Qu'est-ce qu'un triangle noir ?
Représentant une place stratégique, là où le rose s’harmonise avec le blanc, la papille joue un rôle important dans l’équilibre du sourire. Sa disparition laisse place à "un triangle noir", espace au niveau de l'embrasure gingivale, sous le point de contact des dents.
Cette perte de la papille interdentaire est un motif fréquent de consultation en cabinet dentaire.
Leur prise en charge est un triple défi pour le chirurgien-dentiste confronté au choix des techniques thérapeutiques offertes, conditionnées par le souci de conservation de l’intégrité tissulaire, à la technicité de leur mise en œuvre et au souhait de répondre à l’attente esthétique de son patient.
Limite anatomique de la papille1
Quelles sont les causes ?
Un triangle noir se rencontre :
- Lorsque la distance point de contact/crête osseuse est supérieure à 5 mm.
- Chez des patients présentant une atteinte parodontale avec une perte osseuse associée à une récession horizontale.
- En post-traitement orthodontique.
- Lorsque la dent présente une forme triangulaire.
Quels sont les traitements ?
Il existe trois grands axes thérapeutiques qui, parfois, peuvent se compléter.
#1 Les techniques restauratrices adhésives
- Réalisation d’un traitement conservateur par collage de composite selon une technique de stratification composite. Le traitement a l’avantage d’être rapide (une séance), peu onéreux (comparativement aux autres solutions exposées), simple et ultraconservateur des tissus dentaires. La technique offre également une possibilité de réintervention. En revanche, le patient doit aussi être informé de la durée de vie à moyen terme des composites et de l’entretien nécessaire.
- Fermeture à l’aide de chips en céramique qui sont de petites pièces collées sur l’émail des dents, généralement non préparées. C’est une technique de restauration non invasive qui permet de fermer des diastèmes de manière fiable et esthétique, notamment grâce au mimétisme des matériaux utilisés. En présence d’un parodonte sain mais réduit, l’absence de surcontour et la situation juxta gingivale des restaurations assurent la pérennité du traitement. Ce traitement nécessite un savoir-faire technique et représente un coût plus onéreux que la première technique décrite.
- Le collage de facettes vestibulaires conventionnelles, technique plus invasive. Les facettes céramiques peuvent être une réponse fiable au problème des triangles noirs mais imposent une préparation plus marquée : pour obtenir un profil d’émergence adéquat et une bonne fermeture de l’espace interproximal, il faut préparer les surfaces de contact et venir chercher la ligne de transition palatine, obligeant à retirer une quantité non négligeable de tissu sain.
#2 Un traitement orthodontique pouvant fermer des diastèmes, associé si besoin à des réductions interproximales.
#3 Une approche parodontale s'appuyant sur les techniques chirurgicales mini invasives ou une nouvelle approche par l'acide hyaluronique peuvent également être proposées.
Comment choisir entre les différents traitements ?
En premier lieu, le praticien ne devra pas céder à une demande esthétique excessive du patient car sa responsabilité est entière, en sa qualité de sachant.
Les patients, de plus en plus préoccupés par leur apparence, cachent souvent une part psychologique et émotionnelle derrière leur demande esthétique. Il est normal que chacun puisse trouver des imperfections corporelles face à ses idéaux, mais chez certaines personnes, on note une forme pathologique d’insatisfaction corporelle qui peut être source de litige.
Même si la plupart des patients ont une demande esthétique justifiée, le chirurgien-dentiste doit rester prudent car la limite entre une demande "normale" et une demande "exagérée, potentiellement pathologique" est très difficile à établir.
Les thérapeutiques les moins invasives sont préférentiellement mises en œuvre, respectant ainsi le principe du gradient thérapeutique.
La mesure du rapport bénéfice-risque de chacune des techniques en fonction du contexte clinique du patient (alignement et forme des dents, état parodontal) est le fil conducteur du choix du traitement.
En second lieu, chaque cas étant particulier, le praticien devra au titre des prérequis :
- Veiller à réaliser l’assainissement parodontal en cas de maladie parodontale et vérifier la stabilisation de la maladie avant de mettre en œuvre le traitement.
- Veiller à une bonne hygiène bucco-dentaire.
- Réaliser un bilan photographique, des empreintes et des modèles d’étude : il est important de fixer l’état antérieur dans les dossiers à demande esthétique.
- Réaliser un wax up et mock up qui permettent de visualiser le résultat attendu et servent sur le plan clinique pour la réalisation des chips en céramique ou des facettes.
Quelles sont les conséquences médicolégales possibles ?
- Lors de la conception et de la mise en œuvre du plan de traitement, le chirurgien-dentiste est soumis à une obligation de moyen. Dans le cas des traitements des espaces noirs, la formation continue en matière de dentisterie esthétique joue un rôle primordial. Le praticien doit avoir la connaissance des techniques de restauration conservatrices peu invasives. Dans le cas contraire, conformément à son obligation de conseil et de suivi, il orientera son patient vers un confrère dûment formé.
- Le devoir d’information en chirurgie dentaire esthétique est renforcé. Ainsi, les alternatives thérapeutiques, les avantages/inconvénients, les risques fréquents, graves voire exceptionnels devront être expliqués au patient dans des termes clairs et intelligibles, en veillant au respect d’un délai de réflexion d’au moins 15 jours avant la mise en œuvre du traitement.
- L’erreur dans le choix du traitement devient fautive si elle conduit à exposer le patient à des risques sans justification thérapeutique, ou à réaliser un acte pour lequel le praticien ne dispose pas de qualification spéciale. L’obligation de sécurité à laquelle est soumis tout professionnel de santé consiste à ne pas effectuer un acte médical d’investigation, de prévention ou de soin susceptible d’être à l’origine d’un dommage supplémentaire par rapport à l’état initial du patient.
A retenir
La correction ou la fermeture d’un triangle noir s’envisage selon le principe du gradient thérapeutique. Le choix thérapeutique du praticien, après une analyse minutieuse de l’état du patient à l’arrivée dans son cabinet, devra être guidé par le rapport bénéfice/risque : "Primum non nocere".
Le praticien, dans le respect de son devoir d’information, doit proposer les différentes alternatives thérapeutiques en privilégiant les moins invasives et en informant sur les avantages, les inconvénients, les risques, la durée du traitement, la pérennité, le coût.
Un délai de réflexion de 15 jours doit être respecté.
Le praticien mettra en œuvre les traitements biomimétiques restaurateurs employant les résines composites (RC) en méthode directe ou les techniques de collage des chips en céramique2 ou facettes ; si besoin, il pourra référer son patient à un confrère dont l’exercice est davantage orienté en réhabilitations esthétiques.
Il est recommandé de montrer au patient le résultat attendu par des techniques conventionnelles (wax up/mock up) ou numériques afin de s’assurer de son adhésion.
En sa qualité de sachant, le praticien ne devra pas céder aux demandes esthétiques déraisonnées de son patient, ce qui représente une difficulté car le beau est subjectif et dépend de facteurs ethniques, culturels et des préférences individuelles.