Les enjeux de l’audience disciplinaire
Les chambres disciplinaires sont des juridictions administratives spécialisées, qui empruntent assez largement leurs règles de procédure aux juridictions administratives de droit commun, et notamment le principe du caractère écrit et contradictoire de la procédure.
Aussi, votre argumentation doit obligatoirement être formalisée dans des écritures (un ou deux jeux de mémoires) qui seront échangées lors de la phase d’instruction. Il ne sera plus possible, en principe, de soulever des arguments nouveaux ou de verser des pièces nouvelles lors de l’audience.
Votre comparution à l’audience est vivement conseillée car, en pratique, une absence est du plus mauvais effet. Elle est souvent vécue comme un manque de respect, voire un affront, à l’égard des membres de la juridiction.
Par ailleurs, il est vivement recommandé, même si cela n’est pas obligatoire, d’être assisté par un conseil (avocat, médecin ou un membre de sa profession) à cette audience, compte tenu de ses impacts possibles sur votre carrière professionnelle.
L’audience disciplinaire est l’occasion, aussi, d’interroger directement les parties. En effet, la justice disciplinaire des professionnels de santé est une justice de "pairs" : la juridiction est composée de professionnels de santé élus parmi les conseillers ordinaux et présidée par un magistrat professionnel relevant des juridictions administratives.
L’enjeu de cette audience est de trancher les questions déontologiques, juridiques et médicales résultant de la plainte disciplinaire déposée.
Les étapes de la préparation de la défense du professionnel de santé
- Dès que votre conseil aura été désigné, la plupart du temps un avocat, il est vivement recommandé de lui demander un rendez-vous ( en présentiel, en visio-conférence ou par téléphone ) pour une réunion de travail. L’objectif sera d’arrêter la stratégie de défense et de rassembler les pièces nécessaires (prévoir 1 heure, minimum).
- Un second rendez-vous pourra être sollicité quelques jours avant l’audience pour la préparer (prévoir 30 minutes, environ).
- Le délai réglementaire de convocation à l’audience est de 15 jours au minimum mais, dans la pratique, de 4 à 6 semaines. Il vous appartient de vous organiser pour vous rendre disponible à la date de convocation, car les renvois ne sont accordés que de manière tout à fait exceptionnelle.
- Vous devez préparer l’audience en relisant la plainte et les mémoires échangés et en vous replongeant dans le dossier médical du patient. Vous devez le maîtriser afin d’être en mesure de répondre aux éventuelles questions des membres de la juridiction.
- Pour assurer le succès de votre défense, votre conseil et vous devrez harmoniser vos éléments de défense et vous méfier de toute improvisation lors de l’audience.
Les étapes de l’audience devant la chambre disciplinaire
- Vous allez comparaître devant une juridiction disciplinaire et non pas devant un staff médical. Il existe ici un dress-code qui doit être respecté en faveur d’une tenue correcte, bannissant les tee-shirts, les bermudas, les tenues de motard et autres… A plusieurs reprises, des Présidents de chambres disciplinaires ont adressé des remontrances aux professionnels de santé mis en cause et ont même reporté les audiences, pour qu’ils se présentent de façon correcte.
- Lorsque l’affaire est appelée à l’audience, les parties et leurs conseils sont invités à s’installer chacun de leur côté, face aux membres de la juridiction, à l’initiative de la greffière de la juridiction.
- Le Président donne d’abord la parole au Rapporteur, qui est un membre de la juridiction, désigné pour étudier le dossier et l’exposer aux autres membres lors de l’audience. Il s’agit, en principe, d’un résumé des demandes et argumentations des parties, ce qui évitera de reprendre, par la suite, la narration des faits.
- La parole est ensuite donnée au plaignant et à son avocat, pour des observations orales. Ils ne peuvent pas être interrompus par le professionnel de santé mis en cause (observations assez courtes de 10 minutes, en moyenne).
- La parole vous est ensuite donnée, et/ou à votre conseil, pour des observations orales qui ne doivent pas être confondues avec une plaidoirie (observations assez courtes de 15 minutes environ). Il est d’usage que l’avocat conseil ou le médecin conseil ou le membre de la profession débute en cadrant l’affaire au plan déontologique, juridique et médical. Puis vous intervenez dans le prolongement de votre conseil, en deux ou trois minutes environ, sur les aspects médicaux et scientifiques au cœur des débats. Il est recommandé d’avoir préparé par écrit les grandes lignes de votre intervention orale, si ce n’est le texte intégral, compte tenu du "feu de l’audience" qui entraîne, la plupart du temps, une certaine émotion.
- Si vous n’êtes pas assisté d’un avocat, vous pouvez, soit déclarer que vous n’avez pas d’observations particulières à ajouter (il est possible d’employer la formule "Je m’en rapporte à mes écritures"), soit effectuer une synthèse de votre argumentation écrite, en développant tel ou tel point qui vous paraît important.
Attention : il s’agit d’un exercice délicat et tout ce que vous direz pourra être retenu pour ou contre vous, la chambre disciplinaire étant assistée d’une greffière.
- Viennent, ensuite, les redoutables questions des membres de la juridiction auxquelles il vous appartient de répondre personnellement. Il est donc utile de les envisager préalablement avec votre avocat ou votre conseil.
- Enfin, ces débats terminés, le Président de la chambre disciplinaire aura l’obligation de vous donner la parole en dernier, ou à votre avocat. C’est souvent l’occasion de ne rien dire… ou de glisser un mot d’empathie pour le patient, sans en faire un "mea culpa" si ce n’est pas la stratégie de défense, en faisant toujours preuve d’humanisme médical.
- L’audience se conclut par la mise en délibéré de l’affaire, c’est-à-dire que la décision n’est pas rendue immédiatement ("sur le siège"). La décision vous sera notifiée dans un délai de l’ordre de deux à quatre semaines par lettre recommandée avec accusé de réception.
Que se passe-t-il après l'audience ?
A l’issue de l’audience, la chambre disciplinaire se réunit dans le secret du délibéré pour trancher l’affaire. Le code de la santé publique est très précis sur ce point :
- soit la plainte ordinale est rejetée et le plaignant peut être condamné à participer à vos frais d’avocat (en cas de plainte abusive, une amende civile peut même être ordonnée au profit de l’Ordre) ;
- soit la plainte ordinale est jugée fondée et vous serez sanctionné par un avertissement ou un blâme, ou une interdiction temporaire d’exercer avec ou sans sursis ou, dans des cas exceptionnels, par une radiation.
Comment interjeter appel d'une décision ?
A compter de la notification de la décision, vous ou les parties plaignantes avez la possibilité d’interjeter appel de cette décision devant la Chambre Disciplinaire Nationale.
Attention, le délai d’appel n’est que de 30 jours.
La décision de première instance est alors suspendue dans l’attente de l’arrêt qui sera rendu par la Chambre Disciplinaire Nationale, dans un délai moyen d’un an environ.
Il est conseillé, avant de prendre une décision quant à un éventuel appel, de consulter un conseil, avocat ou médecin ou membre de votre profession, ou votre assureur en responsabilité civile professionnelle, car il existe des possibilités de cumul de sanctions en cas de mise en cause devant des juridictions différentes (juridiction pénale, juridiction ordinale, juridiction civile/administrative).
A retenir
Si vous êtes mis en cause devant la chambre disciplinaire, vous devez veiller tout particulièrement à ne pas vous enfermer dans votre solitude.
Vous devez adopter une défense personnelle et efficace, ce qui nécessite de recourir à un conseil, avocat ou membre de votre profession, car la décision qui sera rendue est de nature à retentir sur votre carrière professionnelle de façon très singulière.