Perforation de l'anse iléale lors d'une lipoaspiration
Suite à une importante prise de poids, une patiente consulte un chirurgien esthétique et plastique qui pose l’indication d’une lipoaspiration abdominale, des hanches, des cuisses et de la face interne des genoux.
Les suites opératoires sont marquées par d’importantes douleurs abdominales associées à de nombreux malaises, conduisant à garder la patiente hospitalisée.
Le lendemain matin, devant un tableau abdominal aigu à l’examen, le chirurgien demande un scanner qui objective une péritonite aiguë. Le jour-même, la patiente est opérée par un chirurgien digestif qui découvre une perforation de l’anse iléale. Un nettoyage associé à des drainages multiples et une suture de l’intestin grêle sont effectués.
La patiente engage une procédure amiable qu’elle transforme rapidement en procédure civile.
Une expertise médicale est diligentée. L’expert ne remet pas en cause l’indication opératoire ni l’information donnée mais il estime que la perforation de l’intestin grêle est secondaire à une maladresse fautive du praticien lors de l’abdominoplastie. Il relève également un manquement du personnel infirmier consistant en un défaut de surveillance. Le chirurgien aurait dû être prévenu plus tôt de l’état de santé dégradé de sa patiente. Il conclut cependant qu’une prise en charge plus précoce de la patiente n’aurait pas changé son état.
Suite à ce rapport d’expertise judiciaire défavorable, et en accord avec notre sociétaire, un processus transactionnel a été initié.
9 perforations de l'intestin grêle entre 2016 et 2023 pour les chirurgiens esthétiques assurés à la MACSF
Pour dégager des tendances statistiques sur différents risques médico-juridiques liés à diverses spécialités médicales et chirurgicales, la MACSF a notamment mis en place un Observatoire du risque médico-juridique en chirurgie esthétique et plastique.
Il s’agit d’une base de données répertoriant toutes les réclamations patient enregistrées à la MACSF, impliquant un chirurgien esthétique et plastique sur une période donnée, quel que soit le type (civil, pénal, amiable...) et l’issue (favorable, défavorable ou sans suite).
L’Observatoire compte 815 réclamations en chirurgie esthétique et plastique sur la période de 2016 à 2023.
Sur cet échantillon, 12 dossiers concernent une perforation d’organes dont :
- 8 perforations de l’intestin grêle dans les suites de lipoaspiration,
- 2 brèches ostéoméningées suite à une rhinoplastie,
- 1 perforation de l’intestin grêle suite à une abdominoplastie,
- 1 plaie de cornée dans les suites d’un lifting cervico-facial.
S’agissant de l’issue des réclamations, sur les 9 dossiers de perforation de l’intestin grêle :
- 1 est en cours (en attente d’organisation d’une expertise),
- 1 est en cours avec un rapport d’expertise défavorable,
- 7 ont connu une issue défavorable (condamnation judiciaire ou transaction amiable).
En ce qui concerne les 2 dossiers de brèche ostéoméningée, ils ont conduit tous deux à une transaction amiable, tout comme le dossier de plaie de la cornée.
La perforation d'un organe par le chirurgien esthétique constitue une maladresse fautive
La perforation d’organe suite à un acte de chirurgie esthétique est un événement indésirable grave évitable, considéré comme une maladresse fautive du chirurgien.
Sa responsabilité est retenue quasi systématiquement, les experts écartant rapidement l’accident médical non fautif ou l’aléa thérapeutique en ces circonstances.
Conformément à la jurisprudence applicable en la matière, le chirurgien esthétique est donc soumis à une "quasi obligation de sécurité-résultat" concernant l’exactitude et la précision du geste chirurgical qu’il réalise.
Il est à noter qu’une vigilance accrue du praticien lors de l’intervention et une prise en charge précoce de la complication participent à la mise en œuvre de barrières de récupération performantes.
Le risque s’en trouve alors diminué, tant pour le patient de voir son état de santé se dégrader, que pour le chirurgien qui pourra attester d’une prise en charge optimale de la complication, réduisant de ce fait les préjudices subis.
Crédit photo : AMELIE-BENOIST / IMAGE POINT FR / BSIP