L'impact de la médiatisation
La forte médiatisation de l’affaire du Mediator a eu pour effet d’informer à grande échelle le public sur la possibilité et les moyens de porter plainte en cas d’accidents iatrogènes liés aux médicaments.
De plus, les polémiques lancées contre les statines, par des praticiens pas toujours conscients ou soucieux de l’impact négatif de leurs déclarations sur le bénéfice majeur cardiologique, a fait naître une méfiance à l’encontre de certaines molécules. Cela a aussi permis de recentrer la prescription de ces molécules sur les populations les plus à risques sur le plan athéromateux.
Il est vrai également que les statines ont pu, de façon exceptionnelle, aboutir à la survenue de rhabdomyolyses parfois mortelles.
Moins fréquemment mais régulièrement, nos sociétaires sont mis en cause pour des complications iatrogéniques en rapport avec la prescription d’amiodarone et parfois condamnés, notamment pour un défaut d’information ou un suivi insuffisamment attentif.
Rappelons que l’amiodarone, qui est une molécule désormais ancienne et peu onéreuse, reste souvent utilisée parce qu’elle est souvent la plus efficace face à des troubles du rythme grave.
Chaque année, le comité médical MACSF rapporte d’ailleurs dans le rapport annuel des cas :
- de pneumopathies parfois mortelles ;
- d'hyperthyroïdies, à l’origine de décompensations de cardiopathies sous-jacentes ;
- d'atteintes ophtalmologiques ou neurologiques à l'amiodarone.
Quels enseignements tirer des plaintes pour complications iatrogéniques ?
Lorsqu'une expertise est ordonnée par le tribunal ou la CCI, mettant en cause les laboratoires et les médecins, les experts reprennent systématiquement l'historique détaillé de la prise en charge médicale.
Dès lors qu'il est établi un lien entre la prescription d'un médicament et la complication, les experts devront se prononcer sur la validation de l'indication, ainsi que les modalités de traitement et de surveillance des molécules incriminées.
Il ne suffira donc pas d'invoquer vaguement une possible fibrillation auriculaire ou un trouble du rythme sans plus de précisions pour justifier son indication, surtout si la complication est grave.
Les plaignants, leurs conseils ainsi que les experts se montreront plus exigeants en demandant de fournir les électrocardiogrammes, les tracés Holter ou bien les enregistrements d'un test d'effort.
Si l'amiodarone est souvent utilisée en première intention pour tenter de réduire une fibrillation, sa prescription doit rester temporaire : les experts seront toujours attentifs à ce que cette molécule soit remplacée par une molécule moins iatrogène au long cours (bêtabloquants ou autres antiarythmiques).
Une information complète sur les signes alarmants liés à un traitement
Outre cette situation, et lorsque la prescription au long cours est justifiée, il est attendu de la part des prescripteurs la délivrance et la preuve d’ une information sur le risque de cette prescription au long cours auprès de leurs patients et des médecins traitants.
L'apparition d'une dyspnée ou de signes d'hyperthyroïdie doit faire évoquer une complication à l’amiodarone avec un arrêt le plus précoce possible, même si cela ne suffit pas forcément à enrayer le processus.
Comme à l'accoutumée, les prescripteurs devront se montrer particulièrement diligents pour orienter leurs patients vers un spécialiste pour :
- confirmer le diagnostic lié à la iatrogénie,
- instaurer les traitements adéquats pour diminuer les effets de la toxicité.
L'idée de ce propos n'est pas de bannir la prescription de telle ou telle molécule, mais plutôt :
- d'être attentif à la validation d'une molécule prescrite au long cours,
- d'informer de ses risques potentiels,
- de savoir dépister cette iatrogénie potentielle.
Cet exercice est encore plus délicat lorsque l'on prend la suite d'un premier médecin prescripteur, car nous ne disposons pas toujours de la preuve validant la prescription.
Les recommandations du Comité médical de la MACSF
En résumé, la prescription de molécules efficaces a parfois pour corollaire de possibles effets délétères, qui peuvent avoir des conséquences médico-légales.
Collectivement et systématiquement, il faut prendre le réflexe de toujours reconfirmer le bien-fondé d’une prescription de molécule à risque et de rechercher la substitution la plus efficace.
Comme toujours, il est indispensable de sensibiliser les patients aux risques encourus et leur détailler les signes d’alerte devant conduire à une nouvelle consultation en urgence.
Le praticien contacté pourra ainsi prescrire les examens complémentaires nécessaires ou demander l’avis d’un spécialiste en cas de doute quant à la nécessité d’arrêter le traitement.