécialité où les délais de prise en charge sont longs.
- Si vous le pouvez ou si vous disposez d’un secrétariat, il peut être utile d’appeler le patient la veille du rendez-vous.
- Un affichage dans la salle d’attente peut rappeler l’importance de respecter les dates et heures de rendez-vous et, en cas d’empêchement, de vous prévenir.
- Si un rendez-vous a été manqué, vous pouvez envoyer un message au patient pour lui en expliquer les conséquences et l’inciter à plus de vigilance à l’avenir. Si l’événement se renouvelle, un second avertissement plus ferme peut être émis.
Pouvez-vous réclamer des honoraires pour une consultation manquée ?
Jusqu’au vote de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, réclamer à un patient indélicat des honoraires ou une compensation financière, même symbolique, n’était pas possible.
En effet, l’article L.1111-3-4 du Code de la santé publique prévoit que les professionnels de santé conventionnés ne peuvent facturer que les frais correspondant à la prestation de soins assurée. Ils ne peuvent exiger le paiement d’une prestation qui ne correspondrait pas à cette catégorie.
De nombreuses voix se sont élevées pour critiquer cette interdiction, tant parmi les professionnels concernés que parmi les patients, victimes indirectes de ces comportements désinvoltes.
La loi pour le financement de la Sécurité sociale pour 2025 a introduit dans le code de la santé publique le principe d’une pénalité, due par tout patient qui ne se présente pas à une consultation ou qui a annulé celle‑ci sans respecter un délai raisonnable avant la date prévue.
Pour appliquer cette pénalité, le professionnel de santé doit avoir préalablement informé le patient, lors de la prise de rendez‑vous que, en cas d’absence ou d’annulation tardive, une pénalité peut lui être appliquée. Il doit également avoir rappelé au patient la date et l’horaire de la consultation au moins une fois avant la date de celle‑ci.
Pour plus de précisions sur cette nouvelle pénalité, consultez notre article "La taxe lapin pour les consultations non honorées en 8 questions".
Pouvez-vous refuser de prendre en charge un patient, habitué des rendez-vous manqués ?
Que le patient ait manqué son rendez-vous en raison d’un imprévu ou d’un oubli pur et simple, l’erreur est humaine : il serait excessif d’envisager de mettre un terme à la prise en charge après un événement isolé.
En revanche, la question peut légitimement se poser face à des patients régulièrement indisciplinés et peu respectueux. Vous pouvez alors être tenté d’interrompre la prise en charge.
Une telle décision, qui doit être bien pesée, est rendue possible par des dispositions spécifiques du Code de la santé publique pour la plupart des professions médicales et paramédicales dotées d’un Ordre.
Par exemple, pour les médecins, l’article R.4127-47 du Code de la santé publique rappelle que "quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins".
L’absence répétée d’un patient à ses rendez-vous sans motif valable peut constituer l’une des raisons professionnelles et personnelles visées par le texte puisqu’elles ne sont pas limitativement énumérées.
Attention, si vous décidez d’interrompre une prise en charge, vous devez impérativement respecter certaines conditions
- Vous devez prévenir le patient : il n’est par exemple pas possible de se borner à annuler le prochain rendez-vous qu’il a pris, sans explication. Vous devez lui indiquer que ses absences répétées aux rendez-vous vous amènent à ne plus le prendre en charge. Même si vous êtes légitimement en colère, restez courtois pour ne pas risquer d’être mis en cause pour manquement à vos devoirs d’humanité.
- Il faut interroger le patient sur l’identité du praticien susceptible de prendre la suite afin de lui transmettre tous les éléments nécessaires à la poursuite des soins. Vous devez également tenir à la disposition du patient les pièces dont il peut avoir besoin pour consulter un autre professionnel.
- En cas d’urgence, le patient, même indélicat, devra être pris en charge. À défaut, vous pourriez engager votre responsabilité ordinale, civile et pénale. Toute la difficulté sera de déterminer ce qui constitue un cas d’urgence : en cas de litige, c’est le juge qui tranchera, en fonction des circonstances de fait.
À retenir
Il est exaspérant de voir son planning de consultation bouleversé, parfois plusieurs fois par jour, par des patients indélicats. Gâcher des créneaux de rendez-vous est d’autant plus inacceptable dans un contexte de difficultés d’accès aux soins.