Extravasation de liquide suite à la pose d'une perfusion intraveineuse par un infirmier à domicile
En raison d’une anémie, un médecin prescrit à une patiente la réalisation d’injections de fer par perfusion intraveineuse.
L’injection est réalisée à domicile par un infirmier libéral. Ce dernier installe la patiente sur le canapé, utilise son propre matériel de perfusion (kit de secours) et accroche le flacon de perfusion au lustre.
Une fois la perfusion mise en place, il s’absente pour voir d’autres patients. À son retour, une vingtaine de minutes plus tard, il constate que le produit a diffusé à l’extérieur de la veine. Il interrompt immédiatement la perfusion.
Dans les suites, la patiente présente une lymphangite du bras et de l’avant-bras droit avec une coloration cutanée brun clair, associée à une adénopathie axillaire droite douloureuse sans fièvre. Un traitement antibiotique, des antalgiques et la réalisation de pansements alcoolisés permettent de réduire les symptômes mais elle présente une pigmentation définitive du membre supérieur droit.
Une mise en cause du médecin prescripteur et de l'infirmier
La patiente recherche la responsabilité du médecin prescripteur de l’injection et de l’infirmier qui l’a réalisée.
- Elle reproche au médecin d’avoir établi une prescription médicale incomplète et de ne pas l’avoir informée de la gravité des risques encourus par le mode d’administration choisi.
- Elle considère que l’infirmier n’aurait pas dû réaliser l’injection, compte tenu du caractère incomplet de la prescription et au regard de l’absence d’urgence. Elle lui reproche également de l’avoir laissée seule pendant l’injection, d’avoir utilisé un kit de perfusion de secours et non un kit de perfusion adapté et d’avoir procédé à une installation non-conforme de la perfusion (accrochée à un lustre).
Mise hors de cause du médecin prescripteur
Le Tribunal retient l’existence d’un défaut d’information du médecin sur l’existence d’un risque éventuel inhérent à un produit injectable. Pour autant, il estime que ce manquement est sans lien direct et certain avec le préjudice subi.
En ce qui concerne le traitement prescrit
Les juges considèrent qu’il est établi, et non contesté, que si le médecin a choisi de recourir à l’injection de fer par intraveineuse, c’est en raison de l’intolérance de la patiente au médicament per os.
Le traitement choisi peut donc "être considéré comme justifié et diligenté conformément aux données acquises de la science médicale à l’époque des faits". En conséquence, pour le Tribunal, "compte tenu du principe de libre choix du médecin dans ses prescriptions, aucune faute ne saurait être relevée à l’encontre [du praticien] quant au choix du traitement prescrit".
En ce qui concerne la prescription médicale
Les experts ont relevé son caractère incomplet. Il n’était pas fait mention sur la prescription :
- de la durée de pose de la perfusion,
- de la nécessité de recourir ou non à la présence constante de l’infirmier,
- du matériel de perfusion à utiliser.
Le Tribunal ne retient cependant pas ces manquements. Il estime qu’ils ne sont pas en lien de causalité direct et certain avec le préjudice, à savoir l’extravasion du liquide de perfusion.
En effet, pour les juges, "les manquements allégués envers le médecin relèvent en réalité de la responsabilité de l’infirmier libéral pour lequel l’exécution d’un acte de perfusion ne peut être considéré comme exorbitant de sa mission".
Ils considèrent qu’il appartenait à l’infirmier de déterminer le matériel de perfusion adéquat, de choisir le lieu de prise en charge, d’installer le matériel de perfusion adéquat et de surveiller le déroulement de l’injection.
Responsabilité exclusive de l'infirmier
Le Tribunal reproche à l’infirmier trois manquements à l’origine de la complication :
- Il n’a pas procédé à la perfusion dans son cabinet professionnel où il devait disposer d’une installation adaptée.
- Il ne s’est pas assuré de conditions matérielles sûres pour la mise en œuvre de la perfusion au domicile de sa patiente, en se contentant d’un "dispositif de fortune" (canapé, lustre) alors qu’aucune urgence ne l’y contraignait.
- Il n’a exercé aucune surveillance de la perfusion pendant une vingtaine de minutes alors qu’il est établi que le liquide s’est rapidement propagé hors de la veine et que la surveillance d’une telle opération était indispensable.
Le tribunal, par un jugement du 15 décembre 2017, en conclut que ces fautes sont constitutives d’une négligence et d’une imprudence caractérisées dans la prise en charge de la patiente, en lien de causalité direct et certain avec le préjudice subi.
Par ailleurs, il est à noter que, dans sa défense, l’infirmier considérait que la victime avait commis une faute en ne respectant pas les indications données, et notamment celle de ne pas bouger pendant la perfusion.
Pour le tribunal, il n’est pas démontré que la patiente a effectivement bougé pendant sa perfusion et que ses mouvements ont causé l’extravasation du produit. En tout état de cause, pour les juges, il appartenait bien à l’infirmier "de s’assurer de bonnes conditions pour réaliser la perfusion".
Ils ne retiennent donc aucune faute exonératrice de responsabilité à l’encontre de la patiente.
Seule la responsabilité de l’infirmier est retenue. Il est condamné à réparer l’entier préjudice.
À retenir
- Lors de soins à domicile, il est indispensable d’assurer une surveillance étroite du patient pour parer rapidement à toute complication.
- Le matériel adéquat doit être utilisé, sans avoir recours à des installations de fortune, en fonction de la configuration des lieux, car elles peuvent comporter un risque important.
En cas de doute sur ces points, il est préférable de renoncer à dispenser les soins à domicile.
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