Une hystérectomie radicale
Après un déclenchement, une femme de 29 ans accouche par voie basse en clinique. Lors de la délivrance, le placenta ne se retire pas entièrement. Le gynécologue obstétricien procède donc à une révision utérine puis à plusieurs aspirations utérines, dans l'attente de chirurgien de garde.
À l'arrivée du chirurgien, une nouvelle aspiration utérine est pratiquée et libère un débris placentaire. La déchirure obstétricale est suturée et la patiente à nouveau transfusée en raison d'une hémorragie importante.
Deux jours plus tard, une échographie de contrôle objective une rétention importante du placenta, très probablement accreta, dans le fond de l'utérus. Après de nouvelles transfusions sanguines, il est décidé de pratiquer une hystérectomie.
Après avoir porté plainte devant le conseil de l'Ordre et initié une procédure en CCI, qui n'aboutit pas en raison de son refus de l'offre présentée, la patiente assigne le praticien devant les juridictions civiles.
Un retard de diagnostic de placenta accreta regrettable
L’arrêt est rendu le 19 mars 2020.
Il ne peut être reproché au gynécologue obstétricien de ne pas avoir diagnostiqué le placenta accreta pendant la grossesse. Il n'est pas non plus contestable que des transfusions étaient nécessaires. Enfin, le gynécologue obstétricien a fait appel au chirurgien, ce qui est une bonne pratique.
Devant la constatation d'un placenta accreta, incrusté dans le muscle utérin et impossible à retirer lors de la délivrance artificielle, deux options étaient envisageables :
- une hystérectomie d'hémostase, solution classique mais dont les conséquences sont radicales ;
- une embolisation des artères utérines, possible uniquement si certaines conditions sont réunies, notamment disposer d'un plateau technique adapté ou, à défaut, de possibilités de transfert dans de bonnes conditions, avec un état hémodynamique stable.
Si, dans cette affaire, le choix de l’hystérectomie n’est pas critiquable, le tribunal remarque qu’il s’est imposé du fait du retard du diagnostic de placenta accreta.
En effet, eu égard à l'importance de l'hémorragie, une échographie pelvienne aurait dû être pratiquée dès le lendemain de l'accouchement, ce qui aurait permis d’établir un diagnostic avec certitude et d’éviter la situation d'urgence dans laquelle la patiente a été placée.
Un transfert pour la réalisation d’une embolisation, conservatrice de l’utérus, aurait alors pu être envisagé, ceci d'autant plus que le fragment placentaire résiduel était de petit volume et que son siège était favorable.
Il existe donc une perte de chance de diagnostiquer plus précocement le placenta accreta et de permettre une embolisation, moins radicale que l’hystérectomie, que les juges estiment à 75 %.
Un partage de responsabilité entre chirurgien et gynécologue obstétricien
Les juges partagent la responsabilité entre le gynécologue obstétricien et le chirurgien, à 70 % pour le premier et 30 % pour le second.
Le chirurgien prétendait qu’en intervenant pour procéder à une révision utérine manuelle, il n’a été que l’exécutant du gynécologue, qui a seul décidé ultérieurement d’une hystérectomie.
Les juges refusent de suivre ce raisonnement. Ils estiment que la responsabilité doit être partagée.
En effet, le chirurgien a été pleinement associé à la prise en charge à partir du moment où il a pratiqué la révision utérine. Il ne peut être considéré comme un simple exécutant du gynécologue obstétricien ; il a été pleinement associé à la prise en charge de la patiente lors du passage au bloc opératoire.