Distribution de médicaments : un risque de glissement de tâche non négligeable
Qu’entend-on exactement par "aide à la prise" ?
La terminologie employée pour désigner le fait de "donner" ou "faire prendre" un traitement est diverse : on parle parfois indifféremment de distribution, d’administration ou d’aide à la prise. Elle est aussi trompeuse, car elle peut donner l’impression qu’il s’agit de synonymes. Ce n’est pourtant pas le cas.
Dans les établissements de soins, les textes (L’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments, Guide de la Direction générale de l’Offre de soins "Qualité de la prise en charge médicamenteuse : Outils pour les établissements de santé" [IDEM] de février 2012) concluent que l’administration du médicament ne constitue pas une étape à elle seule : elle regroupe plusieurs étapes successives (correspondant à celles qui avaient été définies par la HAS dans son Guide "Outils de sécurisation et d’auto-évaluation de l’administration des médicaments" de 2011), parmi lesquelles l’aide à la prise.
De même, dans les établissements sociaux et médico-sociaux, comme les EHPAD, le Guide de "Sécurisation du circuit du médicament dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)" de mars 2012, actualisé en 2017, fait aussi de la phase d’administration un processus global qui englobe celle de l’aide à la prise.
À retenir
- L’administration du médicament apparaît comme un ensemble d’étapes successives consistant à prendre connaissance de la prescription médicale, à préparer le traitement adéquat, à le distribuer auprès du patient, à l’aider à le prendre, à en assurer l’enregistrement.
- L’aide à la prise n’est qu’une étape de ce processus. Elle consiste à faire prendre concrètement le traitement au patient (ou au résident en EHPAD), c’est-à-dire l’aider à effectuer les gestes nécessaires : avaler une pilule avec un verre d’eau, diluer un sachet, etc.
Pourquoi est-ce important de bien distinguer administration et aide à la prise ?
L'aide à la prise de médicaments
L’aide à la prise de médicaments non injectables est visée à l’article R. 4311-5 du code de la santé publique, qui liste les actes relevant du rôle propre de l’infirmier, pour lequel il est compétent sans qu’il soit nécessaire de disposer d’une prescription médicale ou d’un protocole.
L'administration de médicaments
En revanche, l’administration de médicaments est, elle, visée à l’article R. 4311-7 qui liste les compétences de l’infirmier en application d’une prescription médicale ou d’un protocole. Il ne s’agit donc pas d’un acte relevant du rôle propre.
Cette distinction rôle propre/rôle sur prescription est primordiale puisque la collaboration entre l’infirmier et l’aide-soignant n’est possible que pour les actes relevant du rôle propre de l’infirmier.
En effet, en établissement de soins comme en établissements médico-sociaux, les conditions de la collaboration entre l’infirmier et l’aide-soignant sont posées à l’article R. 4311-4 du code de la santé publique. Cet article distingue :
- La collaboration avec les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture et les accompagnants éducatifs et sociaux pour les actes accomplis et les soins dispensés relevant du rôle propre infirmier, dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social : les actes sont alors réalisés par les aides, sous la responsabilité de l’infirmier qui les encadre, et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers.
- La collaboration avec l'aide-soignant ou l'auxiliaire de puériculture pour la réalisation, le cas échéant en dehors de la présence de l’infirmier, de soins courants de la vie quotidienne, définis comme des soins liés à un état de santé stabilisé ou à une pathologie chronique stabilisée et qui pourraient être réalisés par la personne elle-même si elle était autonome ou par un aidant.
À retenir
- L’aide à la prise de médicaments étant bien une compétence propre de l’infirmier, et pouvant de surcroît être considérée comme relevant de la réalisation de soins courants, elle peut être réalisée par un aide-soignant.
- L’administration reste, quant à elle, du seul ressort de l’infirmier, sans possibilité pour celui-ci de collaborer avec un aide-soignant.
Attention !
Un arrêté du 10 octobre 2022 modifie l'arrêté du 6 avril 2011 :
"Sous réserve de l'accord du médecin, l'acte d'administration proprement dit de médicaments prescrits au cours de l'hospitalisation peut être effectué par le patient lui-même s'il le souhaite. Il s'agit alors d'un acte d'auto-administration. Cet acte est mis en œuvre par le patient, accompagné le cas échéant par les membres de l'équipe de soins prenant en charge ce dernier, conformément aux recommandations susvisées formulées par la Haute Autorité de santé". Un guide méthodologique pour accompagner ces modifications a été publié par la HAS le 14 octobre 2022".
Quelles sont les responsabilités encourues pour l’aide à la prise en cas de collaboration infirmier/aide-soignant ?
L’article R. 4311-4 du code de la santé publique est clair sur le fait que les actes réalisés par un aide-soignant au titre de la collaboration le sont sous la responsabilité de l’infirmier.
Pour autant, la responsabilité propre de l’aide-soignant peut aussi se trouver engagée s’il a commis une faute dans la réalisation de l’aide à la prise. Sur le plan pénal notamment, chacun est responsable personnellement, sans possibilité de se retrancher derrière la responsabilité d’un autre acteur.