Tumeur non retrouvée en peropératoire ayant conduit à une intervention "blanche"
Un patient consulte un chirurgien esthétique pour un Schwannome du nerf musculo-cutané (au niveau de la tête). En peropératoire, le praticien ne retrouve pas la tumeur. Deux jours après l’intervention, une échographie met en avant la lésion 13 cm au-dessus de la cicatrice.
Le patient engage une procédure civile pour obtenir réparation du résultat insatisfaisant de cette intervention. L’expert relève une absence de précision du repérage de la topographie du Schwannome lors de l’interprétation des clichés par le radiologue qui a conduit à une intervention "blanche". Cependant, pour l’expert, il appartenait au chirurgien "de demander des examens et radiographies complémentaires s’il estimait que les éléments en sa possession n’étaient pas suffisants".
Un jugement civil retient la responsabilité pleine et entière du chirurgien esthétique dans la réalisation du dommage. Les juges estiment en effet que "l’échec de l’intervention ne peut être imputé à un aléa chirurgical alors même que le chirurgien ne démontre pas avoir employé tous les moyens qui étaient en sa possession pour que l’intervention soit réussie".
Suite à ce jugement défavorable, une indemnisation en réparation des préjudices subis a été octroyée au patient.
Le chirurgien esthétique est soumis à une obligation de moyens renforcée
Tout chirurgien est tenu à une obligation de moyens. Cela veut dire qu’il doit à son patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science et qu’il doit tout mettre en œuvre pour tenter de parvenir à la réussite de son intervention.
On ne peut préjuger de la position qu’adoptera un tribunal dans une affaire mais la Jurisprudence met en avant une sévérité plus importante des juges s’agissant d’un manquement à l’obligation de moyens par un chirurgien esthétique : il s’agit en réalité d’une "obligation de moyens renforcée".
Ainsi, par exemple, il est de jurisprudence constante que le chirurgien esthétique est tenu de récuser le patient si les risques induits par l’intervention sont plus importants que la disgrâce à laquelle il convient de remédier.
En effet, dans un arrêt du 17 janvier 1999, la Cour d’appel de Versailles a considéré "qu’en matière de chirurgie esthétique, l’atteinte à l’intégrité physique du malade ne peut se justifier que si elle respecte l’existence d’un certain équilibre entre le mal causé par l’intervention et le profit espéré, de sorte que le médecin ne doit pas mettre en œuvre une thérapeutique dont les inconvénients risqueraient de surpasser la disgrâce qu’il prétend traiter ou dont la gravité serait hors de proportion avec l’embellissement espéré".
Dans le dossier exposé ci-dessus, les juges reprochent au praticien de ne pas avoir pris les précautions nécessaires en ne réalisant pas un repérage précis de la zone tumorale par des clichés IRM et échographique le jour de l’intervention. Ce dernier aurait dû, s’il s’estimait insuffisamment informé sur la zone précise de localisation de la tumeur, demander des examens complémentaires pour satisfaire à son obligation de moyens.
Une prise en charge pluridisciplinaire des patients avant une intervention chirurgicale améliore la sécurité des soins
Une concertation/collaboration renforcée entre le chirurgien esthétique et le radiologue aurait pu permettre une meilleure prise en charge du patient.
Ces dernières années, la prise en compte des facteurs humains semble s’être placée au cœur de nombreux plans d’actions de gestion et de prévention des risques.
D’ailleurs, la Haute Autorité de Santé (HAS) rappelle régulièrement l’importance de la prise en compte des facteurs humains pour la sécurité des patients. En mai 2018, elle a élaboré un programme collaboratif pluri-professionnel d’amélioration continue du travail en équipe afin de sécuriser la prise en charge du patient : la démarche PACTE.
Pour la HAS, les enjeux de cette démarche sont principalement de "diminuer la survenue des événements indésirables grâce au travail en équipe" et de "sécuriser l’organisation de la prise en charge du patient en faisant de l’équipe une barrière de sécurité".
Le renforcement de la collaboration entre les différents praticiens qui interviennent dans la prise en charge d’un même patient contribue à une réelle prise en compte des facteurs humains ayant pour objectif une amélioration continue de la prise en charge des patients.