Décès dans les suites d'une thyroïdectomie
Le patient présentait un problème d’hyperthyroïdie en rapport avec une maladie de Basedow, surveillée régulièrement par échographie.
Notre sociétaire chirurgien ORL voit sa responsabilité recherchée dans la survenue de son décès dans les suites de la thyroïdectomie totale, marquée par un hématome cervical compressif anoxique.
Afin d’obtenir réparation, les demandeurs soutiennent que le chirurgien aurait dû procéder ou faire procéder à un examen médical urgent. En s’en abstenant, il a causé à son patient un préjudice puisqu’une prise en charge plus rapide aurait pu lui éviter l’épuisement qui a provoqué son arrêt cardio-respiratoire.
L’affaire est portée devant le tribunal judiciaire de Vannes. Une expertise judiciaire est ordonnée.
Expertise : pas de lien de causalité direct et certain entre les soins et le décès
Au regard de la gravité de la pathologie (carcinome papillaire), l’expert judiciaire écarte toute faute quant à :
- l’information sur les risques opératoires,
- l’indication chirurgicale,
- l’absence de contre-indication de la chirurgie malgré le risque hémorragique
En revanche, il fait état de deux éléments non conformes aux règles de l’art :
- la non présentation du dossier à une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP),
- l’extension de l’évidement lors du curage cervical.
Il relève toutefois que ni l’un ni l’autre de ces manquements ne sont en lien avec la survenue du décès du patient.
—
En effet, rien ne permet d'être certain a posteriori qu’à cette époque, la décision de la RCP aurait été de ne pas réaliser de curage cervical.
La prise en charge concernant l'indication des évidements a été conforme aux recommandations actuelles de prise en charge des cancers de la thyroïde, qui stipulent que l'évidement latéral est recommandé en cas de forme localement agressive. Son caractère bilatéral était justifié par la localisation isthmique du nodule tumoral.
L’expert ajoute que la prise en charge du chirurgien a été conforme, tout en soulignant le caractère exceptionnel de l’hématome cervical à plus de 24 heures de l’opération, comme de la mortalité post-opératoire subséquente.
Jugement : le chirurgien ORL mis hors de cause
Les demandeurs ne rapportent pas la preuve d’une faute du chirurgien.
À la lecture des seules pièces du dossier, rien ne permet d’établir qu’il avait connaissance d’éléments justifiant une prise en charge plus précoce.
La mise en œuvre des soins a été faite dans des délais acceptables au regard des éléments de chronologie établis avec certitude dans le dossier médical.
Les juges ne retiennent pas de lien entre les deux manquements aux règles de l'art, et la survenue du décès du patient.
Aussi, la responsabilité de notre sociétaire ne peut donc être engagée, conformément à ce qui avait été retenu par l’expert judiciaire.
Ce qu'il faut retenir
Dans ce jugement, le tribunal rappelle une solution assez classique :
- Le professionnel de santé n’engage sa responsabilité qu’en cas de faute.
C’est ce qu’énonce l’article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique : "Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’’en cas de faute."
- Un lien de causalité entre cette faute et le dommage subi doit être établi.
La responsabilité médicale est donc loin d’être automatique !