Quelles sont les autorités qui peuvent suspendre un praticien hospitalier ?
Deux autorités sont susceptibles d'intervenir dans la suspension du praticien hospitalier :
- Le directeur général du centre national de gestion (CNG) en tant qu'autorité chargée du pouvoir de nomination du praticien hospitalier.
- Le directeur d'établissement qui, en tant que garant de la continuité du service et la sécurité des patients, exerce son autorité sur le personnel de l'établissement.
De manière générale, le directeur d'établissement intervient en première intention en suspendant le praticien concerné à titre conservatoire avant d'alerter le directeur général du CNG qui prendra, le cas échéant, une nouvelle décision de suspension en raison de l'initiation d'une procédure disciplinaire ou d'insuffisance professionnelle.
La suspension en cas d'urgence
Le directeur d'un centre hospitalier exerce, aux termes de l'article L.6143-7 du code de la santé publique (CSP), son autorité sur l'ensemble des personnels de son établissement. À ce titre, la jurisprudence administrative lui permet de suspendre un praticien hospitalier de ses activités cliniques et thérapeutiques.
Dans ce cadre, il est seulement tenu d'en référer immédiatement au centre national de gestion des praticiens hospitaliers (Conseil d'État, 1er mars 2006, n°279822).
Il s'agit d'une mesure conservatoire non limitée dans le temps.
Elle ne revêt aucun caractère disciplinaire, ce qui implique que, durant la période de suspension, le praticien continue de percevoir les émoluments prévus au 1° de l'article R.6152-23 du CSP.
Les bases légales de la décision de suspension
La décision de suspension n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en vertu du premier alinéa de l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 et précédées d'une procédure contradictoire. Elle doit néanmoins être fondée sur des griefs ayant un caractère de vraisemblance suffisant.
Pour prendre sa décision, le directeur peut notamment se fonder sur :
- le bon ordre et la discipline à l'intérieur de l'établissement,
- la nécessité de maintenir la continuité et la permanence des soins et de garantir la sécurité des patients,
- et plus généralement lorsque la situation l'exige.
La procédure de suspension en cas d’urgence
Le directeur de l'établissement doit sans délai avertir le directeur général de l'Agence Régionale de Santé (ARS) et le directeur général du CNG de la mesure conservatoire prise.
En pratique, cette information s'accompagne des éléments justifiant la mesure (rapport, plaintes de patients, de membres du personnel…).
Il appartiendra ensuite au directeur général du CNG de décider s'il y a lieu :
- d'abandonner toutes poursuites contre le praticien,
- de convoquer le praticien hospitalier devant le comité médical afin que ce dernier se prononce sur l'aptitude physique et mentale du praticien à l'exercice de ses fonctions,
- de mettre en œuvre la procédure d'insuffisance professionnelle,
- de mettre en œuvre la procédure disciplinaire.
La suspension de la permanence des soins
L'article R.6152-28 du CSP prévoit que, si l'intérêt du service l'exige, le directeur de l'établissement peut, après avis motivé du président de la commission médicale d'établissement, décider de suspendre un praticien hospitalier de sa participation à la continuité des soins ou à la permanence pharmaceutique la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés.
Le directeur transmet alors sans délai sa décision au directeur général du CNG, qui, le cas échéant :
- soumet le praticien hospitalier au comité médical,
- met en œuvre la procédure disciplinaire,
- met en œuvre la procédure d'insuffisance professionnelle.
La suspension de la permanence des soins peut être un prélude à la suspension d'urgence.
La suspension disciplinaire
La procédure disciplinaire prévue aux articles R.6152-74 et suivants du CSP fait intervenir principalement le directeur général du CNG et le conseil de discipline.
En application de l'article R.6152-77 du CSP, le praticien qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être immédiatement suspendu par le directeur général du CNG pour une durée maximale de six mois. Toutefois, lorsque l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la suspension peut être prolongée pendant toute la durée de la procédure.
Durant la période de suspension, le praticien hospitalier continue de percevoir les émoluments prévus au 1° de l'article R.6152-23 du CSP. Toutefois, lorsqu'une décision de justice lui interdit d'exercer, ses émoluments subissent une retenue, qui ne peut excéder la moitié de leur montant.
Lorsqu’ à l'issue de la procédure disciplinaire, le praticien, n'a été frappé d'aucune sanction ou n'a fait l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme, il a droit au remboursement des retenues opérées sur sa rémunération.
En règle générale, la procédure disciplinaire est initiée par le directeur d'établissement avec la transmission d'un rapport au directeur général du CNG.
Dans ces conditions, il n'est pas rare que la mesure de suspension prise par le directeur du CNG et prévue par l'article R.6152-77 du CSP, soit devancée par une mesure de suspension prise par le directeur d'établissement en vertu de l'article L.6143-7 du CSP.
En pratique, c'est donc le directeur d'établissement qui est fréquemment à l'origine de la procédure disciplinaire initiée à l'encontre du praticien hospitalier.
La suspension pour insuffisance professionnelle
L'insuffisance professionnelle consiste en une incapacité dûment constatée à accomplir les travaux ou à assumer les responsabilités relevant normalement des fonctions de praticien hospitalier.
Elle résulte de l'inaptitude à l'exercice des fonctions du fait de l'état physique, psychique ou des capacités intellectuelles du praticien.
L'insuffisance professionnelle se distingue de la maladie et de fautes à caractère disciplinaire.
En vertu de l'article R.6152-81 du CSP lorsque l'intérêt du service l'exige, le praticien qui fait l'objet d'une procédure d'insuffisance professionnelle peut être suspendu par décision du directeur général du CNG en attendant qu'il soit statué sur son cas.
Il conserve, pendant la durée de sa suspension, la totalité des émoluments prévus au 1° de l'article R.6152-23 du CSP.
Toutefois, comme pour la procédure disciplinaire, le directeur général du CNG est habituellement alerté des faits de nature à justifier une procédure pour insuffisance professionnelle par le directeur de l'établissement dans lequel exerce le praticien concerné.
Dans ces conditions, il n'est pas rare que le directeur d'établissement qui estime que l'exercice de ses fonctions par le praticien justifie que le CNG soit alerté, prenne, dès la phase d'alerte, une mesure d'éloignement du service à titre conservatoire au visa de l'article L.6143-7 du CSP.