Décès d'une patiente quelques jours après une rage de dents
Une patiente présentant une obésité morbide et porteuse d’une cardio-valvulopathie hypertensive fait une décompensation cardio respiratoire. Son cardiologue la fait hospitaliser lors de deux séjours successifs, au cours desquels elle subit des chocs électriques de régulation du rythme cardiaque.
Peu de temps après, une rage de dents la conduit chez son chirurgien-dentiste. Il pose le diagnostic d’abcès parodontal et prescrit du Birodogyl® (association de deux antibiotiques : Spiramycine et Métronidazole).
Trois jours après, elle ne se sent pas bien et consulte en urgence son médecin traitant. À la fin de cet examen, elle fait un malaise. Le praticien lui demande alors de patienter en salle d’attente pour la revoir après le patient suivant. Comme elle se sent mieux, elle quitte le cabinet et rejoint son domicile.
Elle est retrouvée inanimée le lendemain matin, dans sa maison. Les secours la conduisent en urgence à l’hôpital après des manœuvres de réanimation. À son arrivée sur place, elle est en coma profond avec mydriase bilatérale. Elle est rapidement prise en charge pour tenter de faire régresser l’anoxie cérébrale mais elle décède d’un nouvel arrêt cardiaque.
La famille de la victime présente une réclamation devant la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI).
Une succession de négligences fautives à l'origine du décès
L’expert conclut à une succession de négligences fautives qui, dans un contexte de pathologie cardiaque, sont à l’origine du décès de la patiente :
- Négligence du chirurgien-dentiste qui n’a pas interrogé sa patiente sur ses antécédents, ni sur le traitement récent de sa cardiopathie arythmique qui constituait une contre-indication à la prescription du Birodogyl®. Cette prescription l’a exposée à un risque de troubles de rythme cardiaque.
- Négligence du médecin traitant qui, devant le contexte de malaise, aurait dû réaliser un bilan de contrôle avec éventuellement la réalisation d’un électrocardiogramme au cabinet et prévoir une hospitalisation en milieu spécialisé.
Une perte de chance de survie de 30 %
La CCI se fonde sur les conclusions du rapport d’expertise pour retenir la responsabilité des deux praticiens. Leur prise en charge n’est pas conforme aux règles de l’art et a entraîné une perte de chance de survie pour la patiente.
Elle conclut que le manquement du chirurgien-dentiste est à l’origine d’une perte de chance de survie de 25 % et celui du médecin traitant de 5 %.
La prudence est de mise
La réalisation de soins dentaires, quels qu’ils soient, nécessite en amont, une bonne connaissance :
- de l’état de santé du patient,
- de ses antécédents,
- de ses facteurs de risques,
- de ses allergies,
- des contre-indications,
- des traitements en cours.
En l’espèce, un entretien médical approfondi et la rédaction d’un questionnaire médical auraient permis d’éviter la prescription médicamenteuse fautive qui a malheureusement conduit au décès de la patiente.