Le périmètre de l'étude
Pour dégager des tendances statistiques sur le risque médico-juridique en radiologie, la MACSF a mis en place un Observatoire du risque médico-juridique en radiologie.
Il s’agit d’une base de données répertoriant toutes les réclamations patient enregistrées à la MACSF, impliquant un médecin radiologue sur une période déterminée (ici 4 années), quel que soit le type (civil, pénal, amiable...) et l’issue (favorable, défavorable ou sans suite).
L’objectif de ces analyses est également de mettre en évidence des récurrences sur les motifs de réclamations, objectivant des vulnérabilités dans les process de prise en charge, et permettant ainsi aux professionnels de santé de mettre en place des actions de prévention et de sensibilisation à ces risques (individuelles et/ou collectives).
Quelques généralités sur le risque médico-juridique en radiologie
- Les réclamations enregistrées à la MACSF impliquent 92 % de praticiens exerçant exclusivement à titre libéral (en adéquation avec le portefeuille de sociétaires de la MACSF assurant majoritairement des praticiens libéraux), 6 % de libéraux mixtes ou praticiens hospitaliers avec un secteur privé et 2 % de praticiens hospitaliers ou salariés du privé.
- Plus de 60 % des réclamations impliquent un sinistre qui a eu lieu dans un cabinet ou un centre de radiologie privé, 32 % en clinique et 8 % à l’hôpital ou en GIE public.
L'acte médical réalisé à l'origine de la réclamation
En cohérence avec le nombre d’actes de radiologie pratiqués chaque année en France :
- 23 % des réclamations font suite à un scanner,
- 21 % des réclamations font suite à un acte de radiologie conventionnelle,
- 13 % des réclamations impliquent une IRM, une mammographie et une échographie (dans une même proportion).
À noter également
4 % de réclamations qui font suite à un acte de radiologie interventionnelle. Ces dernières années, l’imagerie médicale a connu une importante évolution et est désormais utilisée lors d’interventions thérapeutiques. Du fait de l’augmentation constante du recours à cette pratique en France, il est fort probable qu’une sur-sinistralité liée à la radiologie interventionnelle apparaisse.
S'agissant des zones opérées
- 25 % des réclamations concernent la zone abdomino-pelvienne,
- 19 % le sein et 16 % le membre inférieur. Suivent ensuite des réclamations impliquant une imagerie sur le rachis et le membre supérieur et les régions "cérébrale" et thoracique.
Les motifs de réclamation en radiologie
Le motif de réclamation correspond à l’événement indésirable à l’origine d’un préjudice pour le patient suite à un acte de soins.
S’agissant des radiologues, dans près de 75 % des cas, le patient engage une procédure pour un des deux motifs suivants :
- Erreur d’interprétation des images ou erreur de détection d’une pathologie (63 %)
L’erreur d’interprétation des images concentre une importante proportion des évènements indésirables rencontrés. Près de la moitié des dossiers font suite à un examen scanner ou à une imagerie conventionnelle (26 % à parts égales) et 20 % des réclamations font suite à une mammographie. Les causes profondes de ces erreurs d’interprétations sont nombreuses : conditions matérielles, erreur humaine, erreur de protocole, erreur d’identité du patient, charge de travail… - Erreur technique (11 %).
De manière moins significative, la demande peut également être motivée par une infection associée aux soins, les effets secondaires d’un médicament, un problème relationnel ou encore une réaction allergique à un produit de contraste…
A noter également, 4 % de dossiers impliquant la chute d’un patient avant ou après la réalisation d’un examen d’imagerie :
- 11 des 14 dossiers recensés de "chute" concernent des personnes âgées,
- 1 dossier concerne une personne obèse.
Ces chiffres mettent en exergue la nécessité de redoubler de vigilance et d’assurer une surveillance renforcée pour la prise en charge de ces patients à risque.
En effet, tout praticien doit tenir compte de l’âge (les personnes âgées étant plus facilement sujettes aux troubles de l’équilibre), de l’état de santé et des antécédents médicaux ainsi que des fragilités particulières propres à chaque patient (obésité). Doivent donc être prises toutes les précautions nécessaires pour tenter de parer tout risque de complication et notamment tout risque de chute.
Quelle est la typologie des réclamations patient enregistrées à la MACSF ?
La responsabilité indemnitaire des médecins radiologues est la plus souvent recherchée, elle concentre plus de 90 % des réclamations :
- 33% de procédures devant les juridictions civiles (+ 0.5 % de procédure administrative),
- 30 % de demandes amiables,
- 29 % de saisines de Commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI).
Les patients recherchent donc surtout une compensation financière en réparation du ou des préjudices subis qu’ils estiment en lien de causalité direct et certain avec l’acte d’imagerie réalisé.
En revanche, et c’est une tendance que l’on retrouve pour de nombreuses autres professions médicales et chirurgicales, les responsabilités ordinale (3 %) et pénale (1,5 %) des radiologues ne sont que très peu recherchées.
En effet, les médecins radiologues ne sont que très peu poursuivis pénalement, probablement parce que l’acte d’imagerie médicale est le plus souvent à l’origine d’une "perte de chance" pour le patient mais l’expose rarement de manière directe et certaine à un risque grave engageant son pronostic vital alors que la voie pénale est plus communément retenue en cas de blessures majeures ou décès.
Pour aller plus loin, découvrez notre article "Les différents types de mise en cause d'un médecin"
L'issue des réclamations
Dans 66 % des cas, nous considérons qu’un dossier a évolué favorablement pour nos sociétaires, soit parce que le dossier ne connaît aucune suite, soit parce que le radiologue est mis hors de cause, soit après dépôt d’un rapport d’expertise favorable pour le praticien sans suite de la procédure par le patient.
A l’inverse, 18 % des dossiers évoluent défavorablement, soit par condamnation judiciaire, soit en raison d’un avis CCI défavorable. Avec l’accord de nos sociétaires, des dossiers sont également transigés à l’amiable suite au dépôt d’un rapport d’expertise amiable ou judiciaire défavorable risquant d’évoluer vers une poursuite de la demande indemnitaire.
A noter également, 8 % de "dossiers à risque", pour lesquels un rapport d’expertise défavorable a été rendu et sont en attente d’un jugement (procédures civile ou pénale) ou d’un avis CCI.
Les 8 % restants correspondent à des dossiers "en cours", en attente d’organisation d’une expertise.
Notons également que dans près de la moitié des dossiers, le radiologue est mis en cause parmi plusieurs acteurs.
Le praticien est mis en cause car il est intervenu en réalisant un acte d’imagerie médicale pour un patient qui, malheureusement, est décédé ou a présenté dans les suites d’importantes séquelles. Dans ces dossiers, recherchant les causes du décès ou des séquelles présentées, les patients ou leurs ayants droit mettent en cause tous les praticiens intervenus de manière plus ou moins directe dans la prise en charge de la pathologie initiale présentée.
Les principaux manquements retenus
- Sans grande surprise, la faute technique la plus souvent reprochée est le défaut/retard diagnostic. Ce manquement est d’ailleurs en adéquation avec le principal événement indésirable rencontré chez les radiologues : l’erreur d’interprétation des images ou erreur de détection d’une pathologie.
- Il est également reproché à nos sociétaires radiologues des défauts de prise en charge. Il s’agit par exemple, d’un défaut de communication et classement rapide de résultats, d’un retard de prise en charge d’une spondylodiscite ou d’une maladie cancéreuse ou encore de la prise en charge d’un patient ayant présenté une réaction allergique au produit de contraste alors que le praticien avait été alerté de son allergie à l’iode.
- Quelques maladresses techniques sont également à relever : extravasation de produit de contraste, défaut de calibrage ou encore inversion de côté sur un cliché.
- Enfin, une "faute déontologique" consistant en une attitude critiquable du praticien dans les explications données à son patient sur le résultat de son IRM est également à rapporter.
Quelques exemples de dossiers fautifs...
Erreur d'échantillonnage suite à une biopsie mammaire sous imagerie
Une patiente est prise en charge pour une ponction sous imagerie de nodules au niveau d’un sein. Les suites sont simples. Les prélèvements réalisés sont transmis au laboratoire d’anatomopathologie qui conclut à un "carcinome canalaire infiltrant".
Le radiologue contacte sa patiente pour lui communiquer ces résultats par téléphone. Il l’informe de la présence d’un grave carcinome dont il la croyait atteinte alors que cela n’en était pas un…
En réalité, il y a eu une erreur d’échantillonnage au niveau du laboratoire et les prélèvements de la patiente ont été inversés avec ceux d’une autre patiente.
Le praticien a donc appelé de nouveau sa patiente pour lui faire part de cette erreur mais selon l’Ordre des médecins celui-ci a fait preuve "d’indifférence et de manque de considération envers la souffrance et le désarroi de sa patiente qui se pensait atteinte d’un cancer". Pour l’Ordre, le praticien n’a pas fait preuve de compréhension ni d’empathie et a commis un manquement dans sa prise en charge. Une sanction d’interdiction d’exercer la médecine d’un mois dont 15 jours avec sursis a été prononcée.
Si, sur l’échantillon des 287 dossiers de l’étude, aucun manquement au devoir d’information n’est retenu à l’encontre de nos sociétaires radiologues, ce constat ne peut être généralisé.
En effet, par un arrêt du 16 janvier 2013, la première Chambre civile de la Cour de cassation a condamné un médecin radiologue au titre d’un défaut d’information. Les Magistrats ont rappelé que l’information est due au patient tant par le médecin prescripteur que par celui qui réalise la prescription, que cette information ne porte pas uniquement sur les risques d’un acte médical mais également sur "l’état de santé", et qu’elle doit être "claire, loyale et appropriée", c’est-à-dire communiquée au patient "d’une manière adaptée à sa personnalité et à son état".
En revanche, il est à noter que dans de nombreux dossiers de l’étude, la communication médecin-patient fait défaut…
Communiquer de manière claire et directe (éviter donc d’utiliser des termes trop techniques) et faire preuve d’empathie (notamment par une écoute active) peuvent permettre d’améliorer la compréhension du patient et d’éviter que la relation médecin-patient ne devienne conflictuelle. L’accompagnement du patient surtout lors de l’annonce d’une pathologie ou même d’un événement indésirable est primordial.
Décès d'une patiente suite à une chute de la table d'IRM
Une patiente âgée consulte un médecin radiologue pour une IRM cérébrale en vue de contrôler les troubles cognitifs liés à sa maladie d’Alzheimer. En descendant de la table, sans aide du personnel soignant, la patiente chute. Elle présente un traumatisme crânien sans gravité avec une plaie frontale et des douleurs au niveau du talon. Aucun cliché, notamment du pied douloureux, ne sera réalisé au cabinet de radiologie dans les suites de la chute et la patiente ne sera pas orientée vers un service d’urgences. Quelques jours plus tard, la douleur persistant, elle se rend dans un cabinet de radiologie où sera diagnostiqué une fracture du calcanéum gauche non déplacée.
Presque deux ans plus tard, la patiente décède des suites de sa maladie. Son mari engage une procédure devant la CCI contre le radiologue et le manipulateur en électroradiologie ayant pris en charge son épouse. Il allègue une dépression réactionnelle suite à l’accident qui aurait induit une importante perte d’autonomie, un syndrome confusionnel et des troubles du comportement (démence).
Si l’expert conclut à un défaut de surveillance par le manipulateur en électroradiologie et à "un comportement non conforme" du radiologue, la Commission retient la responsabilité exclusive du médecin radiologue. La CCI considère que, si le décès de la patiente est consécutif à l’évolution prévisible de sa maladie d’Alzheimer, la chute dans le cabinet de radiologie lui a fait perdre une chance, évaluée à 66 %, de ne pas voir cette maladie se dégrader si rapidement...
Ce dossier met en exergue la nécessité d’assurer une surveillance renforcée lors de la prise en charge de patients à risque (telles que les personnes âgées ou les personnes présentant des comorbidités). Si le médecin radiologue est tenu à une obligation de moyens, sa responsabilité pourra se trouver engagée s’il est établi qu’il n’a pas mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer une prise en charge optimale et sécurisée de son patient.
Si une chute se produit suite à un examen d’imagerie, il est également primordial de s’assurer de dispenser les premiers soins nécessaires au patient.
Ceci est d’autant plus vrai que les experts, puis les juges ou la CCI auront tendance à être plus sévères à l’égard des praticiens, qui n’auront pas directement utilisé les moyens d’investigations adaptés ou orienté le patient vers une structure d’urgences.